La gratuité de l’Amour (Ho 2°dim TO - 15/01/23)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année A) : Is 49, 3.5-6 ; Ps 39 (40) ; 1 Co 1, 1-3 ; Jn 1, 29-34

« Voyant Jésus venir à lui… » Dans l’évangile selon Saint Jean, c’est la première fois que nous voyons, frères et sœurs, Jésus entrer en scène. Il le fait sans rien dire, tandis que Jean-Baptiste prend la parole pour révéler son identité. En outre, le Baptiste ne s’adresse pas à Jésus, mais aux témoins de la scène et à tout lecteur de l’Évangile : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » Au terme du récit, nous avons une deuxième déclaration de Jean-Baptiste sur l’identité de Jésus : « Moi, j’ai vu et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. » Jésus est ainsi à la fois l’agneau pascal qui va sauver le monde du péché par le sacrifice de sa vie et le Fils de Dieu seul capable d’accomplir cette œuvre divine. Entre ces deux affirmations, il y a le passage central sur lequel repose la foi du Baptiste : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. » Ce témoignage constitue le cœur du message de Jean : Jésus est véritablement Sauveur du monde et Fils de Dieu parce que l’Esprit de Dieu demeure en lui de manière permanente. Ainsi, le véritable Temple de Dieu n’est plus celui de Jérusalem, car Jésus est en personne le lieu de la présence divine parmi les hommes.

Le mot capital est donc ici le verbe « demeurer » : l’Esprit qui descend du ciel, demeure en Jésus. Ce verbe n’est pas un terme très médiatique dans un monde, qui exalte le changement et vit une perpétuelle course à la nouveauté. Si les romantiques du 19e siècle pleuraient sur le temps qui passe et aspiraient à la permanence de bonheurs trop fugitifs, aujourd’hui nous cherchons à oublier la fugacité du temps en courant plus vite que lui. La réalité pourtant est incontournable. Tout passe en ce monde. Il n’y a rien qui demeure. Face à un tel constat, la tentation est d’estimer que la vie humaine est destinée au néant. Il n’y aurait que des vérités transitoires et relatives, puisque seul en effet ce qui demeure pour toujours peut être absolument vrai. En ce sens, rien n’est vrai que Dieu seul. C’est ici que l’annonce évangélique ouvre une perspective nouvelle : celui qui est l’éternelle Parole du Père et qui vit en plénitude de son Esprit est venu faire sa demeure en ce monde : l’Esprit de Dieu lui-même demeure en lui de sorte qu’il nous le communique pour le salut de tous par sa mort et sa résurrection. En accueillant par la foi, l’Esprit du Ressuscité, le croyant devient lui-même la demeure de Dieu, le Temple de cet Amour qui est pour toujours.

Avons-nous conscience, frères et sœurs, de ce don inouï qui nous est fait dans le Christ ? Par notre baptême, nous sommes la demeure de Dieu. L’Esprit de Dieu nous est donné pour que son amour respire en nous et ouvre dès maintenant notre existence passagère à la communion éternelle avec lui. Rien n’est absolument vrai que cette demeure en nous de Dieu par son Esprit d’amour. Rien n’est absolument vrai dans nos vies que ce qui est habité par cette présence divine de l’Amour. Plutôt que de nous laisser entrainer dans le mouvement effréné de ce qui passe ou de désespérer d’une existence sans avenir, nous sommes appelés à demeurer en celui qui habite notre propre cœur. La Vérité de toute existence humaine, sa vérité absolue, celle qui ne passera pas, c’est d’être la demeure de Dieu. Face aux épreuves de la vie, à l’inquiétude de l’avenir, à nos misères ou à nos fragilités, à tous ces attachements qui nous rendent malheureux, jaloux ou vaniteux, nous sommes appelés à rejoindre en nous par la foi cet Amour qui demeure pour toujours. Pour vivre cela concrètement, il faut prendre conscience de ce mystère. Ce n’est pas difficile : une prière, un regard adressé à celui qui habite notre cœur suffit. Cela nécessite simplement de faire de temps en temps une pause, que ce soit la pause prolongée de notre prière quotidienne ou de brefs moments d’intériorisation vécu au milieu de nos occupations. En respirant profondément une parole, une invocation, le simple Nom de Jésus ou celui du Père, nous prenons conscience de cet amour qui demeure en nous afin de nous unir plus profondément à lui. C’est tout simple et cela change profondément notre manière de vivre, car nous donnons alors la première place non à ce que nous faisons, mais à cet Amour qui nous est gratuitement donné. En cette Eucharistie, frères et sœurs, nous célébrons le don du Père, son propre Fils qui se fait notre nourriture pour être l’Emmanuel, Dieu avec nous, présence en notre cœur de l’Amour qui demeure pour toujours.

Fr. Olivier-Marie, ocd - (couvent d’Avon)
Revenir en haut