27e Dimanche T.O. ; Mc 10,1-12

La dureté de votre cœur

Les Pharisiens voulaient tendre à Jésus un piège et le mettre en contradiction avec Moïse. Ils ont posé leur question au sujet du divorce, plus exactement au sujet du renvoi de l’épouse, mais la réponse de Jésus éclaire d’un coup tous les secteurs de la vie morale :

Vous vous appuyez sur une permission de Moïse, dit Jésus à ses contradicteurs ; mais avant Moïse, il y a Dieu, avant les arrangements de Moïse, il faut voir le dessein de Dieu, comment Dieu a fait les choses « au commencement », c’est-à-dire au moment de la création.

Dieu a voulu la complémentarité de l’homme et de la femme ; il les a voulus différents, tout en donnant à l’homme et à la femme une égale dignité. C’est à partir de cette différence qu’il a créé la merveille de l’amour et la merveille de la vie, et il a dit :« Les deux ne feront qu’un seul être ».

Ils demeurent différents ; elle et lui restent comptables devant Dieu de leurs choix et de leur liberté ; mais l’amour a lié entre eux un lien irréversible, irréversible parce qu’ils sont entrés tous deux, librement, dans l’œuvre de Dieu. Ce que Dieu a uni, ce que Dieu a voulu un, il n’appartient pas aux humains de le désunir. Personne ne peut défaire ce que Dieu a fait ; personne ne peut dédire ce que Dieu a dit.

En particulier aucune loi humaine ne peut prévaloir contre le dessein de Dieu. Qu’il s’agisse de l’indissolubilité du couple, de l’euthanasie, des progrès de la génétique, des droits de l’embryon humain ou de son usage à des fins de recherche scientifique, le croyant doit se déterminer, finalement, non à partir de ce que permettent ou réprouvent les gouvernements européens, mais à partir de ce que Dieu a fait pour l’homme et de ce que Dieu a dit de la vie et de la mort.

Déjà saint Paul rappelait aux chrétiens :« Ne vous modelez pas sur le monde présent, mais métamorphosez-vous par un changement de votre mentalité, pour discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait » (Rm 12,1).

Cependant, autant le chrétien doit se montrer courageux dans ses propres choix, autant il doit se garder de condamner ceux qui l’entourent, croyants ou incroyants. Réprouver une action, même avec énergie, n’équivaut jamais à rejeter ceux qui ont agi.

Pour prendre un exemple : quelle est la famille qui ne compte aujourd’hui des cas douloureux de foyers désunis ou de couples recomposés, en dépit de l’échec d’un premier amour ? Que pouvons-nous faire, dans le silence du cloître, sinon respecter douloureusement ces options douloureuses, et porter dans la prière ou dans l’imploration ces hommes et ces femmes blessés, comme Dieu les porte dans son amour et sa miséricorde ?

De même notre conscience de croyants ne peut que s’insurger devant certaines audaces scientifiques qui ôtent à l’être humain toute sa dignité. Mais, parce que nous sommes dans l’Église des permanents de la prière, il nous faut tout autant demander lumière et discernement pour tant de savants chrétiens confrontés aux énigmes de la vie, et qui travaillent sur les marges du savoir, face à des problèmes que jamais personne ne s’est posés, et avec des pouvoirs que jamais les hommes n’ont eus en mains. Personne, parfois, n’est passé avant eux pour faire des lois, pour permettre ou interdire ; et souvent, face à la complexité de ce qu’ils découvrent, ils se demandent, angoissés :« Qu’est-ce que Dieu a voulu au commencement ? »

« Envoie, Seigneur, ta lumière et ta vérité, qu’elles soient leur guide, et les ramène », dans la paix, « face au mystère où tu fais ta demeure »

Fortifie, Seigneur, ceux que tu as unis pour toujours par le sacrement du mariage. Qu’ils puisent dans ta fidélité le courage de se rester fidèles.

Et à nous, Seigneur, que tu as appelés au célibat pour le Royaume, donne à longueur de vie un surcroît d’espérance, pour que, vivant avec bonheur le pacte d’amour passé avec toi, nous n’osions renier le contrat fraternel qui nous lie à la communauté.

Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

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