Joyeux anniversaire Jésus ! (Homélie de la nuit de Noël -24/12/20)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (nuit de Noël) : Is 9,1-6 ; Ps 95 ; Tt 2,11-14 ; Lc 2,1-14

Frères et sœurs, nous voici réunis dans la nuit pour souhaiter à Jésus un joyeux anniversaire : Heureux anniversaire Jésus ! Toi qui es Christ et Seigneur, jusque dans la gloire du Père, tu te souviens de ta naissance humaine. Comme pour chacun de nous, ton humanité a été façonnée par une multitude de relations et de rencontres qui demeurent à jamais vivantes en ton Cœur divin. Tout ce que tu as vécu ici-bas est transfiguré dans la gloire de Dieu. Ta naissance à Bethléem dans une étable, où tu as été accueilli avec amour par Marie et Joseph, fait à jamais partie de ton humanité divine. Seigneur, souviens-toi !

C’est pourquoi, frères et sœurs, nous pouvons adorer réellement, aux côtés de Marie et de Joseph, cet Enfant à jamais vivant dans le Cœur de Jésus. Ce cadeau de Noël éclaire alors toute notre vie spirituelle. Quand nous méditons une scène de l’Evangile, nous ne faisons pas mémoire d’un événement passé ; nous rencontrons réellement le Seigneur pour qui cet événement est plus que jamais actuel dans la lumière de gloire. Nous faisons vibrer en son cœur de chair l’une des multiples fibres qui a tissé son existence terrestre et qui constitue désormais l’humanité du Fils de Dieu. Chaque fois que nous prions ainsi, c’est comme si nous éveillions en lui la mémoire de ce qu’il a vécu pour nous. Ainsi, en cette Nuit très sainte, en venant rencontrer Dieu en cet Enfant, nous faisons la joie du Seigneur de gloire au Jour anniversaire de son inoubliable naissance humaine. Qu’il est grand le mystère de la foi !

Pour entrer dans ce mystère, rejoignons les bergers de Bethléem afin qu’ils nous montrent le chemin de la crèche. Pour eux, le Ciel s’est ouvert : « L’ange du Seigneur se présenta devant les bergers, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. » A cette vision, s’est ajoutée l’annonce d’une nouvelle étonnante : non seulement le Messie attendu par Israël vient de naître, mais ce Christ est aussi Seigneur, c’est-à-dire de condition divine ! Pour que les bergers puissent recevoir un message aussi incroyable, un signe leur est promis. Mais en réalité ce signe est étrange, car il n’ajoute rien au message annoncé : « Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Le seul caractère distinctif de cet enfant, c’est sa pauvreté. Sa naissance humble a été relatée comme l’événement le plus banal qui soit : « Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. »

En réalité, si les Bergers peuvent reconnaître en cet enfant de pauvre le signe attestant la naissance du Sauveur, c’est qu’ils ont reçu l’annonce de l’ange dans la lumière de gloire, tandis qu’une multitude d’esprits célestes découvraient le mystère inouï de l’Incarnation du Fils de Dieu. A la lumière de cette Bonne nouvelle, ils adorent en ce nouveau-né, semblable à tant de nouveau-nés, le Fils du Très-Haut. Si nous sommes ici en cette Nuit de Noël, frères et sœurs, pour contempler à travers l’humble figurine de la crèche le Don que Dieu nous fait de lui-même, c’est que nous avons nous aussi été illuminés par la Parole de Dieu ; comme les bergers, nous l’avons reçue grâce à des anges qui nous l’ont annoncée.

La foi de Noël nous permet alors non seulement de reconnaître Dieu dans la naissance d’un Enfant, mais de rencontrer l’Emmanuel, Dieu avec nous, dans toutes les circonstances de notre existence. Le cadeau de Noël, c’est de pouvoir vivre avec le Seigneur les plus humbles réalités de notre quotidien. Par son Incarnation, le Verbe de Dieu a fait de tout ce qui est profondément humain un sacrement de sa présence : désormais, ce qui était profane est devenu sacré ; la terre est devenue le ciel ; l’humain est devenu révélation de Dieu : la naissance sur terre du Verbe de Dieu fonde à jamais la dignité divine de tout être humain. Qu’il est grand le mystère de la foi !

C’est un abîme insondable en effet : cette naissance si banalement naturelle nous découvre ce que le Fils est de toute éternité en Dieu, à savoir l’éternel engendré du Père. Elle est l’image visible de sa naissance invisible dans le sein du Père. Comme Fils, ce qui le définit, c’est d’être engendré par le Père en une naissance éternelle. Pour venir au monde par cette naissance temporelle, Dieu réalise la plus grande œuvre qu’il ait jamais accomplie : il se dessaisit de lui-même pour assumer notre condition humaine. Sa puissance se révèle ainsi dans sa capacité à se donner entièrement pour conduire jusqu’à lui l’humanité qu’il a créée. Au regard d’un tel prodige, la création du monde ne fut qu’un jeu d’enfant. Dieu a fait l’univers uniquement pour qu’il soit le berceau d’une naissance, la crèche où reposerait le Sauveur du monde. Il a ainsi voulu cette naissance avant l’aube des temps avec le désir de nous rendre participants de sa vie divine. Il l’a préparée moyennant de multiples alliances et une indéfectible fidélité à ses promesses.

Le moment en a été solennellement choisi : « En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre. Ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. » Le lieu en a été soigneusement choisi : « Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. » La famille d’accueil en a été amoureusement choisie : « Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte. »

Cette année, pour accueillir un si prodigieux mystère, le Pape François nous propose de prendre Saint Joseph comme Maître spirituel. Joseph a reçu la mission d’accueillir dans sa maison Marie avec l’enfant qu’elle portait et de veiller ainsi sur la naissance et la croissance humaine du Fils de Dieu. Pour cela, Joseph a dû monter de Nazareth à Bethléem avec sa fiancée enceinte sous la pression de l’édit impérial. Quel voyage scandaleux pour l’époque ! Joseph l’assume en portant silencieusement dans son cœur le Nom de Jésus, dont il a reçu la révélation. Par son silence, il garde Marie à l’abri de tous les quolibets ; dans le silence, il prend soin de sa fiancée enceinte et trouve un abri de fortune lorsque survient le moment de l’accouchement. En silence, il est le gardien du mystère caché depuis les siècles. Il est en effet le grand silencieux auquel l’Evangile attribue une unique Parole, le Nom de Jésus, qu’il a eu pour mission de donner à l’Enfant.

Il a prononcé ce Nom si souvent dans l’intimité de la vie cachée à Nazareth. Qu’il nous obtienne la grâce d’entrer dans son silence pour accueillir dans la nuit de ce monde le Prince de la paix. Qu’il nous apprenne à prononcer avec foi ce Nom, « Jésus », pour vivre à la lumière du Sauveur dont la naissance réjouit le ciel en cette Nuit très sainte : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. ».

Fr. Olivier Rousseau, ocd - (couvent d’Avon)
Revenir en haut