Textes liturgiques (année C) : Lc 19, 28-40 ; Is 50, 4-7 ; Ps 21 (22) ; Ph 2 6-11 ; Lc 22, 14 – 23, 56
« Acclamons la Parole de Dieu » avons-nous entendu ! « Louange à toi, Seigneur Jésus », avons-nous répondu ! Mais peut-être différemment des autres jours. Car aujourd’hui, la Parole acclamée, le Verbe exalté par les foules, le Seigneur Jésus reconnu comme roi sera dans quelques jours réduit au silence, le silence de la mort. Aussi ce récit de la Passion vient-il interroger nos propres paroles : s’il y a un procès, c’est peut-être celui de la vérité de la Parole, de la vérité de nos paroles humaines. Paroles qui conduisent ici à condamner l’innocent par excellence et sont donc le signe de notre injustice. Quels contrastes saisissants traversent l’évangile quant à la parole. En voici trois.
Contraste entre le « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur » des foules lors de l’entrée triomphale à Jérusalem, et les cris de haine « Crucifie-le » quelques jours après. Quelle est donc, frères et sœurs, la vérité de cette parole humaine capable de louer un jour puis de tuer un autre jour ? Nos paroles sont-elles engagées, habitées ?
2e contraste entre l’attitude d’Hérode qui désirait voir Jésus depuis longtemps et celle du Messie. Hérode multiplie les questions en vue de satisfaire sa curiosité narcissique. Mais Jésus n’entre pas dans son jeu et demeure en silence. Le Verbe de Dieu se tait face à celui qui, plein de lui-même, ne peut pas écouter. Quelles sont, frères et sœurs, ces questions indiscrètes qui ramènent toujours les autres à nous-mêmes et qui ne s’intéressent pas vraiment à notre prochain ?
Dernier contraste entre les deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus. L’un se joint aux injures des autres et participe à la tentation diabolique de pousser Jésus à se sauver lui-même. L’autre dénonce l’injustice, reconnaît sa culpabilité et demande la miséricorde au Messie. Voilà une parole pleine et responsable qui ouvre la porte du paradis tandis que l’autre participe à la mascarade violente de la comédie humaine. Lequel des deux larrons déciderons-nous de suivre nous-mêmes ?
Frères et sœurs, au cours de ces saints jours de la Passion de Notre-Seigneur, ce sont bien nos paroles qui sont mis en crise : nos bavardages habituels, nos paroles creuses, nos médisances quotidiennes, nos mesquineries, nos jugements implacables, nos flatteries trompeuses ou nos promesses sans lendemain. Face au Verbe incarné qui va jusqu’au bout de son engagement, face à Jésus qui tient parole en traversant l’extrême souffrance, notre humanité vacille et nos mots sont dérisoires, ridicules. Nous en sommes déboussolés.
En fait, une seule chose compte, une seule attitude est nécessaire, l’écoute évoquée dans la 1re lecture : « Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille » « Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. » Demandons à l’Esprit Saint de creuser en notre cœur un espace d’accueil de la Parole de Dieu, de Jésus. Recueillons avec attention toutes les paroles de vie qui jalonnent ses derniers jours, ses mots testaments : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » « Père, entre tes mains je remets mon esprit. »