Le scapulaire du Carmel

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Le scapulaire, habit de la Vierge Marie

Dans sa lettre au Carmel du 25 mars 2001, saint Jean Paul II définissait ainsi le scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel  : «  Le scapulaire est essentiellement un “habit”  ». Mais quelle est la signification de cet habit  ? Le contexte historique de l’apparition de Marie remettant le scapulaire et le symbolisme biblique sous-jacent permettent l’ébauche d’une réponse.

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a) Le scapulaire, un habit remis dans un contexte historique particulier

Les écrits les plus anciens relatifs au scapulaire sont datés du 13e siècle, où le chapitre des carmes de ­Montpellier (1287) le mentionne comme habit du carme, et où des registres de confréries de Notre-Dame du Mont Carmel (notamment celui de Florence, datant des années 1280) enregistrent les noms des fidèles le portant. Le scapulaire le plus ancien retrouvé à ce jour est probablement celui porté par le pape Grégoire X († 1276)  ; il fut découvert sur son corps lorsque celui-ci fut exhumé… au 19e siècle.

Quant à l’apparition de Notre-Dame remettant le scapulaire à un certain Simon, la tradition orale la fait remonter au 16 juillet 1251 – au cœur même de ce 13e siècle – , dans le petit village d’Aleysford à 40 km de Londres, ce qui correspond fort bien avec le contexte socio-historique de l’Angleterre du Sud-Est. Ce contexte permet en effet une interprétation du geste et de la parole délivrée par Notre-Dame à Simon dans la droite ligne des écrits bibliques  !

Que se passa-t-il en cette journée du 16 juillet 1251  ? Laissons l’un des vieux manuscrits latins, celui conservé à la Bibliothèque ­Nationale de France, nous en informer  : après avoir invoqué Marie à de nombreuses reprises, pour lui demander sa protection en des temps difficiles, «  Notre-Dame apparut [à Simon], environnée d’une multitude d’anges, tenant en sa main un scapulaire et disant  : “Voici un privilège pour toi et ceux du Carmel, qui mourra ainsi revêtu sera sauvé”  ». Pour Simon, la surprise dut être grande. Non seulement la Vierge lui était apparue, mais de plus elle lui remettait un habit à revêtir  ! Pourquoi recevoir ce vêtement de la part de Marie  ? Quel était donc cet objet qualifié de scapulaire  ? Pour Simon et le contexte de son époque, les réponses à ces questions étaient claires, mais surprenantes.

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b) Marie, une mère voulant revêtir ses enfants

En effet, en tendant à Simon un scapulaire, ­Marie se présente à lui comme une mère, une mère cherchant à vêtir son enfant. Or Simon – tout comme les carmes de l’époque médiévale –, recherchait le soutien de Notre-Dame, en invoquant plutôt sa puissance de souveraine  ! Mais lors de son apparition, Marie n’est pas couronnée, et son geste de vouloir revêtir ­Simon est un geste éminemment… maternel. Quel est, en effet, le premier geste d’une mère lorsque son enfant vient de naître  ? Quel a été le premier geste de Marie elle-même à la crèche, sitôt après la naissance de ­Jésus  ? «  Elle enfanta son fils premier-né, elle l’enveloppa de langes  » (Lc 2,7)… Porter le scapulaire, pour ­Simon et pour tout fidèle aujourd’hui, signifie donc accepter la présence maternelle de Marie dans sa vie. En revêtant le scapulaire, le fidèle imite alors le disciple bien-aimé répondant positivement au commandement de Jésus donné sur la Croix  : «  “Voici ta mère”. Et à partir de cette heure-là, précise l’évangéliste Jean, le disciple la prit chez lui  » (Jn 19,27). Revêtir le scapulaire est une manière de prendre Marie chez soi.

Un second point aura pu surprendre ­Simon  : si Marie parle de salut («  Qui mourra ainsi revêtu sera sauvé  »), elle fait tout autant comprendre que celui-ci ne saurait être acquis par le simple fait d’accepter de revêtir sa livrée  ! Le symbole de l’habit dont une mère revêt son petit enfant est par lui-même significatif  : de même qu’une mère habille son nouveau-né car celui-ci est incapable de s’habiller par lui-même, de même Marie souhaite habiller ses enfants du salut que personne ne pourrait acquérir par lui-même. Pourtant, en recevant des mains de Marie un scapulaire, Simon ne reçoit pas un habit blanc, cette couleur éclatante symbolisant le salut dans le corpus biblique. Il reçoit au contraire un habit de couleur terne, car le scapulaire, au 13e siècle, est une simple tenue de travail  ! Paysans allant travailler aux champs, forgerons s’apprêtant à travailler le fer et le feu, ou autres, pouvaient se revêtir de cet habit composé de deux grands pans de tissus mis par-dessus les épaules, couvrant l’avant et l’arrière du corps, pour éviter de salir, brûler ou déchirer les vêtements. Tout fidèle revêtant le scapulaire est ainsi invité à se mettre au travail  : Marie lui demande implicitement de coopérer à son propre salut en mettant en pratique les commandements donnés par le Christ. «  Pourquoi m’appelez-vous ‘‘Seigneur, Seigneur’’, et ne faites-vous pas ce que je dis  ?  » (Lc 6,46), demande Jésus aux foules qui le suivent…

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c) Se revêtir intérieurement de Jésus-Christ

Pour résumer, le vêtement donné par Notre-Dame évoque la promesse de son aide maternelle pour qui le portera, tout en invitant le fidèle à œuvrer pour son salut. Qui revêt le scapulaire est disciple du Christ, enfant de l’Église, cheminant aux côtés de Marie. Saint Jean Paul II, dans sa lettre de 2001, le dit à sa manière  : «  Que celui qui revêt le scapulaire fasse l’expérience de la présence douce et maternelle de Marie, dans l’engagement quotidien de se revêtir intérieurement de Jésus-Christ et de le manifester de façon vivante en soi pour le bien de l’Eglise et de toute l’humanité  »…

Cette exhortation permet une dernière précision. Si Marie donne un habit en vue du salut, cet habit n’est autre que Jésus lui-même. «  Vous tous qui avez été baptisés, vous avez revêtu le Christ  » (Ga 3,27) révèle saint Paul aux Galates. Dans ce contexte, l’habit donné par la Vierge n’est pas un habit se substituant à la grâce du baptême, au contraire  : l’humble habit du scapulaire, porté au quotidien, signifie que le fidèle travaille chaque jour à conformer sa vie et ses œuvres à sa foi, laissant se déployer en lui la grâce de l’Esprit reçue originellement au baptême.

Le pape Jean Paul II, fidèle porteur du scapulaire, en avait une vive conscience. Laissons-lui les derniers mots  : «  La piété envers Marie […] doit constituer un “habit”, c’est-à-dire une orientation permanente de sa propre conduite chrétienne, tissée de prière et de vie intérieure, à travers la pratique fréquente des sacrements et l’exercice concret des œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle. De cette façon, le scapulaire devient un signe d’alliance et de communion réciproque entre Marie et les fidèles » (Lettre du 25 mars 2001).

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