Homélie pour le Christ Roi de l’Univers

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques pour la solennité du Christ Roi de l’Univers (année A) : Ez 34, 11-12.15-17 ; Ps 22 ; 1Co 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46)

"Tu es digne ô Seigneur notre Dieu de recevoir la puissance, c’est par ta volonté que l’univers fut créé. " Comment ne pas désirer l’intervention de la puissance du Seigneur dans le monde actuel, où nous voyons à l’œuvre les forces du mal. Des corps sont massacrés, des esprits sont asphyxiés, à coup d’images et de discours mensongers. Comment ne pas crier vers ce Seigneur du ciel et de la terre, Roi de l’univers pour qu’il intervienne dans ce monde de violence, où il y a tant d’injustice même dans les palais de justice. Qu’il maitrise ces puissances du mal qui sont extérieures à nous, mais nous pressentons aussi, si nous sommes un peu lucides, que nous en sommes nous-mêmes plus ou moins complices.

En présence de l’attente d’une intervention du Seigneur, la Parole de Dieu en ce jour du Christ roi de l’univers nous présente des images. Dieu, berger qui viendra chercher et délivrer son peuple, son troupeau. Le Fils de l’homme qui viendra siéger sur son trône de gloire pour juger non seulement son peuple mais toutes les nations, en séparant les bons et les mauvais. Et st Paul offre à notre regard le Christ, le crucifié-ressuscité. Il affirme qu’à la fin des temps il détruira toutes les puissances du mal, celles qui habitent notre personne et celles qui nous sont extérieures. L’affirmation est de taille. Dans un monde qui ne sait pas où il va, qui a toujours été marqué par le mal et la souffrance, Paul parle d’une victoire sur toutes les puissances du mal : l’histoire ne va pas vers le chaos, mais vers la victoire de l’amour remportée sur la croix et communiquée aux croyants, victoire de l’amour du Christ pour son Père et pour l’humanité. Tel est le terme de l’histoire. Alors le Christ remettra à son Père tout ce qu’il aura lui-même soumis par amour. Car le Père est l’origine et la fin de tout.

Christ Pantocrator Copie

L’Évangile que nous venons d’entendre n’est pas une parabole, mais une description prophétique du jugement dernier. Il est difficile à interpréter. Car, nous le savons bien, il est écrit selon une culture qui n’est pas la nôtre. Pour indiquer la voie du bien, la voie du juste, la Bible utilise un langage binaire. C’est ainsi qu’elle met en opposition la voie du juste, c’est-à dire de celui qui s’ajuste à la voie de Dieu, et la voie du méchant, de celui qui n’écoute pas ; de plus elle accentue les traits des deux cotés. C’est le schéma habituel des deux voies opposées. Dans les psaumes, on est ou juste ou méchant, et les méchants sont mes ennemis, ils m’assaillent. En fait, la Bible sait bien qu’il y une multiplicité de comportements qui ne sont totalement ni justes ni mauvais. « Le cœur de l’homme est double » dit-elle. L’homme de la Bible, en particulier l’homme qui prie les psaumes sait très bien que la frontière entre le bien et le mal passe dans son cœur. Nous sommes à la fois justes et méchants. Ici, dans notre Évangile, il n’y a que deux catégories, les brebis et les chèvres. Les unes promises au Royaume, les autres au feu éternel. C’est une présentation simplifiée pour attirer l’attention sur notre responsabilité personnelle. Si tu ne fais pas le bien, tu t’engages sur une mauvaise voie qui aura des conséquences pour toi, sans que ce soit forcément «  le feu éternel préparé pour le démon et ses anges ». Car il faut ajouter que la Bible use d’un langage concret, imagé et non par concepts.

Ainsi le récit est-il radicalisé pour centrer l’attention sur la vérité qui est au centre du message. Quelle est-cette vérité ? L’essentiel du récit est moins dans la répartition en deux camps que dans la répétition d’une question posée par les deux parties. « Quand est-ce que tu nous t’avons vu ? » Dans cette mise en scène du fils de l’homme siégeant sur son trône de gloire, royal, rassemblant toutes les nations rassemblées devant lui, Jésus dit clairement que tous les hommes seront jugés sur leur comportement vis-à-vis des petits, des faibles, des démunis : faim, soif, prisons, maladie… car, dit-il, ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait. Le Christ en en effet s’est identifié à tout être humain.

Or l’étonnant est bien signifié dans l’Evangile par la question répétée : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, soif ? Quand sommes nous venus jusqu’à toi ? ». Nous ne savions pas qu’en secourant un homme dans la détresse, nous te secourions, toi ! La parole du Christ s’élargit donc à tout être humain. Croyants ou incroyants, ayant entendu parler de Jésus ou ignorant même ce nom, ceux qui se penchent actuellement sur un petit de ce monde pour le secourir, non pas par une générosité bien calculée, mais gratuitement, par vraie charité, ceux-là s’entendront dire au jugement dernier : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.  » Et ceux qui sont placés du mauvais coté sont dénoncés pour leur absence de compassion concrète. S’ils avaient su que dans la personne de ce pauvre, de ce malade ou de ce prisonnier, c’est le Roi qui se présentait à eux, ils se seraient mis à son service, par intérêt. De fait il n’est pas requis de savoir qu’en agissant ainsi, c’est à Jésus que nous le faisons, car le Christ s’est identifié à tout homme, toute femme ; tout être humain est un être pour lequel il est mort. « Il s’est donné en rançon pour tous  » (1 Tm 2, 6)

Cette fête du Christ roi projette sa lumière sur l’avenir de l’histoire de l’humanité et sur le présent de notre histoire personnelle. Les détresses du monde présent, avec ses horreurs étalées à tous les regards ou secrètement cachées, n’auront qu’un temps. Il vient le jour où le Christ Roi aura vaincu toutes les puissances du mal. Au cœur de l’humanité, en Eglise nous sommes appelés à lever notre regard vers le Christ ressuscité, roi de l’univers, pour témoigner de cette espérance auprès de ceux qui n’ont pas comme nous la lumière de la Parole. Et ce même Christ nous appelle à participer à son œuvre de salut en aimant gratuitement notre prochain, au jour le jour, dans la vie familiale, professionnelle, sociale, attentifs en priorité aux plus petits. Car la foi invisible qui habite notre cœur doit se traduire dans le visible. C’est là coopérer à la venue du « Royaume que le Père a préparé pour nous depuis la création du monde ».

fr. Dominique Sterckx
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