Homélie 20e Dimanche du Temps Ordinaire

Vous vous souvenez peut-être de l’histoire du Petit Poucet, de Charles Perrault. Cet enfant qui sème des cailloux tout au long de sa marche en forêt pour retrouver plus tard le chemin de la maison familiale, lorsqu’avec ses frères et sœurs il sera abandonné ; et cela, grâce aux cailloux. Je ne veux pas revenir au temps des contes enfantins, mais permettez-moi de vous rappeler cette histoire. Elle peut illustrer la dynamique des textes de la liturgie de ce dimanche et ouvrir pour nous un espace de foi nouveau. Les 3 textes, reçus en ce jour, pourraient être comme ces petits cailloux qui vont nous aider à rejoindre la maison, la maison de Dieu, notre maison, pour y trouver des forces et des encouragements si nécessaires à notre vie d’apôtre. A nous d’accueillir la Parole et d’en remplir nos poches, comme les cailloux du petit Poucet. La Parole de Dieu sera précieuse pour guider et renouveler notre vie chrétienne d’aujourd’hui, comme elle a fortifié la foi de ceux qui nous ont précédés. Elle nous conduira toujours à l’aujourd’hui de Dieu.

Ainsi le livre des Proverbes nous propose de quitter notre folie prétentieuse en suivant le chemin de l’intelligence. Nous voyons bien que notre foi chrétienne n’est pas une loterie aux nombreux cadeaux-gadgets, ou une option momentanée selon le goût du temps, encore moins une mode. De plus en plus notre vie humaine est appelée à être en résonance avec notre foi. Par sa Parole, Dieu nous sollicite toujours à harmoniser notre foi et les choix de vie que nous faisons. Nos paroles, nos actes sont-ils en accord avec le projet de Dieu révélé en Jésus-Christ ? Bien sûr, le discernement n’est jamais facile, mais l’Esprit Saint est toujours avec nous et permet de nous guider vers des décisions qui portent en elles le parfum de l’Evangile.

Quant à l’apôtre Paul, il ne néglige pas ses efforts pour nous alerter : sur qui, sur quoi repose notre vie humaine, notre vie chrétienne ? L’une et l’autre sont appelées à se développer sous le regard de Dieu, à la lumière de son enseignement et à s’harmoniser. Aujourd’hui, le missionnaire intrépide, l’Apôtre des païens, nous appelle à l’action de grâce pour tous les bienfaits dont Dieu nous pourvoit, non sans nous avoir dans un premier temps invité à vérifier notre conduite de vie. Quelles sont les valeurs que je mets en avant, sur lesquelles je peux m’appuyer et avancer sans crainte ni peur ? « Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages ». Nous risquons souvent de nous laisser entraîner si nous sommes peu vigilants, vers des idées qui nous écartent de notre foi. Notre Dieu veut nous libérer de toutes les entraves qui nous rendraient alors esclaves. N’a-t-il pas eu pitié jadis de son peuple enchaîné par la servitude de Pharaon ? Nous sommes tentés de nous tourner vers des idoles, certes bien plus discrètes aujourd’hui, mais néanmoins aussi toxiques pour notre vie de foi, notre vie humaine. Il est temps d’opter pour une expression de notre vie de foi, sans peur ni lassitude ni crainte. Nous risquerons l’incompréhension, la mise à l’écart ou l’éloignement de nos proches ou amis, mais nous savons que Dieu sera toujours notre allié. Avec respect des autres, mais non sans audace, aimons dire la foi qui habite notre cœur.

Vient ensuite l’Évangile avec toute sa force : « Moi, je suis le Pain vivant qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » Comme les auditeurs d’hier nous sommes interpellés : quelle place a pour moi l’Eucharistie ? Suis-je simplement un consommateur ? Cette nourriture n’est-elle pas une force qui me rend toujours présent celui que je cherche et que j’aime : le Christ à jamais vivant et agissant en moi et par moi ? Lorsque nous nous approchons pour recevoir le Pain de Vie et le Sang versé par le Christ, nous n’accomplissons jamais un acte isolé, indépendamment de la vie du monde, de la vie de nos frères et sœurs en humanité. Chaque eucharistie nous ouvre un espace de vie toujours plus large. Alors une solidarité peut se renouveler à l’image du Christ qui s’est fait proche de tous celles et ceux qui cherchaient à être reconnus et aimés comme des personnes humaines, habillées de dignité. Notre espérance peut aussi se développer et notre foi pourra oser emprunter un chemin de renouveau pour aimer dire que Dieu est Amour, Miséricorde, tendresse infinie Merveille que ce geste du Christ lié à son dernier repas et qui reste inépuisable. A quelques heures de son offrande totale par amour pour nous, Il prend ces simples choses que sont le pain et le vin, fruits de la terre et du travail des hommes, pour en faire son Corps et son Sang. L’ordinaire de la vie devient l’extraordinaire de la vie en Dieu. Par des aliments du quotidien, le Christ s’offre à nous pour être mangé. Il nous permet alors de rendre présente la mémoire de sa vie, de sa mort et de sa résurrection dans l’attente de son retour glorieux. C’est le repas des messagers de la Bonne Nouvelle.

Toute Eucharistie nous ouvre vers l’aujourd’hui de la présence de Dieu, et nous relie à toute l’histoire de l’humanité qui accueille et s’émerveille de cette proximité de Dieu rendue présente par le repas eucharistique.

On comprend alors que certains soient choqués par une telle proposition : manger la chair. Mais reconnaissons-le : c’est le cœur de notre vie de foi ! Nous avons besoin de nous nourrir du Pain de Vie, le Pain de Dieu, pour poursuivre et actualiser sans cesse la vie du Christ. Si nous sommes rassemblés, ce n’est ni par habitude, ni par devoir. Mais nous savons que sans la force que nous donne l’eucharistie nous risquerions de nous dessécher, de mourir d’inanition spirituelle. Alors nous comprenons mieux la violente réaction de l’auditoire de Jésus : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? ». En nous donnant sa chair à manger, Jésus le Christ nous offre un double cadeau : Il nous ouvre à la fois à sa vie divine et à sa vie humaine : « Celui qui me mangera vivra par moi. ». Heureux sommes-nous d’être invités à la table du Seigneur !

N’ayons pas peur de remplir nos poches de tous ces petits cailloux ramassés au cours de cette eucharistie, de chaque eucharistie. Dans quelques heures ou quelques jours, ils nous aideront à faire mémoire de ce temps passé avec Dieu en communion avec nos frères. Cailloux précieux pour nous aider à mieux vivre notre foi, à témoigner avec plus d’audace, à aimer sans concession, à vivre sans restriction parce que nous savons que Celui qui s’est fait nourriture n’a pas fini de nous nourrir. Oui vraiment : « Heureux, les invités au repas du Seigneur. »

Frère Didier Joseph

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