Craindre ou espérer (Ho 19°dim TO - 07/08/22)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Sg 18, 6-9 ; Ps 32 (33) ; He 11, 1-2.8-19 ; He 11, 1-2.8-12 ; Lc 12, 32-48

Frères et sœurs, devons-nous craindre ou espérer l’inattendu ? : « C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » Il faut veiller dans l’attente de cet imprévisible, et de plus veiller non seulement de nuit, mais aussi de jour.

Commençons par la vigilance de nuit. Elle porte sur l’attente du Fils de l’homme, qui viendra de nuit comme un voleur au moment où précisément on ne l’attend pas. Sa venue déroutera toutes les prévisions. Les premières générations chrétiennes étaient convaincues que cette venue était proche. L’insistance des évangiles sur la nécessité de persévérer dans la veille alors que le Seigneur tarde témoigne d’une impatience des chrétiens, voire d’une déception qui risque de conduire au découragement et à l’abandon de la foi. Il s’agit donc de veiller avec persévérance, non pas jusqu’à la première veille de la nuit, mais jusqu’à la deuxième, voire jusqu’à la troisième ! Si nul ne sait quand le Seigneur viendra, il y a pourtant une certitude, c’est qu’il viendra. Quant à l’activité requise de la part des serviteurs, elle consiste simplement à attendre afin d’être prêt à passer à l’action le moment venu. Après vingt siècles de christianisme, qu’en est-il aujourd’hui, frères et sœurs, de notre attente du Fils de l’homme ? Le Maître veut aujourd’hui comme hier qu’on lui ouvre la porte dès qu’il frappe, ce qui suppose que les serviteurs soient éveillés et dans l’attente. Il ne veut pas devoir tambouriner jusqu’à ce que ceux-ci se réveillent, sortent de leur lit, s’habillent et viennent lui ouvrir. Le Maître, qui fait attendre, ne supportera pas, quant à lui, d’attendre à la porte un seul instant. Il veut être attendu, désiré et donc tout simplement aimé. Désirer croire en Jésus, c’est vouloir l’aimer ; c’est désirer pouvoir l’accueillir avec joie dès qu’il viendra. L’attente nocturne est cette vigilance dans la foi et dans la prière qui fait grandir le désir de sa venue.

Quant à la vigilance de jour, elle nous est présentée sous la figure de l’intendant. Il s’agit ici de gérer les biens et les personnes que le Maître nous a confiés. Nous sommes à présent dans l’action. Si l’évangéliste pense d’abord aux pasteurs de l’Église chargés de guider les fidèles, de leur donner le pain de la Parole et de l’Eucharistie, nous pouvons élargir cela aux responsabilités de chacun dans sa vie familiale et sociale. Une bonne gestion consiste non seulement à assumer consciencieusement son travail quotidien, mais aussi à savoir prévoir l’imprévu, anticiper les difficultés possibles. Nous sommes dans un monde de maîtrise où la demande de sécurité est forte. On a accusé par exemple les responsables politiques de ne pas avoir suffisamment anticipé la pandémie du covid. D’une certaine manière, l’idéal serait qu’il n’y ait plus d’inattendu, que tous les événements possibles soient envisagés de manière à prendre les mesures adéquates au moment opportun. C’est une requête compréhensible, mais nous voyons bien ce qu’il y a d’illusoire à vouloir éradiquer le risque de l’imprévisible.

Nous sommes donc renvoyés, frères et sœurs, à deux types de vigilance, la vigilance d’une prière animée du désir de rencontrer le Seigneur et la vigilance du service vécue moyennant un engagement responsable. L’une et l’autre vigilance sont nécessaires, mais c’est la vigilance priante qui éclaire et oriente la vigilance active. Ce qui caractérise en effet la vie chrétienne, c’est une soif de communion avec Dieu, une communion qui est nécessairement de l’ordre de l’inattendu, car elle dépasse tout ce que nous pouvons concevoir. La venue de Dieu en Jésus-Christ est toujours nouvelle, toujours surprenante et jamais prévisible. Je vous invite, frères et sœurs, à faire mémoire d’expériences que vous avez pu faire ou d’événements que vous avez pu vivre comme des interventions imprévisibles de Dieu dans votre vie. Puissions-nous reconnaître ces inattendus de Dieu qui nous ont ouvert des horizons nouveaux, afin de désirer l’inattendu par excellence qu’est la venue du Seigneur. Si nous n’avons pas à en connaître ni le jour, ni l’heure, nous avons à désirer cependant dès aujourd’hui la rencontre du Seigneur ressuscité, car il se tient lui-même à notre porte dans l’attente. Attendre, c’est alors le rejoindre au plus profond de notre cœur pour nous ouvrir à l’inattendu de sa présence : il nous invite à table et se fait non seulement notre serviteur, mais encore notre nourriture comme en cette Eucharistie que nous célébrons à présent en mémoire de lui.

Fr. Olivier-Marie Rousseau, ocd - (couvent d’Avon)
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