Vigiles pascale 2011

La liturgie de la vigile pascale met en œuvre de nombreux symboles pour célébrer le Mystère de la mort et de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ avec comme axe essentiel le passage des ténèbres à la lumière. Les sept lectures bibliques de l’Ancien Testament, l’épître et l’Évangile reviennent souvent, d’une manière ou d’une autre, sur ce thème de la lutte et de la victoire de la lumière sur les ténèbres au cœur de la nuit et dont la résurrection de Jésus est pour ainsi dire l’acte final. Tout au long de l’histoire, l’œuvre d’Amour du Père consistera à nous rendre participants à la lumière divine.

Tout d’abord, dès l’origine, alors que les ténèbres recouvrent un monde encore informe et vide, le première acte créateur de dieu est celui de la lumière. « Dieu dit : ‘Que la lumière soit’. Et la lumière fut » (Gn 1, 3). Une explosion de lumière déchira la première nuit, la nuit de la création. L’Apôtre Jean écrira : « Dieu est lumière, il n’y a pas de ténèbres en lui » (1 Jn, 1, 5). Dieu n’a pas créé les ténèbres, mais la lumière. Le livre de la Sagesse précisera ainsi le dessein bienveillant du Père sur toute la création : « Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent ; ce qui naît dans le monde est bienfaisant, et l’on n’y trouve pas le poison qui fait mourir. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre » (Sg 1, 14).

C’est dans cette première nuit, la nuit de la création, que le mystère pascal plonge ses racines. Après le drame de la rupture de l’alliance, la résurrection de Jésus constitue la restauration et le couronnement de ce premier commencement. La parole divine a appelé toutes choses à l’existence et, en Jésus, elle s’est faite chair pour nous sauver. Et si la destinée d’Adam fut de retourner à la terre dont il avait été tiré (cf. Gn 3, 19), le dernier Adam est descendu du ciel pour y remonter vainqueur, prémices de l’humanité nouvelle. Une seconde nuit, la nuit de l’Exode, marque l’histoire de l’alliance du Seigneur avec son peuple choisi, c’est l’événement fondateur dans l’histoire d’Israël de la sortie d’Égypte. « Le Seigneur chassa la mer toute la nuit par un fort vent d’est, et il mit la mer à sec. Les eaux se fendirent, et les fils d’Israël pénétrèrent dans la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche » (Ex 14, 21-22). Le peuple de Dieu est né de ce « baptême » dans la Mer Rouge, lorsqu’il fit l’expérience de la main puissante du Seigneur, qui le tirait de l’esclavage pour le conduire à la terre désirée de la liberté, de la justice et de la paix.

La prophétie du Livre de l’Exode s’accomplit aussi aujourd’hui pour nous qui sommes des israélites selon l’Esprit, descendance d’Abraham grâce à la foi (cf. Rm 4, 16). Dans sa Pâques, comme nouveau Moïse, le Christ nous a fait passer de l’esclavage du péché à la liberté des fils de Dieu. Morts avec Jésus, avec Lui nous ressuscitons à une vie nouvelle, grâce à la puissance de son Esprit, comme nous le disait Paul dans l’épître aux Romains.

La troisième nuit, la nuit de la Résurrection, vient couronner et achever ces deux nuits fondatrices de la création et de l’exode. Tout d’abord, dans la grâce du Christ, nous sommes restaurés selon le dessein initial du Père : « En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ » (Ep 1, 4-5). Nouvelle création, Paul nous invite à vivre alors en homme vraiment libre, et donc d’abord de nous affranchir du péché qui ronge notre cœur et déforme la création nouvelle. « L’homme ancien, qui est en nous, a été fixé à la croix avec le Christ pour que cet être de péché soit réduit à l’impuissance, et qu’ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché. (…) Pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus-Christ. » (Rm 6, 6.11)

Après la nuit tragique du Vendredi saint, où la « domination des ténèbres » (Lc 22, 53) semblait l’emporter sur Celui qui est la lumière du monde (Jn 8, 12), après le grand silence du Samedi saint, où le Christ, ayant accompli son œuvre sur la terre, trouva son repos dans le mystère du Père et porta son message de vie dans les profondeurs de la mort, voici enfin et, finalement la véritable nuit de la création et de la libération. « Nuit bienheureuse, toi seule as pu connaître le temps et l’heure où le Christ est ressuscité des morts, (…) Ô nuit vraiment glorieuse, nuit où le ciel s’unit la terre, où l’homme rencontre son Créateur ! » (Exultet).

En faisant mémoire de ces trois nuits où l’amour de Dieu a pu faire jaillir la lumière de la vie et de la libération, la parole de Jésus au jour de sa résurrection retentit de manière particulière : « Soyez sans crainte ! » Le Seigneur notre Dieu a démontré au cours de l’histoire la force de son amour créateur et sauveur, et il veut se manifester ainsi dans nos vies. Nous ne pouvons oublier en cette nuit les ténèbres de notre cœur, avec notre misère et nos péchés, ni les ténèbres de notre monde, avec ses crises et ses pleurs, mais nous reprenons confiance en faisant mémoire et célébrant la victoire du Seigneur sur la mort, et nous nous engageons pour ce combat de purification et de libération pour nous-mêmes et nos frères. « N’ayez pas peur », c’était aussi sur ces mots que Jean-Paul II inaugurait son pontificat, sachant bien que « c’est la confiance, et rien que la confiance qui nous conduit à l’amour » (Ste Thérèse de l’E.-J., LT 197).

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