4e dimanche de Carême -A-

L’aveugle-né

Les Pharisiens, les parents, l’aveugle : trois réactions différentes au miracle que Jésus accomplit, trois attitudes différentes devant Jésus, lumière du monde.

Les Pharisiens s’enferment de plus en plus dans leur refus :

Au début, ils semblent admettre le fait de la guérison : « Comment as-tu recouvré la vue ? Que dis-tu de celui qui t’a ouvert les yeux ? » ; mais ensuite les plus hostiles accaparent le débat et jettent le doute dans l’esprit des gens : « Après tout, qu’est-ce qui nous prouve qu’il était vraiment aveugle ? »

Lors du dernier interrogatoire, ils ne cherchent plus du tout la vérité. Ils tentent seulement de prendre l’hom­me en défaut, en lui faisant répéter les détails du miracle : « Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ? » ; et ils finissent par insulter le témoin. Ils le rendent même coupable de son malheur : « Tu n’es que péché depuis ta naissance, et tu viens nous faire la leçon ! »

C’est le drame des Pharisiens : ils croient voir et se ferment à la lumière ; il croient savoir, et il le répètent : « Cet homme ne vient pas de Dieu (puisqu’il guérit le jour du sabbat) ». « Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur ! » « Nous savons, nous, que Dieu a parlé à Moïse ! »

Il croient savoir, mais deviennent aveugles !

Ne leur jetons pas la pierre. Regardons plutôt ce qu’est devenue dans notre vie, dans notre cœur, la foi de notre jeunesse, et ce que nous faisons, quotidiennement, de la lumière de Jésus.

Notre monde, si beau pourtant, est malade, et il suffit d’ouvrir la télévision ou les journaux pour mesurer à quelle vitesse les ténèbres reviennent dans nos pays et dans nos sociétés, et combien les hommes, responsables ou non, s’aveuglent sur les grands enjeux d’aujourd’hui et de demain.

Jésus propose sa lumière, une lumière toujours douce, mais toujours exigeante ; et nous nous accrochons à des habitudes de vie ou à des modes de pensée !

Jésus, aujourd’hui encore, « travaille »(5,17) pour illuminer le monde ; mais son message rencontre en nous le doute, la routine, et parfois l’ironie.

Même les parents de l’aveugle ont biaisé avec la vérité :

« Nous sommes certains que c’est bien notre fils et qu’il est né aveugle. Comment maintenant il voit, nous l’ignorons ! Qui lui a ouvert les yeux, nous l’ignorons ! Interrogez-le : il est assez grand ; qu’il réponde de lui-même ! »

Les Pharisiens disaient : « Nous savons ! » Les parents disent : « Nous ignorons », et nous ne voulons pas savoir. Quoi ! Leur fils est guéri après tant d’années de cécité, et ils ne veulent pas savoir ! Ils refusent de se compromettre pour lui ! Et cela pour ne pas perdre leur place dans la synagogue ou l’estime de leur quartier ! Comme elle nous rend lâches, la peur, même parfois ceux que nous aimons …

Mais c’est l’attitude de l’aveugle qui doit nous parler davantage au cours de cette montée vers la lumière de Pâques.

D’abord il n’a rien dit. Il a perçu la présence de Jésus devant lui, sans le voir. Il a entendu ensuite des paroles étranges : « Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde ». Mais à quoi bon parler de lumière à un aveugle-né ?

C’est alors qu’il a senti la boue appliquée sur ses yeux, comme si Jésus voulait signifier par là : « le Créateur a fait l’homme avec la glaise du sol, et moi je le recrée avec un peu de boue ».

Et l’aveugle a obéi. Toujours sans rien voir. Il s’est rendu à la piscine de Siloah, la piscine de l’Envoyé, il s’est lavé à la piscine indiquée par Jésus, l’Envoyé de Dieu. Là encore, rien. Mais au retour, il voyait. Alors il s’est mis en route vers la lumière, vers la source de sa lumière, vers la connaissance de Jésus.

Et ses paroles reflètent bien l’itinéraire de sa foi : il parle d’abord de l’homme qu’on appelle Jésus ; un peu après, il dit : « C’est un prophète ! » ; et plus tard il réplique hardiment aux Pharisiens : « Si cet homme n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire ! »

Quelques instants encore, et l’homme voit enfin, de ses yeux, de ses yeux guéris, Jésus, qui lui a donné pour la première fois la lumière, et même une double lumière : la lumière des yeux et la lumière de la foi.

Et une fois de plus, c’est Jésus qui prend les devants : Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé, il vint alors le trouver et lui dit : « Crois-tu, toi, au Fils de l’homme ? » ; autrement dit : « Crois-tu à celui qui vient du ciel pour rassembler les hommes en un royaume pour le Père ? » Et lui de répondre : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » « Eh bien, tu l’as vu ; c’est lui qui te parle ».

C’est notre prière à nous aussi, sauvés de nos ténèbres par Jésus, illuminés au baptême, et compromis courageusement par notre fidélité à l’Évangile : « Qui es-tu, Seigneur ? Au milieu de ma vie, au début de ma vie, en cette fin de ma vie, révèle-toi à moi, pour que ma foi te réponde ! » L’homme dit : « Je crois, Seigneur » ; et il se prosterna devant lui.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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