Homélie de ND du Mont Carmel : notre fête des mères !

donnée au couvent de Paris

Solennité de Notre Dame du Mont-Carmel

Textes  : 1R 18,42-45 ; Ps 112 ; Ga 4,4-7 ; Jn 19,25-27

Aujourd’hui au Carmel, c’est un peu notre fête des mères à nous. Sauf que la solennité du 16 juillet est un peu plus ancienne que sa version profane… Nous fêtons donc notre mère, la Reine du Carmel. Si nous pouvons le faire, c’est que nous nous reconnaissons ses enfants et avons donc une relation privilégiée avec cette dame, la patronne du Mont-Carmel choisie par les premiers ermites. Il y a une alliance particulière entre Notre-Dame et la famille du Carmel et le signe visible en est le scapulaire que plusieurs d’entre vous vont recevoir aujourd’hui. Pourquoi une alliance ? Parce que deux libertés s’y engagent au sein même de l’alliance scellée par Dieu en Jésus-Christ : le baptisé et Marie s’engagent tous deux et le scapulaire en est le souvenir. Voyons de plus près.

Virgen del Carmen

A la demande de Jésus, tout baptisé qui se reconnaît disciple bien-aimé du Seigneur est appelé à faire sien le testament de Jésus sur la croix, donc à entendre pour lui ses dernières paroles : « Voici ta mère. » Comme disciple, il doit donc décider de prendre Marie chez lui : voici une décision ô combien libre et personnelle. Choisir de donner le nom de « Mère » à quelqu’un d’autre que notre mère biologique est un acte humain sérieux et qu’il faut peser. Il ne s’agit pas ici d’une effusion affective superficielle qui ne nous n’engagerait que l’instant d’une émotion passagère ; il s’agit de faire de la place à Marie dans notre vie et de lui donner la place d’une mère, donc une place fondamentale, même si elle se révèle discrète. Prendre chez soi Marie : le verbe « prendre » souligne bien la part active qui dépend de nous dans cette démarche. Cet engagement peut être signifié de bien des manières dans l’Eglise mais le fait de demander l’imposition du scapulaire du Carmel en est une incarnation remarquable : c’est une démarche nécessairement publique. Même si on reçoit le scapulaire seulement en présence du prêtre qui nous l’impose, il y a toujours au moins ce témoin. C’est bien différent d’une simple médaille ou d’une consécration privée : l’Eglise est présente dans cette démarche et la ratifie en donnant accès à la fraternité du Scapulaire ; d’ailleurs son registre à signer fait mémoire de cet acte historique, à l’image des sacrements.

La présence du ministre ordonné souligne aussi qu’on ne prend pas le scapulaire et que donc on ne se donne pas le scapulaire à soi-même : on le reçoit de l’Église. Voici la réponse de l’Eglise et donc de Marie à l’engagement du baptisé. Le baptisé prend Marie chez lui et la Vierge Marie, par l’Eglise, donne au baptisé son vêtement. C’est la réponse de la Mère : elle manifeste par ce don qu’elle accueille à son tour le baptisé comme son enfant. Recevoir le scapulaire, c’est recevoir le signe tangible de la maternité de Marie dans notre vie. Car quel est un des premiers rôles d’une mère sinon d’habiller son enfant ? Le scapulaire manifeste la manière dont la Reine du Carmel prend soin de ses fils et de ses filles. Elle les revêt de tout ce qu’elle est pour qu’ils puissent vivre en paix et cheminer vers Dieu avec les autres. En effet le vêtement est ce qui nous protège des intempéries mais aussi ce qui nous permet d’entrer en relation les uns avec les autres : c’est notre première apparence. Marie n’a peut-être pas travaillé dans une maison de haute-couture mais nul doute que notre vêtement sera le plus beau car il aura été conçu par elle, rien que pour nous. Voici sa manière à elle de nous dire sa proximité et son engagement à jouer effectivement son rôle de mère dans notre vie spirituelle.

Si nous la prenons effectivement pour mère dans toute notre vie, Marie prendra soin de toute notre vie. Elle exercera sa maternité pour nous faire grandir en maturité et sainteté ; elle demandera à l’Esprit Saint de façonner toujours plus en nous l’Homme nouveau pour que le Christ ait la première place de notre vie. L’action de Marie est discrète mais elle est tenace et efficace comme la prière du prophète Élie sur le Mont-Carmel ; elle attend et tient bon, même dans nos jours obscurs. Au pied de la croix, elle implore et reste debout pour nous, devant Dieu pour tous. Sa mission, celle confiée par Dieu, est de faire de nous de véritables enfants du Père comme Jésus ; elle a enfanté et éduqué le Premier-Né de toutes les créatures ; elle a donc le savoir-faire pour s’occuper de ses frères. Pas de souci, nous pouvons lui confier notre vie !

Prendre chez soi Marie, recevoir son scapulaire, ce n’est pas un coup de baguette magique : c’est une alliance dans l’alliance du Christ. C’est décider de grandir en sainteté avec Marie, donc choisir chaque jour de vivre davantage l’Evangile en se sachant soutenu par sa Mère mais aussi par des frères et sœurs. D’autres ont reçu ce même vêtement : ce signe commun est notre marque de famille, la famille du Carmel. Et le scapulaire dit aussi cette communion des saints du Carmel, ce lien profond qui forge en notre intériorité, presque à notre insu, un air de famille. Soyons donc dans la joie de cet élargissement familial autour de la Vierge Marie. Que chacun de nous en profite pour renouveler son choix de prendre Marie comme mère dans sa vie afin que les liens de famille se resserrent et que le Christ soit toujours plus enfanté en nous. Et qu’ainsi la Reine du Carmel devienne une heureuse mère de famille nombreuse. Amen.

fr. Jean-Alexandre de l’Agneau ocd
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