Un Dieu présent dans nos faiblesses (Ho 4°dim. TO 30/01/22)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Jr 1, 4-5.17-19 ; Ps 70 (71) ; 1 Co 12, 31 – 13, 13 ; 1 Co 13, 4-13 ; Lc 4, 21-30

Le récit de la vocation de Jérémie ressemble étrangement à celui de la vocation de Moïse lors de l’épisode du Buisson ardent. Le Seigneur s’adresse à Moïse afin qu’il aille à l’encontre de Pharaon pour lui demander de laisser les Hébreux sortir et de lui offrir un culte. « Moïse dit à Dieu : qui suis-je, pour aller vers Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les enfants d’Israël ? Dieu dit : Je serai avec toi…" Puis Moïse se récuse par trois fois (Exode 3,11) De son côté Jérémie dit : " Je répondis : Ah ! Seigneur ! voici, je ne sais point parler, car je suis un enfant. Et le SEIGNEUR me dit : Ne dis pas : Je suis un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t’enverrai, et tu diras tout ce que je t’ordonnerai. Ne les crains point, car je suis avec toi pour te délivrer, dit le SEIGNEUR." (Jérémie 1,6)

A chaque fois le Seigneur assure sa présence et donne la paix, mais c’est une paix qui est reçue par delà tout effort humain, par delà toute compétence, par delà toute prétention de réussite et d’amour propre comblé. D’entendre des récits d’appel devrait nous réconforter, car nous ne sommes pas en meilleure situation dans le quotidien de nos vies. Vous allez me demander quel rapport y a-t-il entre ces prophètes et moi-même ? Mais c’est que nous aussi de par notre baptême sommes prophètes. Nous aussi sommes appelés à témoigner contre des pharaons de toute sorte, c’est-à-dire contre nos peurs. Et des peurs il y a des raisons d’en avoir aujourd’hui. Certes nous risquons peu le martyre dans nos contrées, mais nous avons parfois à affronter la dérision, le scepticisme. Et ces affrontements sont d’autant plus difficiles que nous-mêmes avons peut-être des doutes, ou que nous ne savons pas nous défendre, nous n’avons pas d’arguments assez forts pour convaincre, etc…

Mais s’agit-il de convaincre ? Est-ce que Moïse ou Jérémie vont être efficaces, est-ce qu’ils vont réussir dans leur mission ? Apparemment non ! Et cependant le Seigneur leur donne l’assurance d’être avec eux ! Dieu est avec eux ? Mais cela ne rend pas leur mission plus sure d’aboutir ! Et bien non ! Ce serait se tromper de Dieu et sur nous-mêmes. Nous recherchons l’efficacité technique fruit de la maîtrise et du savoir-faire, nous cherchons la réussite afin de nous glorifier des regards de nos semblables admiratifs. Nous avançons en fonction de l’audimat. Or notre vocation de baptisés ne fait pas de nous des hommes du show-business. Dans cet envoi, il y a en même temps un appel à l’abandon dans la confiance entre les mains du Seigneur, c’est-à-dire à une conversion de tout notre être. Rappelons-nous ce qu’éprouve St Paul dans la seconde épître aux Corinthiens : "Ma grâce te suffit, lui dit Dieu, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi." (2Co11,9)

C’est dire que si le prophète parle, c’est qu’il cherche la vérité, à être un témoin de la vérité et à la partager à l’assemblée. Il doit affronter sa propre peur et se défier même de ses compétences, s’il en a, afin que ce soit bien au nom de Dieu qu’il parle et non en son propre nom. C’est ce qui nous est montré aussi de Jésus dans la lecture d’aujourd’hui qui avec une certaine audace s’applique les paroles qu’il vient de lire et n’est cependant pas reconnu par ses compatriotes, ce qu’il leur reproche. La lettre de St Paul vient ajouter une touche important : cette annonce de la parole doit se faire dans la charité qui inclue l’humilité ente autre don. Ce qui est tout l’inverse de la rage de convaincre et d’avoir raison.

Ai-je plus raison que ce frère qui se prétend agnostique et qui fonde sa vie sur les relations humaines, suis-je plus charitable ? Le Seigneur par mon baptême ne fait pas de moi un conquérant, mais il m’appelle à témoigner simplement, et d’abord par ma vie plus que par mes paroles, d’un amour plus grand présent dans ma vie, d’un amour plus grand qui m’attend par delà l’horizon de cette vie. Le Seigneur attend simplement de moi que je sois porteur d’espérance dans ma vie quotidienne que j’assume en son amour. Oui des failles j’en ai, oui des limites j’en ai, des épreuves j’en traverse, non je n’ai pas toujours le sourire, mais plus loin que tout cela un amour m’attend et c’est énorme, c’est gigantesque d’ouverture et d’espérance.

Le Seigneur, comme la petite Bernadette à Lourdes, me demande de témoigner de cet amour-là qui transfigure ma vie, mais il ne me demande pas de convaincre. Point n’est besoin de clamer bien haut ou de se justifier, mais plutôt d’affirmer le sens que cela dégage ou ouvre en mon cœur et pour le monde. Il y a une espérance à retrouver en nous et à cultiver, c’est celle non pas de nos actes qui parfois parlent contre nous, mais d’un horizon ouvert en nos vies, celle d’un amour qui nous attend plus loin que nos faiblesses, plus loin que notre mort. Être prophète aujourd’hui c’est témoigner d’une espérance dans ce monde où elle est annihilée, étouffée. Point n’est besoin de crier cela bien haut, mais de le vivre et de se donner les moyens de le vivre.

Fr. Yannick Bonhomme, ocd - (couvent d’Avon)
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