Homélie Saint Jean de la Croix 2018

Participer à la gloire du Christ (St Jean de la Croix 2018)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques : Is 43, 1-5 ; Ps 138 ; Rm 8 ; Jn 17, 11 b-26.

«  Moi je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée.  » Puisque nous sommes disciples du Christ, c’est bien à nous que ces paroles de Jésus s’adressent. Il nous donne sa gloire, sa gloire qui est en fait celle que le Fils a reçue du Père. C’est aussi ce que dit saint Paul : Dieu «  a donné sa gloire  » à ceux qu’il destinait à cela. Mais savons-nous bien en quoi consiste cette gloire «  que Dieu va bientôt révéler en nous  » ?

Saint Jean de la Croix peut nous aider à entrer dans deux dimensions de ce qu’est la gloire de Dieu, ce qui relève de la lumière et ce qui relève de la densité. La gloire de Dieu se manifeste par une lumière qui éclaire : le Verbe de lumière vient illuminer nos vies et y faire rayonner sa gloire. Dieu est lumière et il nous communique cette lumière. Mais cette lumière est parfois si forte nous dit saint Jean de la Croix qu’elle excède nos capacités à la regarder : elle éblouit notre regard et nos yeux en sont aveuglés. Paradoxalement la lumière divine nous plonge dans la nuit ! Etrange gloire qui attire et terrasse !

Jean de la Croix nous aide à contempler ce mystère de la gloire lumineuse à travers un autre mot, celui de la beauté. « Allons nous voir en ta beauté » dit l’âme au Christ-Epoux dans le Cantique spirituel (B 36,5) : « c’est-à-dire, commente Jean, que je sois transformée en ta beauté de telle sorte que, étant semblable à toi en beauté, nous nous voyions l’un l’autre en ta beauté, moi possédant ta beauté même, de manière que, nous regardant l’un l’autre, chacun voie dans l’autre sa beauté, l’une et l’autre étant ta seule beauté, moi absorbée dans ta beauté. » La gloire de Dieu est beauté qui attire, qui irradie et se partage à celui qui l’accueille. D’ailleurs Jean de la Croix dit bien que le Créateur a revêtu toutes les créatures de beauté (str. 5). Le commentaire se poursuit en citant Jn 17,10 : « Telle est l’adoption des fils de Dieu qui, en vérité, diront à Dieu ce que le Fils lui-même dit, en saint Jean, au Père éternel  : Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi, lui par essence, parce qu’il est Fils par nature, nous par participation, en qualité de fils adoptifs. » Nous héritons ainsi de la beauté du Christ, même si nous savons que cette participation ne sera plénière que dans l’éternité. Et c’est pourquoi dans la strophe 11, l’âme s’exclame : « que la vue de ta beauté me tue ! ». Voilà donc pour la première dimension de la gloire qui se manifeste par une beauté lumineuse perceptible par la vue. C’est le regard qui est ici touché. Cependant, nous savons que les apparences sont trompeuses et que la beauté plastique est parfois décevante. De même ce qui rayonne est parfois inconsistant ! Un écran de smartphone peut bien nous attirer et nous fasciner par sa lumière et ce qu’il fait apparaître ; mais derrière lui, il n’y a rien, aucune profondeur, aucune consistance.

L’autre dimension de la gloire concerne justement cette consistance. C’est la densité, c’est le poids de la gloire, de la kavod divine. La gloire de Dieu se manifeste certes par sa belle lumière mais surtout par sa densité de présence. Et ce poids, cette densité, elle se sent, elle se palpe, elle se touche. Ce n’est plus la vue qui est concernée mais le toucher spirituel. Cette gloire est-elle consistante ? Cette beauté est-elle profonde ? Comment le savoir ? Aussi dans cette même 36e strophe du Cantique Spirituel, l’âme demande-t-elle au Christ : « entrons plus avant dans l’épaisseur », dans l’épaisseur de cette beauté qui se révèle sagesse. Et Jean précise : «  Et cette épaisseur de sagesse et de science de Dieu est si profonde et immense que, même si l’âme en connaissait davantage, elle pourrait toujours pénétrer plus avant, tant elle est immense et tant ses richesses sont incompréhensibles. » (36,10) La gloire de Dieu est profonde, infiniment profonde, de sorte qu’elle n’est pas trompeuse mais inépuisable. Cependant on ne peut y entrer que par la porte étroite de la Croix. L’épaisseur du mystère de la croix ne se palpe pas de l’extérieur : il faut en faire l’expérience, plonger dedans ! Saint Paul nous l’a dit : « nous sommes héritiers avec le Christ si nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire. » Et alors, nous aurons en effet cette gloire en partage et Dieu nous dira : « tu as du prix à mes yeux, tu as un poids de gloire et je t’aime. »

Recevoir la gloire du Christ, c’est donc être revêtu de beauté, enveloppé dans la lumière du Verbe. C’est aussi, entrer dans l’épaisseur du mystère et recevoir soi-même une densité de présence et d’existence. Rayonner Dieu de l’intérieur comme une présence discrète mais puissante, une présence qui se diffuse au centre le plus profond de l’âme vers tous ceux qui approchent cette source. Voilà la gloire qui nous est promise, qui nous est déjà donnée. Alors avec Jean, n’hésitons plus, allons nous voir en la beauté du Christ et entrons dans l’épaisseur de son amour. Que la gloire du Père soit désormais la gloire de ses fils adoptifs. Amen.

fr. Jean-Alexandre de l’Agneau , ocd - (Couvent d’Avon)
Revenir en haut