Homélie 4e Dimanche de l’Avent (Année C)

Frères et sœurs,

Il ne s’agit pas tant de vivre en se hâtant que de se hâter de vivre. Cette jolie pensée (pas explicitement chrétienne mais impliquant un certain regard sur la vie) peut se voir colorée en ce jour par la méditation de la hâte de Marie. Marie se hâte. A deux jours de Noël, car pour la liturgie, six mois sont comme deux jours, la hâte de Marie nous invite à nous hâter de préparer la venue du Seigneur, sans pour autant nous préparer dans la hâte, car une telle hâte risque de nous faire manquer la dernière halte avant Noël, ce quatrième dimanche de l’Avent, dimanche de la Vierge, dimanche de l’ultime préparation, dimanche, déjà, de l’Incarnation. Dimanche de la Vierge, notre liturgie y fait apparaitre la troisième figure de l’Avent, tout en reprenant d’ailleurs les deux autres : Jean-Baptiste caché mais présent et même acteur de notre scène d’évangile et les prophètes, hérauts de ces paroles qu’Elisabeth découvre désormais accomplies. Concentré de l’Avent, notre dimanche nous invite tout à la fois à la joie, à la retenue et au silence. Il est aussi déjà le dimanche de l’Incarnation, inaugurée à l’Annonciation : la prière de collecte de ce jour est ainsi celle de l’angélus : « répands ta grâce en nos cœurs, par le message de l’Ange, tu nous as fait connaitre l’Incarnation de ton fils ». C’est tout le sens de la méditation de l’Epître aux hébreux sur l’offrande du Christ dès sa naissance et que l’Ecole française de spiritualité, Bérulle en tête, étendra à sa conception : « Voici je viens » exprime tout le sens de la vie du Christ comme offrande au Père et offrande au monde. Nous qui avons imploré tout au long de cet Avent « Viens Seigneur Jésus » l’entendons déjà aujourd’hui nous répondre « Voici, je viens ». Là est le mystère de l’Incarnation, mystère du don de soi qui caractérise le Christ de sa naissance à Gethsémani et qui appelle le nôtre. Se préparer à Noël c’est tout à la fois accueillir cette offrande et y répondre par la nôtre. Dernière touche de ce dimanche de l’ultime préparation, en regardant Marie portant l’enfant sans que le monde le sache ni ne le voit, nous avons une belle image de toutes les promesses encore en gestation que nous pouvons porter dans nos cœurs. C’est cela aussi la grâce de l’Avent : « croire en l’accomplissement des paroles dites de la part du Seigneur ».

Voilà quelques orientations pour vivre cette dernière halte de l’Avent. Dans un second temps, méditons cette belle scène de la Visitation. On ne peut la dissocier de celle de l’Annonciation qui la précède ni du Magnificat qui la suit : Annonciation, Visitation, Exultation forment une unique séquence. D’ailleurs, interrogeons-nous : qui annonce quoi à qui, qui visite qui et qui exulte de quoi ? Autrement dit, où est l’annonce, où est la visite, où est la louange ? … dans ces trois scènes, assurément. L’Annonce de l’Ange est la visite de Dieu, tant attendue et définitive. La Visite de Marie à sa cousine fonctionne comme une annonce : Marie entre chez Elisabeth, la salue, et sous l’action de l’Esprit Saint, celle-ci exulte des merveilles du Seigneur, c’est-à-dire de l’action de Dieu en son sein (Jean-Baptiste tressaille) et de la foi de Marie. Le premier magnificat est celui d’Elisabeth. Ainsi dans cette unique séquence, c’est Dieu qui annonce et qui visite mais c’est lui aussi qui provoque chez les humains annonce et visite. Voilà bien sa signature : ce qu’il nous donne, il nous donne de le donner à notre tour, comme s’il était nôtre.

Fort de cela, je voudrais porter trois regards sur la Visitation. Notre scène est une icône de la vie chrétienne. Foi et charité, sont comme les deux ailes de Marie qui croit à la Parole de l’Ange concernant sa cousine et qui va lui porter secours dans un acte d’attention et de service. Cette scène respire la joie et la liberté, le mouvement et la paix, la grâce de la foi. Notre scène a une dimension trinitaire également : le Fils du Père répand déjà sa grâce, l’Esprit fait exulter et les paroles du Seigneur sont reconnues. Foi, charité et Trinité : icône de la vie chrétienne. Notre scène est ensuite une icône de l’Eglise. Accueillir dans la foi les paroles du Seigneur mais ne pas les garder pour soi et courir porter l’enfant au monde dans la louange et le service : telle est l’Eglise, l’Eglise de la Visitation, l’Eglise de la sortie de soi. Enfin, notre scène est une icône de la véritable rencontre, et Noël c’est cela : rencontre de Dieu, des pauvres, des frères. Il s’agit même ici d’une double rencontre, entre deux femmes et entre deux enfants : reconnaître l’autre, ce qu’il porte, voir comment cela peut me toucher mais pour m’en réjouir, sans vouloir garder pour soi ou jalouser … Il y a de quoi stimuler nos relations fraternelles, familiales, professionnelles ou pastorales. Non pour nous accabler, ce qui serait encore de la jalousie, mais pour nous laisser emporter dans ce mouvement de la grâce : le oui à la grâce entraîne une grâce du oui, qui emporte tout sur son passage. Bref, notre scène évangélique est une vraie iconostase qui nous donne de vivre l’ultime préparation de Noël : soigner les dons de Dieu qui nous sont confiés ; s’émerveiller des promesses qui déjà s’accomplissent ; espérer et croire ; annoncer, servir et rencontrer. Profitons, avec la hâte de l’ardeur sans celle de l’affairement, ne nous trompons pas de préparatifs, de cette dernière halte de l’Avent. Elle est déjà notre joie ! Amen.

F. Guillaume, ocd (Avon)

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