Assomption de la Vierge Marie (Ho 15/08/2021)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : 1 Ch 15, 3-4.15-16 ; 16, 1-2 ; Ps 131, 7-8, 9-10, 13-14 ; 1 Co 15, 54b-57 ; Lc 11, 27-28 ; Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab

La Préface de cette messe nous offre un résumé du mystère de cette si belle vérité de notre foi que nous célébrons et vivons en ce jour avec toute l’Église : « Aujourd’hui la Vierge Marie, la mère de Dieu, est élevée dans la gloire du ciel : parfaite image de l’Église à venir, aurore de l’Église triomphante, elle guide et soutient l’espérance de ton peuple encore en chemin. Tu as préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté ton propre fils et mis au monde l’auteur de la vie ». Ces mots de la liturgie reprennent l’enseignement du concile vatican II sur Marie dans le mystère du Christ et de l’Église (Lumen Gentium, ch VIII) : « Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur (cf. 2 P 3, 10), elle brille déjà devant le peuple de Dieu en pèlerinage comme un signe d’espérance assurée et de consolation » (n. 68). Seule Marie est déjà pleinement « glorifiée corps et âme », pleinement configurée à son fils ressuscité. Tous les autres saints du ciel, glorifiés dans leurs âmes, attendent encore la résurrection de leurs corps à la fin des temps. Pensons par exemple à Thérèse de Lisieux qui passe son viel à faire du bien sur la terre, tandis que ses reliques, les restes de son corps, sont aussi source de grâce sur notre terre !

« Signe d’espérance assurée et de consolation », Marie « soutient l’espérance du peuple de Dieu encore en chemin ». Selon Charles Péguy, Marie est « toute espérance », « pure et jeune comme l’espérance ». Il s’agit de la grande espérance du ciel, espérance du salut éternel pour nous et pour tous nos frères humains. En effet, tout être humain est « un frère pour qui le Christ est mort », et aussi un enfant qu’il a confié à sa mère, car Marie est « Mère de Dieu et Mère des hommes », selon les paroles du Concile (n. 68). Thérèse de Lisieux partageait de façon merveilleuse cette espérance maternelle de Marie pour le salut de tous ses enfants, espérance en la Miséricorde Infinie de son Fils Jésus, espérance sans limite, même pour les plus grands pécheurs. Dans sa pièce de théâtre sur la fuite en Egypte, Thérèse a imaginé un bouleversant dialogue entre Marie et une pauvre femme païenne et pécheresse qui est la mère du futur bon larron de l’Évangile. Voici les paroles qu’elle attribue à la mère de Jésus : « Ayez confiance en la miséricorde Infinie du bon Dieu. Elle est assez grande pour effacer les plus grands crimes, quand elle trouve un cœur de mère qui met en elle toute sa confiance ». C’est bien ainsi, avec son propre cœur de mère, que Thérèse avait espéré le salut éternel du criminel Pranzini, qu’elle appelle : « mon premier enfant » ! Plus tard, au jour de sa profession religieuse, elle demandera à Jésus « que pas une seule âme ne soit damnée aujourd’hui », c’est à dire que tous ceux qui meurent en ce jour soient sauvés. C’est une prière qu’elle renouvellera tous les jours. Et dans son offrande à l’amour miséricordieux elle exprimera le même grand désir de « sauver les âmes qui sont sur la terre », c’est à dire toutes les âmes.

Cette grande et pleine victoire de l’amour sur toutes les force du mal est la victoire de Jésus dans sa mort et sa résurrection, une victoire qui continue dans la vie de l’Église, comme le montrent les deux lectures de cette Messe. Saint Paul nous présente Jésus sauveur comme le nouvel Adam, et cette femme que décrit l’apocalypse est la nouvelle Eve, inséparablement Marie et l’Église, la même mère qui ne cesse d’enfanter le sauveur, sans cesse combattue par le démon qui représente toutes les forces du mal. Ce dragon est le « serpent des origines », celui qui avait trompé Eve et Adam en les détournant de Dieu. Mais déjà Eve avait reçu la promesse de la victoire de sa descendance qui un jour écraserait la tête du serpent (Gn 3). Ainsi, cet épouvantable dragon n’est finalement qu’un misérable serpent sous les pieds de l’Immaculée, comme le montre par exemple la statue de la Vierge du sourire, si chère à Thérèse. L’Église en pèlerinage, notre Église de la terre, est toujours engagée dans ce grand combat spirituel contre les forces du mal, particulièrement dramatique à certaines époques. Pensons aux persécutions, mais plus encore à la si douloureuse présence du péché à l’intérieur de l’Église, « en même temps sainte, et ayant toujours besoin de purification », selon les paroles du Concile qui nous invitent encore à lever les yeux vers Marie : « Cependant, si l’Église en la personne de la bienheureuse Vierge atteint déjà à la perfection sans tache ni ride (cf. Ep 5, 27), les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché : c’est pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie exemplaire de vertu qui rayonne sur toute la communauté des élus » (n. 65). Dans cette lumière de Marie, notre pape François guide toute l’Église dans ce grand effort de réforme, de purification et de conversion, et il nous invite à y collaborer, surtout en marchant vers la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés.

« Signe d’espérance assurée et de consolation », Marie est également appelée « consolatrice des affligés », un titre si actuel au moment des grandes afflictions qui frappent toute l’humanité : la pandémie, les bouleversements climatiques, avec toutes les conséquences dramatiques dans le monde entier. Ces derniers jours, nous avons tous été affligés par l’assassinat du père Olivier Maire. Je le connaissais bien depuis des années, ayant travaillé avec lui sur les écrits de saint Louis-Marie de Montfort, en vue de sa reconnaissance comme Docteur de l’Église. Le Père Olivier devait donner la semaine prochaine à Lourdes une conférence sur « Marie Consolatrice des affligés selon le père de Montfort ».

Vivant maintenant au ciel la plénitude de cette consolation, je pense qu’il nous invite à découvrir ou à redécouvrir la spiritualité mariale du père de Montfort, synthétisée dans son Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge. C’était le livre de chevet de saint Jean-Paul II, un livre qu’il ouvrait tous les jours, depuis l’âge de 20 ans jusqu’à sa mort. C’est là qu’il avait trouvé la très simple et brève formule de toute sa vie spirituelle, de son chemin de sainteté : Totus Tuus. C’est-à-dire : Je suis tout à Toi, Jésus, par Marie et en Marie ; Je suis tout à toi Marie pour être avec toi tout à Jésus. C’est le meilleur chemin de la sainteté pour tous, dans tous les états de vie, car il est fondé sur la grâce du baptême comme dynamisme de foi, d’espérance et d’amour, et il trouve son plein accomplissement dans l’Eucharistie, vécue avec Marie et en Marie.

Dans cette lumière, nous pouvons revenir à notre texte de l’Évangile, ce récit de la visitation qui vient d’être lu. C’est l’Évangile de la foi et de la charité de Marie, de son humilité et de sa joie, de tout ce qu’elle veut partager avec chacun d’entre nous qui sommes ses enfants. Car comme le disait si bien Thérèse : « Le trésor de la Mère appartient à l’Enfant ». Tous les jours nous redisons à Marie les paroles d’Élisabeth : « Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni ». C’est la toute première prière à Marie, inspirée par l’Esprit-Saint, modèle de toute vraie prière à Marie, toujours orientée vers Jésus son fils : Toujours « à Jésus par Marie » disait le père de Montfort. Avec Élisabeth, nous lui redisons aussi : « Bienheureuse toi qui as cru », et nous lui demandons de partager sa foi jusque dans les ténèbres du calvaire. Mais aujourd’hui, Marie nous invite surtout à partager sa joie, la joie qu’elle chante dans son magnificat, cette joie qui vient du fils de Dieu qu’elle porte déjà en son sein, et qui vient aussi de l’Esprit-Saint qui l’a prise sous son ombre, cette joie qui s’accomplit pleinement au ciel ! Aujourd’hui, avec Marie, nous allons recevoir en nous le vrai corps de Jésus, son fils, mort et ressuscité pour nous. Avec Elle, gardons-le présent et vivant en nous et portons sa présence à tous nos frères humains. Enfin, puisque notre pape François a voulu consacrer cette année à saint Joseph, demandons-lui de nous garder toujours dans l’amour de l’enfant et de sa mère, de Jésus, de Marie et de l’Église.

Fr. François-Marie, ocd - (couvent d’Avon)
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