L’assurance de l’accès au Ciel [Ho Ascension - Année C]

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Ac 1, 1-11 ; Ps 46 (47) ; He 9, 24-28 ; 10, 19-23 ; Lc 24, 46-53

Voici que prend fin le temps tout à fait particulier où le Ressuscité s’est manifesté au siens pendant ces 40 jours. Nous l’avons entendu dans la 1re lecture et dans l’évangile, tous deux rédigés par saint Luc : Jésus a définitivement quitté sa vie terrestre pour entrer dans la gloire du Père. Et les disciples vont devoir s’habituer à un autre mode de relation avec Jésus, une nouvelle manière qui sera rendue plus facile par le don du Saint-Esprit lors de la Pentecôte.

Frères et sœurs, si nous voyons bien ce que nous célébrons en ce jour, la montée au Ciel de Jésus, il importe aussi d’en scruter les conséquences pour nous. En effet toute la vie du Christ est un mystère qui nous concerne et nous révèle le sens de notre existence. S’il y a aujourd’hui beaucoup d’adeptes de la méditation sans objet, les chrétiens, eux, sont appelés à méditer les mystères de la vie du Seigneur Jésus. Et en méditant ces mystères, ils entrent dans leur propre mystère et comprennent ainsi le sens de leur vie.

La 2e lecture nous donne une belle approche du mystère de l’Ascension. La lettre aux Hébreux médite sur le sacerdoce de Jésus, comparant le Christ au grand prêtre qui, chaque année, lors de la fête de l’expiation, le Yom Kippour, entrait dans le Temple de Jérusalem au nom du peuple. Il s’approchait de la pièce où lui seul pouvait entrer, et seulement une fois par an, le Saint des Saints. Pour cela, il entrait dans la pièce précédente, appelée le Saint, et franchissait le rideau donnant accès au Saint des Saints. Là il offrait un sacrifice de réparation pour ses péchés et ceux du peuple ; et le peuple juif pouvait ainsi vivre le reste de l’année dans la grâce de ce pardon divin collectif. La lettre aux Hébreux s’appuie sur cette liturgie du Temple pour rendre compte du sacrifice de Jésus et surtout en souligne la différence. Car Jésus n’était pas prêtre selon la Loi et ne faisait pas partie de la tribu de Lévi. Il a exercé son sacerdoce de façon existentielle, dans sa vie. Ainsi la lettre aux Hébreux interprète toute la vie de Jésus comme un acte sacerdotal au service de la rédemption du peuple. Voyons en quoi.

Jésus est le véritable grand prêtre car étant sans péché, il n’a pas à offrir un sacrifice pour lui-même ; il le fait gratuitement pour tous. Pourtant, étrangement, le Fils de Dieu n’est jamais rentré dans le Saint des saints du Temple de Jérusalem. Il a enseigné dans le Temple et en a chassé les marchands, mais il n’a pas exercé le rite liturgique du Yom Kippour. Ou plutôt il l’a fait autrement. En réalité, le véritable Saint des saints, le lieu le plus sacré n’est pas le temple de Jérusalem, mais le Ciel ! Nous l’avons entendu : « Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. » Jésus l’avait dit à Nicodème : « nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. » (Jn 3,13) Seul le vrai grand prêtre pouvait accéder au vrai sanctuaire. Il a pu y entrer car il a effectué le seul sacrifice valable ; il n’a pas immolé des animaux comme les autres prêtres mais il s’est offert lui-même, tel l’agneau pascal. Jésus a livré sa chair et son sang, une fois pour toutes, sur l’autel de la croix. Grâce au mystère de l’Incarnation qui l’a fait descendre du Ciel, il a reçu une chair humaine ; et dans le mystère de la Rédemption, il a donné cette même chair pour ouvrir à tous les portes du Ciel. Ainsi Jésus, grand prêtre, a détruit le péché et accompli sa mission sacerdotale divine et humaine.

Voilà pourquoi la lettre aux Hébreux continue en disant : « Frères, c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire. » Littéralement, nous avons l’assurance de l’accès au sanctuaire grâce au sang de Jésus. Cela signifie que Jésus a ouvert une voie nouvelle. Il donne accès à tous au vrai Saint des Saints qui est le sein du Père, la demeure des Cieux. Désormais, la voie est ouverte et le chemin est libre, alléluia ! Dorénavant, le but de toute vie humaine est devenu accessible par le don de Jésus. Tel est le message bouleversant de l’Ascension : Jésus, premier-né d’entre les morts a ouvert la porte du Ciel à tous ceux qui le suivent. Il est lui-même cette porte et ce chemin qui conduisent au Ciel. Pour y marcher, nous n’avons pas besoin de jouer aux héros ou de nous exercer à vivre des lévitations. Nous avons à nous engager avec foi et clarté à suivre les traces de Jésus.

Frères et sœurs, la question qui nous est posée en ce jour est celle-ci : nos vies sont-elles effectivement dirigées vers la porte du Ciel  ? Le vote funeste d’il y a deux jours en faveur de l’euthanasie montre que nous sommes en train de perdre le mystère de la personne humaine et l’œuvre divine qui la prépare au grand passage. Il est donc important pour les baptisés, et particulièrement en cette année jubilaire de l’espérance, de redonner le cap de nos vies vers le Ciel et l’éternité. Il ne s’agit pas pour cela de fixer le ciel de façon béate, comme les apôtres, après le départ de Jésus. Il s’agit pour nous de savoir que le Ciel est déjà commencé sur la terre, dans nos cœurs, puisque Dieu y demeure déjà. Il en a fait son Temple sacré.

Ce qui nous revient, c’est d’y demeurer et d’y exercer notre propre sacerdoce baptismal nourri à celui du Christ : intercéder et offrir des sacrifices en communion avec celui de Jésus. Ainsi nous orientons notre vie vers le Ciel pour nous et nos frères et sœurs. Au lieu de nous lamenter des misères de notre temps, ouvrons la porte, celle du Christ habitant nos cœurs ; unissons-nous à lui pour devenir des témoins crédibles de l’espérance. Prenons notre place dans son Corps qui est l’Église et continuons à participer au mystère du salut. C’est ce que nous pouvons apporter de mieux au monde. En ces jours préparatoires à la Pentecôte, préparons-nous à être renouvelés dans le don de notre confirmation et rendons grâce pour la grandeur de notre vocation humaine et chrétienne. Que le mystère de Jésus devienne toujours plus le nôtre. Amen

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd - (couvent d’Avon)
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