Homélie 30° Dim. TO : la relation qui ouvre à toutes relations

donnée au couvent de Paris

Dimanche 25 octobre 2015 - 30° dimanche du Temps ordinaire

Textes liturgiques : Jr 31,7-9 ; Ps 125 ; He 5,1-6 ; Mc 10,46-52

Connaissez-vous la pyramide de Maslow ? : cette théorie hiérarchise les besoins humains en donnant la priorité aux besoins physiologiques (faim, soif, sexualité, respiration …) pour finir par la satisfaction des besoins plus spirituels (besoin d’estime, puis d’accomplissement de soi) en passant par le besoin de sécurité, puis d’appartenance et d’amour. Cela semble très satisfaisant, mais est-ce bien de cet homme-là dont nous parle l’Evangile ?

Un homme est assis sur le bord du chemin. C’est un mendiant et un aveugle. Il crie avec insistance pour établir la communication avec Jésus, car telle est bien sa nécessité première : sortir de son isolement. Par ce cri, l’homme demande une attention à sa marginalité, lui qui est immobile sur le côté du chemin tandis qu’une foule nombreuse est en marche sur la route. C’est plus un cri de mendiant qu’un cri d’aveugle. Malgré l’obstacle de la foule, son cri parvient jusqu’à Jésus sans aucune médiation. Jésus s’arrête et le fait appeler. Cet arrêt est un signe fort après l’insistance du texte pour nous montrer Jésus en chemin vers Jérusalem. Cela inverse la situation : l’infirme statique devient celui qui est en mouvement, tandis que Jésus cesse de l’être.

En faisant appeler l’infirme par la foule au lieu de l’appeler lui-même, Jésus fait de ceux qui constituaient un obstacle, des intermédiaires de son appel. Alors que le mendiant appelait Jésus pour qu’il vienne à lui, c’est Jésus qui l’appelle à venir à lui. Le mendiant comprend qu’il est plus qu’entendu : il est distingué entre tous par celui qui passe. Cet appel opère déjà en lui une triple transformation : il se met debout ; il sort de son isolement en marchant au milieu des autres ; il va vers Jésus.

Une seconde phase du récit s’ouvre alors avec la question de Jésus : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Jésus lui demande d’exprimer son désir moyennant un échange de parole, car l’aveugle a plus besoin de communication humaine que de guérison. L’enjeu central de la transformation se situe dans la rencontre personnelle avec Jésus. C’était la communication entre eux qui était difficile vues la distance et l’entrave de la foule. Au désir de rencontrer Jésus, s’ajoute cependant à présent celui de voir que l’aveugle n’avait pas exprimé dans son cri initial. Il ne s’adresse plus à Jésus comme au Fils de David capable de pitié envers un malheureux, mais au Maître qui enseigne et qui illumine par sa parole. Il reconnaît son aveuglement et il demande à en être libéré par celui qu’il appelle son Maître. Ce changement d’appellation traduit bien la transformation de l’aveugle qui de mendiant est devenu un homme en quête de lumière auprès de celui qu’il reconnaît comme son Maître.

Jésus ne prononce aucune parole de guérison pour lui rendre la vue. Il fait simplement un constat que personne ne peut voir : « Ta foi t’a sauvé ! » Cette parole déclare le salut comme étant déjà acquis, par le simple fait d’une relation vivante restaurée dans la confiance. Ce salut ne procède pas du pouvoir de Jésus, mais de la puissance de la confiance à laquelle l’homme s’est ouvert. La guérison manifeste alors publiquement la véracité du dire de Jésus et de la foi de l’homme, une foi telle qu’elle ouvre à la réception du salut. Jésus ne parle pas ici en guérisseur, mais en Maître qui témoigne de la volonté divine, une volonté qui rejoint le désir profond de l’homme.

L’aveugle devenu croyant est à présent voyant. Par sa foi en Jésus sauveur, il est entré dans une vie nouvelle. Celui qui était assis sur le bord du chemin marche à présent à la suite de celui qu’il peut voir marcher sur le chemin. Voir, c’est trouver le bon chemin et le prendre sans peur ni hésitation, en suivant Jésus jusqu’à Jérusalem. L’aveugle apparaît ainsi comme le modèle par excellence du disciple de Jésus au moment où celui-ci est prêt d’achever sa mission dans la ville sainte. Il est passé de l’état de mendiant en quête de relation à celui d’aveugle en quête de lumière pour devenir enfin disciple en quête de salut.

La foi en Jésus sauve de tout isolement, paralysie ou repli sur soi. Suivre Jésus, c’est trouver la relation qui ouvre à toutes relations par-delà toutes les nuits et toutes les solitudes. C’est se mettre en chemin pour accomplir sa vie à la lumière du Christ. Tel est le miracle de la foi, de l’ouverture à la confiance ! A partir de là, tout autre besoin peut être satisfait grâce à une créativité retrouvée et une véritable communion avec les autres.

fr. Olivier Rousseau, ocd (Couvent de Paris)
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