Pentecôte, Jean 15, 25-27

Dans le contexte du discours après la Cène, l’apologue de la vigne et des sarments amène un long développement de Jésus sur l’amour fraternel : "Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres". Puis brusquement le ton change, et c’est le thème de la haine qui devient central : "Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous".

Il s’agit donc du monde, qui est très souvent, pour saint Jean, le monde du refus, et qui a poursuivi Jésus de sa haine avant de la reporter sur ses disciples. Et c’est à propos de cette haine du monde que Jésus, pour la troisième fois, nous parle du Paraclet : “Quand viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’esprit de vérité qui procède du Père, il me rendra témoignage”.

Promesse splendide ; paroles si denses qu’il faut les déployer l’une après l’autre, paisiblement, en s’émerveillant et en rendant grâces.

Le Paraclet (c’est-à-dire à la fois le défenseur, l’avocat, le porte-parole et l’intercesseur) nous sera envoyé par Jésus, et même conjointement par Jésus et par le Père ; en effet, auparavant Jésus avait dit : "le Paraclet que le Père enverra en mon nom" ; et maintenant c’est à lui-même qu’il rapporte l’envoi : "le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père"

"Je vous l’enverrai", dit Jésus. Pourquoi parle-t-il au futur ? - Parce qu’auparavant doit venir l’heure de Jésus, l’heure de sa passion glorifiante : quand le crucifié sera élevé dans la gloire auprès du Père, alors d’auprès du Père, et d’un même geste que le Père, il nous enverra le Paraclet. Le Paraclet nous sera donc envoyé du monde de la gloire, par le Père de la gloire et le Fils glorifié. Il viendra de la gloire pour nous préparer à la gloire.

Et à son sujet, Jésus précise cette fois deux choses. La première concerne l’éternité : le Paraclet qui nous sera envoyé, c’est l’Esprit de vérité qui provient du Père. Dans le présent éternel de Dieu, éternellement l’Esprit procède ("sort") du Père. La deuxième précision a trait à l’œuvre du Paraclet dans l’histoire des hommes : "Il rendra témoignage à mon sujet". Où va-t-il apporter ce témoignage ? - Dans le cœur de chaque croyant. En butte à la haine du monde, le croyant sera conforté intérieurement par la présence du Paraclet, qui lui redira : "Jésus est vivant. Jésus est victorieux. Jésus est Seigneur dans la gloire, et les forces du refus ne l’emporteront pas".

Les Évangiles synoptiques présentent un peu différemment le rôle de l’Esprit Saint : "Quand vous serez traînés devant les tribunaux et les gouverneurs, ne cherchez pas ce que vous aurez à dire pour votre défense, car l’Esprit de votre Père parlera pour vous" (Mt 10,20 ; Mc 13,11 ; Lc 12,12).

L’Évangile de Jean ne parle pas de tribunaux ni de procès publics, et il intériorise le thème du témoignage : c’est notre cœur de croyants que le Paraclet viendra rassurer et affermir ; alors la force nous sera donnée pour confesser Jésus : "Vous aussi, vous témoignerez !" Notre témoignage de croyants s’inscrit donc dans celui de l’Esprit Paraclet ; il en jaillit, et lui donne une voix. L’Esprit fortifie, et l’homme ose. L’Esprit inspire, et l’homme proclame.

C’est déjà ce qui se passe, mystérieusement, dans le silence de l’oraison. Le Paraclet, dans notre cœur, prend la défense de Jésus face aux suggestions du doute ou du refus, qui sont en nous la trace du monde, face aux réductions et aux déformations de son message, face aux lassitudes de notre amour et aux timidités de notre espérance qui estompent les traits de son Visage et assombrissent le rayonnement de sa gloire.

L’Esprit de vérité nous restitue sans cesse la véritable image du Premier-né. Alors nous osons tenir en sa présence, et le désir s’éveille en nous de demeurer dans son amour. Dynamisés dans notre foi par l’Esprit Paraclet, nous apportons au monde notre témoignage de pauvres.

Nous n’avons ni mérite, ni beauté ni grandeur (Is 52, 2-3), mais Jésus accepte que notre silence parle de lui, parce que "nous sommes avec lui depuis le commencement".

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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