Revenir à la source (3e dim. de carême 07/03/21 )

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Gn 22, 1-2.9-13.15-18 ; Ps 115 (116b) ; Rm 8, 31b-34 ;Mc 9, 2-10

Voici des lectures qui évoquent pour moi, je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, un certain nombre d’images gravées dans ma mémoire au risque d’orienter instantanément la parole de Dieu sans me laisser le loisir de me laisser toucher, interpeller et d’en voir le sens pour aujourd’hui. Je m’explique : la première lecture, le livre de l’Exode au chapitre 20 avec la proclamation de ce qu’on appelle communément les dix commandements me renvoie presqu’immédiatement au film « Les dix commandements » sortie en 1956 avec Charlton Heston, je n’étais pas né bien sûr, mais c’est un film culte qui a marqué l’histoire du cinéma mondial, mais est-ce bien fidèle à notre texte ou ne serait-ce pas une interprétation par trop hollywoodienne ? Je vous invite à le revoir, on y voit Moïse brandir les tables de la loi, c’est limite terrifiant ! Pour l’Évangile, je vous renvoie à une expérience que vous pouvez tous faire, pourvu que vous vous rendiez à Lourdes. En effet, quelle que soit la porte par laquelle vous entrez dans le sanctuaire vous devez traverser un nombre astronomique de magasins vous vendant la Vierge de Lourdes dans tous les formats où le mauvais goût n’est qu’une affaire de point de vue, faudrait-il tous les chasser avec un fouet à l’image du Christ dans l’Evangile de ce jour ? Là, l’expérience est vraiment toute autre, c’est limite déroutant. Essayons d’oublier ces images, de vous en abstraire alors que je viens de vous les évoquer, pour regarder nos textes. «  En ces jours-là, sur le Sinaï, Dieu prononça toutes les paroles que voici  », les paroles, les dix paroles. Dieu nous donne des paroles, des paroles de Vie. Lorsque nous entendons le mot commandement, nous entendons obligations et par conséquent contraintes mais ce que Dieu veut c’est que l’homme vive, ce sont d’abord et avant tout des paroles de vie, des paroles pour faire vivre, pour que l’homme se réalise lui-même et marche vers l’accomplissement de tout son être. Ce n’est pas un énième code de la route ou code civil pour nous limiter mais bien des paroles qui font grandir comme un père s’adresse à son enfant pour lui montrer le chemin de la croissance.

Et, pour notre page d’Évangile, que retenons-nous, l’épisode du fouet que le Christ confectionne avec les cordes ? Oui, cela frappe l’imagination, mais quel est le message du Christ, l’avons-nous oublié ? Le Temple est « la maison de mon Père » nous rappelle ce dernier. Au vu de la situation concrète au temps du Christ, nos sens auraient vraiment eu de quoi être déboussolés : un brouhaha indescriptible, un souk pas possible, une odeur nauséabonde alors que c’est le lieu de la présence de Dieu. Tout le monde n’est pas maitre d’oraison et il y a mille et une manière de prier mais il faut tout de même un minimum requis, ici les conditions ne semblent pas remplies.

Dieu nous donne ses 10 paroles, Dieu vient résider parmi nous et nous, comment y répondons-nous ? Comment nous sentons-nous concernés ? Sommes-nous des spectateurs comme au cinéma, c’est beau, c’est grand, on en a plein les yeux et cela vient remplir notre banque d’images ou bien sommes-nous des acteurs qui entrons dans la relation que Dieu vient nouer avec notre humanité ? Il y a plusieurs manières de vivre sa vie soit en regardant le fleuve, le courant passer, ou bien en entrant dans le courant sans bien savoir d’avance où cela nous mènera. Sommes-nous donc prêts à nous laisser transformer, visiter par Dieu ou bien resterons-nous sur la berge immobile ?

Ces textes de la liturgie de ce dimanche sont donc une invitation à laisser un peu tout ce qui nous encombre, tous nos objets que Jésus vient de culbuter sur la table des changeurs, de mettre à terre, tout ce que j’appellerai nos gris-gris qui viennent comme entraver la relation à Dieu, mettre une distance voire une barrière sans que nous n’en ayons toujours conscience. Tout cela vient altérer notre relation avec Dieu, lui fait perdre sa saveur et sa vigueur, alors en ce cas, oui la vie avec Dieu devient fade, sans consistance et nous nous éloignons peu à peu de lui.

Le Carême est une invitation profonde à revenir à la source, à retrouver l’essentiel, à ôter nos armures, nos protections pour nous laisser toucher par Dieu, par le pauvre qui nous attend au coin du chemin, qui frappe à notre porte. Faisons bien la différence dans nos vies entre ce qui est urgent (et qui peut attendre encore un peu) et ce qui est important, qui est structurant pour que notre vie prenne sens.

Pour le mot de la fin, je cède volontiers la parole au pape François, qui à plus de 84 ans, a osé quitter son pays pour partir en voyage jusqu’en Irak, le pays du père des croyants : Abraham. Dans l’une de ses interventions, il implore les chrétiens d’Irak à ne pas se laisser contaminer par le « virus du découragement ». Amen.

Fr. Christophe-Marie, ocd - (couvent d’Avon)
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