33e Dimanche T.O. ; Marc 13, 24-32

« Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. » (Rm 8,18)

En cette fin d’année liturgique, les lectures de ce dimanche nous invitent à méditer sur des textes qui figurent la fin du monde. Ce thème a suscité beaucoup l’imagination des hommes au cours des âges en soulignant le plus souvent la tragédie de la fin du monde, mais très peu ont su mettre en lumière la bonne nouvelle que suggère Jésus dans l’évangile de ce jour. En effet, au cœur de l’automne, en ce moment où les feuilles meurent et tombent, cet évangile nous suggère une image de printemps : le figuier dont les branches deviennent tendres au moment où sortent les feuilles qui annoncent que l’été est proche. Cette image de printemps, pleine d’espoirs et de promesses, Jésus l’applique à la fin des temps et à la proximité de sa venue, « Lorsque vous verrez cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, sur le seuil. » Bien sûr, il y a d’autres images et d’autres signes avant-coureurs du retour de Jésus, beaucoup moins champêtres, inquiétants même, presque terrifiants. Il y a la terrible détresse dont parlait l’évangile, le soleil et la lune qui perdent leur éclat, les étoiles qui tombent du ciel, le bruit de la guerre et l’horreur des persécutions.

C’est vrai, il y a tout cela, et dans la bouche même de Jésus. Mais il y a aussi l’autre image, celle de la branche qui se gonfle sous la sève qui monte, et du bourgeon qui éclot sous la poussée de la vie, elle aussi dans la bouche de Jésus. A trop uniquement regarder les images qui suscitent l’appréhension de la fin du monde, nous en viendrions à oublier la fraîcheur de celle qui annonce la vie et une plénitude nouvelle. Comme, d’ailleurs, nous oublions que ce monde, sans attendre les derniers temps, est déjà profondément marqué par la violence, l’injustice et la haine.

Ce que le seigneur nous annonce, c’est moins la fin de ce monde que la naissance d’un autre. C’est moins la perte de ce monde marqué par le péché que la restauration d’un monde nouveau où les mots de liberté, d’égalité et de fraternités ne seront plus de vains mots. Car Jésus précise explicitement que les signes de détresse et de peur, et qui ne sont que passagers, ne sont là que pour annoncer le seul événement qui importe et qui mérite de mobiliser toutes nos énergies et toute notre attente : « De même, vous aussi, lorsque vous verrez cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, sur le seuil. »

Certes, la naissance du monde nouveau sera précédée d’un déchirement, d’une perte, d’un bouleversement, mais n’est-ce pas le lot de toutes naissances ? Sait-on jamais si la branche de figuier souffre d’écartèlement lorsque la sève de l’intérieur pousse et fait gonfler ses parois ? Ou si le bourgeon a mal lorsqu’il doit éclater pour céder la place aux fleurs et aux feuilles ? Nous ne posons même pas la question, tellement notre regard est attiré, déjà, vers le spectacle verdoyant et florissant du printemps. Qui plaindrait la tige ou le bourgeon ? Il en est de même pour la naissance d’un être humain, malgré les douleurs de l’enfantement, et même si l’on en a conscience, la joie de donner naissance l’emporte sur l’appréhension de la douleur. Naturellement, on sait hiérarchiser les valeurs pour relever le regard vers le bien promis, vers la récolte à venir, la beauté d’un paysage en fleurs, la naissance d’un enfant.

Et il en est de même pour l’Église quand elle regarde vers la fin des temps et en prenant conscience des douleurs qui marquent aujourd’hui les hommes. Bien sûr, notre humanité est promise à l’épreuve et même à un certain cataclysme final à travers lequel la figure actuelle du monde sera transformée. Mais c’est la joie qui l’emporte, puisque le Fils de l’homme, Jésus, notre sauveur, est désormais tout proche, devant la porte, sur le seuil. A travers tout ce qui peut nous contrarier, c’est lui que nous attendons, c’est lui qui nous apporte la paix promise.

Telle est la joie de l’Église, et celle de chacun de nous, une joie qui l’emporte toujours. Parce que le Seigneur Jésus est de plus en plus proche, et que chaque nouveau déchirement est le signe, qui ne peut tromper, que Jésus se rapproche encore davantage. Parce que chaque misère et même chaque péché, qui maintenant nous sautent aux yeux, sont la preuve sûre que le voile est sur le point de se déchirer et que nous allons bientôt faire face à Jésus et être noyés dans l’amour et la miséricorde. Car plus Jésus se fera proche, plus le monde sera écartelé, et plus notre misère sera évidente, mais plus aussi nous serons aspirés par la puissance de son amour. Et plus il sera facile et plus il sera doux de lui ouvrir la porte : « Voici que je me tiens à la porte, disait Jésus, et que je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour un souper, moi près de lui, et lui près de moi » (Ap 3, 20)

Avec saint Paul, dans l’épître aux Romains, c’est dans l’espérance que nous vivons ce temps présent : « J’estime donc qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous. En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu. Elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » (Rm 8, 18…22)

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