6e Dimanche de Pâques -A-

La liturgie de ce dimanche semble déjà orienter notre regard vers la fête de la Pentecôte, en effet, le fil rouge des trois lectures que nous venons d’entendre semble être bien la présence et l’œuvre de l’Esprit Saint dans la communauté des croyants.

Tout d’abord, le livre des Actes des apôtres nous rapporte l’évangélisation des Samaritains par Philippe, puis par Pierre et Jean qui lui viennent en aide. Et ce qui est tout à fait remarquable dans ce récit, c’est que les deux apôtres viennent comme compléter et achever le travail apostolique de Philippe. Selon le texte, il semblerait que les Samaritains n’aient reçu qu’un baptême incomplet, un baptême au nom de Jésus, sans avoir reçu le don de l’Esprit Saint. Que pouvait être ce premier baptême au nom de Jésus ? Il nous est impossible de le dire, et la mauvaise réponse serait certainement de croire qu’il y avait déjà une distinction entre baptême et confirmation telle que nous l’entendons aujourd’hui.

En effet, dans le baptême, il y a déjà un don de l’Esprit Saint qui nous constitue fils adoptif à l’image du Fils unique. Et il serait faux de croire que le sacrement de confirmation serait, à lui seul, le don de l’Esprit Saint, comme si nous ne l’avions pas reçu avant. Théologiquement, il me semble difficile de résoudre la question que pose ce texte sur le fait de savoir quel pouvait être ce baptême de Jésus conféré par Philippe sans le don de l’Esprit Saint. Et d’ailleurs, l’intérêt de ce texte n’est pas là, c’est-à-dire résoudre cette question de sacramentaire, mais il s’agit plutôt d’indiquer clairement que le travail d’évangélisation trouve son accomplissement dans le don de l’Esprit Saint à celui qui accueille le message de Foi. Sans ce don, l’œuvre de rédemption du croyant serait incomplète. Car, selon la première épître de Pierre, c’est le même Esprit qui a rendu la vie à Jésus dans la résurrection et qui pour chacun de nous tend vers cette œuvre de renouvellement intérieur pour créer l’homme nouveau.

Devenir chrétien, ce n’est pas adhérer à un message, à une doctrine, mais réaliser dans notre vie le mystère pascal pour parvenir comme Jésus à la pleine communion avec l’Amour trinitaire. Si, par sa Pâques, Jésus réalise le salut pour chacun de nous, l’Esprit Saint est celui qui saisit le croyant aux profondeurs de son être pour actualiser l’œuvre accomplie par Jésus. « Moi, dit Jésus, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de vérité. (…) Vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous, et qu’il est en vous. »

Avec le départ de Jésus, ou du moins son absence sensible, nous pourrions nous sentir délaissés, orphelin comme livrés à nous-mêmes et devant alors nous accrocher à des paroles entendues et des gestes posés dans le passé. Mais Jésus nous invite à accueillir le don du Père, l’Esprit Saint répandu en nos cœurs comme le défenseur, le protecteur de notre foi et le pédagogue pour notre vie spirituelle. Ainsi, d’une certaine manière, le bon usage de l’Esprit Saint dans notre vie de Foi consiste d’une part à l’accueillir comme hôte intérieur qui ne nous laisse jamais seuls, d’autre part à nous réfugier en Lui comme notre défenseur, et enfin à nous entretenir avec lui comme notre maître spirituel. Et c’est dans ces trois manières d’être avec nous que l’Esprit Saint pourra déployer ses sept dons pour achever l’œuvre du Père accomplie par Jésus : don de sagesse, de conseil et de force, don d’intelligence et de sciences, don de piété et de crainte du Seigneur.

Depuis les années 30, nous vivons en Église tout un renouveau théologique et spirituel autour de l’Esprit Saint pour lui redonner toute sa place dans la vie de l’Église et la vie spirituelle des chrétiens. Le premier ouvrage qui connut un certain succès en 1938 fut celui du Père Victor DILLAR, un jésuite, qui écrivit un ouvrage sur l’Esprit Saint intitulé « Au Dieu inconnu », puis il y eut bien sûr toute la préparation et la célébration du concile Vatican II, et encore le renouveau charismatique. Tout cela nous invite à renouveler notre relation avec l’Esprit Saint comme l’acteur central de notre vie spirituelle, comme hôte intérieur, protecteur et pédagogue pour notre foi.

Dans une relation personnelle et intime avec Celui qui est déjà là quand, dans la prière, nous prenons le temps de l’écoute, nous créons l’espace qui permet à l’Esprit Saint d’agir en nous. Nous entrons ainsi dans un dialogue avec celui qui fait de notre corps son Temple, c’est-à-dire le lieu de la rencontre et de la célébration, celui qui nous habite au plus intime de nous-mêmes et désire de nous transformer de l’intérieur. Le baptême, achevé par la confirmation, nous dispose de façon permanente à cette écoute et à un dialogue avec l’Esprit pour nous laisser agir par lui. Et c’est ainsi, par cette œuvre de l’Esprit en nous, que la vie et les paroles de Jésus deviennent actuelles et toujours nouvelles pour chacun de nous et pour son Eglise.

Sans lui, notre vie religieuse et spirituelle ne serait qu’une commémoration d’un passé révolu, avec lui, tout devient actuel et nouveau, et Il nous oriente vers la pleine réalisation des promesses dont la résurrection de Jésus constitue les arrhes. C’est pourquoi Jésus peut nous dire : « D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus (car il n’a pas reçu l’Esprit Saint), mais vous (qui avez reçu l’Esprit Saint), vous me verrez vivant et vous vivrez aussi. »

Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.

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