Un dogme pour cadeau… (Ho Assomption - 15/08/22)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques : Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab ; Ps 44(45) ; 1 Co 15, 20-27a ; Lc 1, 39-56

Nous célébrons dans la joie ce mystère de l’Assomption de la Vierge Marie. Il s’agit du dernier dogme formulé par l’Eglise en 1950. Alors évidemment, le terme passe mal aujourd’hui. On a vite fait de confondre dogme et dogmatisme, révélation et atteinte à la liberté de penser. Notre temps est devenu allergique aux dogmes et cherche à les déconstruire pour y découvrir des formes d’aliénation. Malheureusement l’abandon des dogmes religieux par beaucoup ne fait que les livrer à d’autres dogmes, comme ceux de la bienpensance, du libéralisme aveugle ou du relativisme moral. Selon le dictionnaire, tout dogme est une affirmation considérée comme fondamentale et établie par une autorité, philosophique ou religieuse. Et de fait, l’Eglise hiérarchique en son magistère a engagé son autorité suprême pour la formulation de ce dogme de l’Assomption à travers Pie XII.

Mais d’un point de vue théologique, il nous faut regarder cette définition avec plus de profondeur. La 1re lecture nous y aide : « Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire. » Et l’antienne de l’évangile dit en écho : « Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis. » Un dogme, c’est une porte du Ciel qui s’ouvre et qui permet à la lumière divine d’éclairer notre terre. L’Église qui reçoit cette lumière la recueille et, avec l’intelligence du peuple de Dieu et la grâce du Saint-Esprit, y discerne une vérité de foi. Et si elle formule solennellement un dogme, c’est parce qu’il est important, non pas tant pour le Ciel que pour la terre, non pas d’abord pour Dieu, le Christ et ses saints que pour nous, pèlerins sur la terre. Le dogme est un cadeau précieux fait aux humains par Dieu et par l’Église pour éclairer leur marche vers le Royaume. Il n’est pas qu’une vérité intellectuelle car il a des conséquences pratique pour notre vie. En particulier, le dogme de l’Assomption nous plonge au cœur du mystère de notre foi, de notre espérance et de notre charité.

L’Assomption est d’abord un mystère d’espérance. Il nous révèle notre destinée fondamentale. En effet, tout ce qui concerne Marie concerne l’Eglise et nous concerne donc nous tous. La préface le dit magnifiquement : « Aujourd’hui, la Vierge Marie, la Mère de Dieu, est élevée au Ciel. Elle est le commencement et l’image de ce que deviendra ton Eglise en sa plénitude, elle est le signe d’espérance et source de réconfort pour ton peuple encore en chemin.  » Célébrer l’Assomption, c’est donc poser un acte d’espérance : nous nous réjouissons de contempler l’accomplissement du dessein de Dieu en Marie. Ce que Dieu a réalisé en Marie, c’est le commencement de ce qu’il veut réaliser pour l’Eglise et l’humanité entière : faire entrer chacun de nous dans la lumière de son Royaume. Marie est la première des rachetés, celle qui a bénéficié en premier de la Résurrection de son fils. Saint Paul le dit clairement dans la 2e lecture : le Christ a ouvert la porte de la vie et suivent après lui ceux qui lui appartiennent. Marie a suivi et nous sommes appelés à faire de même. En cette année marquée par tant de drames dans le monde et d’obscurités jusque dans le peuple de Dieu, nous avons besoin de lumière pour ne pas désespérer comme beaucoup sont tentés de le faire. Nous devons exercer notre vertu d’espérance reçue au baptême et cette fête de l’Assomption nous y aide : nous avons demandé dans l’oraison d’ouverture d’être « toujours tendus vers les réalités d’en haut  ». Le sens de notre vie ne vient pas de la terre mais du Ciel : nous sommes faits pour la lumière et c’est cette même lumière qui nous éclaire pour avancer sur notre chemin obscur. Gardons la tête vers le haut, tenons-nous droits en posture de ressuscités et non de gens courbés vers le sol !

L’Assomption est aussi mystère de foi. Elisabeth le dit à Marie : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » L’accomplissement du dessein de Dieu ne s’est pas fait de façon magique mais avec la foi de Marie. Celle-ci a collaboré jusqu’au bout ; elle a cru envers et contre tout, y compris au pied de la croix où toutes les apparences étaient là pour faire échouer sa foi. Mais Marie a gardé en son cœur cette béatitude d’Elisabeth et l’a déployé tout au long de sa vie. Sa foi a vaincu et a écrasé la tête du serpent ; elle a échappé au dragon. L’Assomption nous rappelle que notre chemin de vie est un combat spirituel, combat de la foi contre les démentis du monde : croire que la Parole de Dieu déposée en notre cœur dans la grâce du baptême s’accomplira dans nos vies, par un chemin que Dieu seul connaît.

Enfin l’Assomption est mystère de charité. Le choix de l’évangile de la Visitation l’illustre : nous voyons comment la foi de Marie s’incarne en service désintéressé auprès de sa cousine enceinte. La foi n’est pas qu’une réalité individuelle et intérieure ; elle s’atteste à l’extérieur et dans la relation aux autres. La foi opère par la charité. Si c’est l’amour qui a fait descendre le Verbe sur notre terre, c’est ce même amour qui a fait monter Marie au Ciel. Et il en sera de même pour l’Église et pour nous. Notre résurrection et notre entrée au Ciel ne se feront que par l’ascenseur de la charité. Dépouillés de tout pour passer par la porte étroite du Ciel, nous entrerons par la grâce de l’Amour qui nous est offert. Ainsi célébrer l’Assomption, c’est s’émerveiller de tant d’amour offert à l’Église à travers Marie ; c’est accueillir personnellement cet amour lumineux pour le laisser passer dans nos vies. C’est permettre à l’Amour de se répandre sur la terre.

L’Assomption est donc ce dogme, cadeau de lumière qui réveille en nous foi, charité et espérance. Soyons donc dans la joie et la gratitude ; ne boudons pas cette grande fête de l’Eglise mais prions que notre pays sache retrouver le chemin de l’Amour véritable. Que sa patronne, Notre-Dame en son Assomption, éclaire ses pas vers la félicité éternelle. Amen

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd - (couvent d’Avon)
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