La foi, l’obéissance, la combativité (Ho. 4e dim Carême 10/03/2024)

donnée au couvent d’Avon

4° Dimanche du Carême – 10 mars 2024 (Textes de l’année A pour le 2e scrutin de catéchumènes : 1S 16,1-13 ; Ps 22 ; Ep 5,8-14 ; Jn 9,1-41)

« Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière. » Cette affirmation de saint Paul adressée aux chrétiens d’Ephèse s’applique merveilleusement aux baptisés. De fait le baptême a souvent été conçu comme une illumination intérieure ; c’est pourquoi Paul peut reprendre cette acclamation : « Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. » Le baptême est aussi bien un réveil, une participation à la résurrection qu’une illumination de toute la personne. Que nous soyons donc en chemin vers le baptême ou déjà baptisés, nous sommes appelés à retrouver ce chemin de la lumière, celle du Christ. Pour cela, nous avons besoin de trois attitudes : la foi ; l’obéissance ; la combativité.

Tout commence en effet par la foi. Qu’est-ce que la foi ? C’est une « participation à la façon de voir de Jésus » (LF18) nous disent les papes François et Benoit XVI dans la très belle encyclique Lumen fidei (La lumière de la foi). Croire en Jésus, c’est donc voir comme Jésus, voir par les yeux de Jésus. Le baptême nous donne donc un équipement nouveau, une façon inédite de regarder le monde. C’est bien plus efficace et redoutable que des lunettes connectées ; la foi nous donne accès à l’invisible. Ce n’est pas un arrière-monde ou de la réalité virtuelle. C’est au contraire la vraie vie, là où les choses durent et participent de l’éternité de Dieu. Croire, c’est voir comme Dieu regarde. Et nous avons entendu combien Dieu regarde différemment du monde. Dans la 1re lecture, le Seigneur dit à Samuel : « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » Dieu apprend à son prophète à changer de regard sur les autres. Et la foi permet cela. De nous-mêmes, nous restons comme Samuel dans les apparences de ce monde ; nous jugeons les autres selon des critères d’apparence et de mondanité. Mais lorsque Dieu convertit notre cœur, il nous permet de regarder notre prochain avec une autre profondeur, en posant sur lui un regard d’estime et de bienveillance. Avons-nous bien conscience que la foi change notre regard ou devrait le changer ? Soyons donc sur nos gardes quand la médisance s’invite sur notre bouche ; demandons-nous si c’est bien avec foi que nous allons parler de notre prochain.

La deuxième attitude reliée au baptême est l’obéissance. Si dans l’évangile, l’aveugle de naissance est guéri, c’est parce qu’il a obéi à celui qui était pourtant un inconnu pour lui. Jésus ne lui a demandé qu’une chose : « Va te laver à la piscine de Siloé. » Et l’aveugle a obéi à cette parole. De même dans la 1re lecture, Samuel accepte de se laisser guider par la voix de Dieu alors qu’il doit se demander pourquoi le Seigneur ne choisit pas Eliab comme lui, Samuel, l’a pensé : « Sûrement, c’est lui le messie, lui qui recevra l’onction du Seigneur ! » Mais l’assurance de Samuel est déjouée : les voies de Dieu ne sont pas les nôtres. Et comme nous sommes lents à entrer dans la foi, à regarder le monde comme Dieu le regarde, nous avons besoin d’obéir. La foi nous conduit à l’obéissance : croire, c’est suivre Jésus, le suivre sans toujours comprendre où il nous emmène, comme le psaume 22 nous y invite. Oui, le Seigneur est pour nous un berger qui nous mène vers les eaux tranquilles de l’éternité. Il nous conduit par le juste chemin, à travers les ravins de la mort. Mais il ne le fait pas sans nous : encore faut-il que nous consentions à nous laisser guider sur un chemin inconnu, celui que Dieu seul sait. L’obéissance chrétienne est fondamentale car elle nous fait passer d’une vie conduite par nous-même à une existence de suite du Seigneur. Le baptisé choisit de ne plus être maître de sa vie. Cette vie, il l’a reçue gratuitement et il est appelé à la donner gratuitement. S’il s’en fait le propriétaire et qu’il veut la privatiser comme le monde le lui dit, en réalité il la perdra. Car seul Jésus nous conduit vers la vraie vie ; seul Celui qui est la lumière du monde nous donne accès à la lumière qui brille pour toujours. Ainsi l’obéissance de la foi est notre arme pour déjouer bien des illusions. Et ceci nous amène à la 3e attitude.

Il s’agit de la combativité. L’évangile illustre magistralement le combat qu’est la vie chrétienne. Le baptisé adulte apprend par son catéchuménat que le choix du Christ est une lutte ; celui qui a été baptisé bébé l’a aussi expérimenté car le baptême ne supprime pas le combat. Au contraire, il nous équipe de l’armure de Dieu pour mieux mener ce combat. Une fois qu’il est guéri, l’aveugle de l’évangile a pu croire que tout était joué. C’est le contraire : c’est maintenant que les ennuis commencent. Avant, on le méprisait mais on le laissait tranquille. Maintenant qu’il affirme que Jésus est le Messie, les forces hostiles se réveillent. Elles ont perdu un adepte ! En fait ces forces étaient déjà présentes mais c’est le choix de la foi qui les démasque et les manifeste. Les pharisiens représentent symboliquement les forces du mal, qu’elles soient extérieures ou intérieures à nous. Ne nous étonnons pas : si nous nous attachons au Christ, nous goûterons la paix dans notre cœur profond et nous affronterons la guerre dans nos pensées, nos passions et nos relations. Tout cela fait partie du chemin et ne doit pas nous effrayer. Le Christ est vainqueur : il nous donne courage et combativité pour participer de sa victoire. Ce qu’il nous demande, c’est de croire qu’il est vainqueur et donc de ne pas nous décourager en regardant les évènements de façon trop humaine. En gardant le bouclier de la foi, nous repousserons les attaques de l’adversaire et resterons en sécurité par la grâce de Dieu. Le chrétien ne combat que parce qu’il sait que le Christ a déjà vaincu le monde ; la victoire du chrétien est dans sa foi.

Frères et sœurs, soyons donc dans la joie en ce dimanche. La joie chrétienne n’est pas une joie naïve et superficielle. Elle est la joie éprouvée qui sait le combat et la souffrance. Nous croyons que nous sommes destinés à la joie de Dieu. Que cette joie du Seigneur soit pour chacun notre rempart et notre force. Amen

Fr. Jean-Alexandre de l’Agneau - (Couvent d’Avon)

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