L’Esprit, Maître, Guide et Défenseur (Ho Pentecôte 23/05/21)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Ac 2,1-11 ; Ps 103 ; Ga 5,16-25 ; Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15

Savons-nous vraiment ce que nous célébrons aujourd’hui ? Souvent les chrétiens ont une conception assez païenne de l’Esprit que nous recevons en ce jour. Non, le Saint-Esprit n’est pas une force obscure, une énergie anonyme qu’on pourrait maîtriser, un super pouvoir à acquérir pour être efficace dans la mission. Il est une personne, une Personne divine. Il est Dieu, le Tout-Autre et notre imagination risque d’être toujours mesquine dans sa manière de considérer cet Hôte intérieur. Heureusement les Ecritures Saintes viennent à notre secours pour nous aider à entrer dans son mystère. Les textes de la liturgie de cette année mettent l’accent sur trois titres que nous pourrions donner au Saint-Esprit pour mieux le connaître ; trois titres que nous pouvons associer à trois dons qu’il nous fait et à trois symboles qui l’évoquent. L’Esprit est un Maître ; il est aussi un Guide ; il est enfin un Défenseur.

L’Esprit Saint est d’abord le Maître, celui qui nous fait le don de science, celui qui nous éclaire à travers le symbole de la lumière. « Viens, lumière de nos cœurs. (…) Ô lumière bienheureuse  » chante la séquence de Pentecôte. Et que nous dit ce Maître intérieur comme saint Augustin aimait l’appeler ? Il continue de nous transmettre l’enseignement de l’autre Maître, le Christ. « Lui me glorifiera, dit Jésus, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » L’Esprit de vérité complète, prolonge la formation des disciples initiée par Jésus au cours de son ministère public. C’est par la grâce du Saint-Esprit et moyennant la foi, que nous pouvons entrer toujours plus profondément dans le mystère de Dieu.

Sans le Saint-Esprit, nous ne pouvons pas connaître qui est vraiment Jésus et nous ne pouvons pas découvrir en quoi Dieu est Père. C’est par la lumière de l’Esprit Saint que nous quittons nos ténèbres pour entrer dans le mystère divin ; c’est pour cela que le baptême est parfois comparé à une illumination. Car la connaissance de Dieu n’est pas le fruit d’un simple travail humain. Nous pouvons lire des ouvrages de théologie sans entrer dans le mystère ; tandis que le Père des pauvres est capable d’instruire directement des ignorants qui se laissent enseigner, telle sainte Bernadette ou Jeanne d’Arc. Ainsi l’Esprit Saint devient notre Maître intérieur moyennant notre docilité dans l’étude mais d’abord dans la prière.

L’Esprit Saint peut aussi être invoqué comme le Guide par excellence, à travers le don de sagesse et le symbole du souffle. « Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint » exhorte saint Paul. C’est donc que l’Esprit Saint peut bien conduire notre vie. Il peut devenir le Souffle divin qui oriente nos actions. C’est tout à fait ce que nous avons entendu pendant ce temps pascal qui nous a permis de relire les Actes des Apôtres : le grand acteur de cet ouvrage, c’est bien le Saint-Esprit qui parle, qui oriente ou qui fait obstacle à la progression des disciples de ci de là. L’Esprit de Jésus est donc un Guide qui nous aide à prendre les bonnes décisions et à nous adapter à toute situation.

Mais ne croyons pas qu’il soit aisé de nous laisser guider par lui. Nous résistons spontanément à ses motions lorsque nous laissons la chair, notre égoïsme et notre orgueil, prendre le dessus. Ne se laissent vraiment guider par l’Esprit que ceux qui « ont crucifié en eux la chair  », c’est-à-dire qui ont consenti à vivre une profonde transformation intérieure. Il ne s’agit pas seulement de se laisser instruire par le Maître mais de mettre en pratique son enseignement en changeant notre manière de penser et d’agir. Le Bx P. Marie-Eugène aimait évoquer son lien intime avec le Saint-Esprit qu’il appelait son ami. Mais il précisait aussitôt : « L’Esprit Saint m’a toujours contrarié, mais en mieux. » Se laisser conduire par l’Esprit suppose d’être détaché de ses goûts personnels, de ses conforts, de ses idées et de ses petits projets.

La sensibilité de l’Esprit n’est pas le prolongement de la nôtre. Nous avons nécessairement un renoncement à vivre, une mort à traverser pour devenir de vrais spirituels. La vie spirituelle, la vie dans l’Esprit Saint, n’est pas une vie tranquille et confortable ; elle nous décape, elle nous taille comme la vigne émondée, elle nous emmène là où nous n’avions pas prévu d’aller et souvent, là où, justement, nous ne voulions surtout pas aller. L’Esprit nous pousse à affronter nos peurs les plus viscérales pour que nous en soyons délivrés par Lui. Tel un Souffle, il nous pousse et nous entraîne, mais toujours dans la mesure, où nous consentons à desserrer le frein à main de nos résistances.

Enfin, le Saint-Esprit est le Défenseur, symbolisé par le feu et le don de force qu’il nous confère. Certes Jésus est déjà notre Défenseur mais lui-même nous dit qu’il nous envoie un autre Défenseur. C’est cet Esprit Paraclet qui accompagne la vie des apôtres quand ceux-ci sont en proie à la persécution. C’est lui qui leur instille une sainte audace par laquelle ils osent prendre la parole avec franchise et liberté. L’ardeur du feu de l’Esprit pousse à dépasser ses étroitesses. Le don de sa force nous aide à supporter ce qui nous semblait difficile à porter auparavant, car nous-mêmes sommes comme portés de l’intérieur par une énergie qui ne vient pas de nous. L’Esprit réchauffe ce qui est froid et nous fait sortir de la tiédeur. Il nous réchauffe et fortifie en nous l’amour pour que nous puissions être des missionnaires selon le Cœur de Dieu. La Pentecôte célèbre bien cet accueil de l’Esprit qui, à travers le don des langues, signifie qu’il veut se communiquer à tous les peuples. Par notre baptême et notre confirmation, nous avons reçu cette marque du Saint-Esprit de Dieu. La vive flamme de son amour brûle en nos cœurs et consume en nous ce qui fait obstacle à l’œuvre divine.

Maître, Guide, Défenseur : voilà seulement trois titres par lesquels nous pouvons dire quelque chose de la personne du Saint-Esprit. Il y en aurait bien d’autres. Apprenons donc en cette fête à l’accueillir chez nous comme une Personne vivante et agissante. Prions-le, parlons-lui, cherchons à l’écouter pour qu’il nous aide à mieux connaître Jésus et à découvrir la bonté du Père. Alors nous goûterons son fruit précieux de paix, joie et amour. Oui, Seigneur, Saint-Esprit, viens en nos cœurs, transforme-les et renouvelle à travers nous la face de la terre. Amen

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd - (couvent d’Avon)
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