Homélie 29° Dim. TO : qu’allons-nous demander ?

donnée au couvent d’Avon

Dimanche 18 octobre 2015 - 29° dimanche du Temps ordinaire

Textes liturgiques : Is 53,10-11 ; Ps 82 ; He 4,14-16 ; Mc 10,35-45

Je comprends la réaction des autres disciples face à l’exigence de Jacques et de Jean : leur donner de siéger l’un à la droite de Jésus et l’autre à sa gauche. Comme on dirait facilement aujourd’hui : « Ils ne sont pas gonflés les deux frères ! Réclamer deux fauteuils en première classe au ciel, faut pas pousser ! Et nous ! Qu’est-ce qui nous reste… » Eternel jeu de l’humanité. « Pousse-toi que je m’y mette ! Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir ! »… et nous pourrions continuer la liste…. Ainsi va le monde dans sa recherche d’un passe-droit permanent, de faveurs en tout genre…Mais passé ce constat, que retenons-nous de cette séquence de l’évangile de St Marc ? Creusons un peu plus et ne restons pas sur des impressions.

Car la réponse de Jésus « Vous ne savez pas ce que vous demandez » va au-delà du simple constat, voire de l’agacement de Jésus. Mesurons-nous l’audace de nos demandes, parfois ? Serions-nous capables d’ajuster nos demandes avec ce que nous pouvons offrir en retour ? Certes il faut oser la confiance en Dieu et demander. Ne pas craindre d’exprimer ce que notre cœur ressent. L’évangile nous y invite. Mais de quel Dieu sommes-nous les enfants ? Que retenons-nous de la fréquentation des évangiles ? Le Dieu qui nous rassemble ce dimanche, n’est pas une puissance quelconque. Son Fils Jésus n’a pas choisi n’importe quel chemin de vie, de service. Il s’est fait serviteur de tous. Il a choisi de prendre l’habit d’esclave, et le dernier signe offert à ses disciples avant son arrestation a été le signe de celui qui lave les pieds. Lui, le Maître et le Seigneur s’est agenouillé aux pieds de ses disciples, avant de s’allonger sur la croix.

Ce chemin choisi par Jésus nous est alors proposé. Loin de toute faveur, loin de toute domination, de prérogatives de tout genre, il s’est fait l’humble serviteur. Et cette condition d’un Dieu pauvre nous est proposée à nous qui sommes chargés de l’annoncer. Au terme de cette semaine missionnaire, nous sommes les héritiers de cette attitude, mieux nous sommes marqués par ce signe à l’encre indélébile depuis notre baptême et nous ne pouvons pas choisir Dieu ou le refuser, sinon nous refusons de suivre Jésus de Nazareth, et nous nous fabriquons un dieu à portée de mains, utilisable selon notre bon vouloir.

Aussi Jésus va-t-il proposer à Jacques et à Jean, et aux autres disciples, d’hier et d’aujourd’hui, tout un chemin de conversion. Est-ce bien à lui qu’ils désirent s’attacher vraiment ? Est-ce bien sa présence qu’ils désirent ? Ou bien est-ce plutôt à l’avantage qu’ils supposent tirer de la fréquentation du rabbi de Nazareth ? La vie de Jésus les interroge-t-elle ? Car demeurer avec Jésus, cela signifie d’abord partager la même coupe et recevoir le même baptême.

Jésus réagit à leur demande : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». Jacques et Jean s’étaient-ils rendu compte de ce qu’ils avaient demandé ? Avaient-ils vraiment mesuré les conséquences de leur engagement à la suite de Jésus ? Pour les deux disciples désormais, l’exubérance et l’adulation des foules n’auraient plus jamais le même parfum enivrant. Ils pressentent que Dieu n’était pas du côté qu’ils auraient naturellement choisi, celui des vainqueurs et des puissants.

C’est bien ce que Jésus va essayer de révéler « aux dix autres » qui continuaient de s’indigner. Si « le Fils de l’homme » est bien le plus grand, il ne l’est pas à la manière des grands de ce monde. La grandeur de Dieu n’attend rien de la reconnaissance des hommes. Elle n’attend rien des succès et de l’approbation des foules, mais elle se donne. Elle n’a pas besoin du service des hommes, mais elle se met à genoux devant eux pour les servir. Et si Dieu s’est abaissé jusque-là, c’est afin que, nous aussi, nous fassions de même. Jésus rappelle ceci : aux yeux de Dieu la fécondité de notre vie ne se mesure pas à l’enthousiasme des foules que nous pourrions rassembler. Elle ne se vérifie pas non plus à la force des applaudissements et de l’approbation des hommes, mais elle se manifeste plutôt dans cet humble amour qui, en perdant sa vie, évoque quelques chose de l’humble grandeur de notre Dieu.

Regardons ce qui se passe aujourd’hui à Rome, c’est un exemple de cette volonté de laisser Dieu imprimer sur des êtres, en l’occurrence une famille animée par un couple, des traces de sa vie qui marqueront aussi les enfants. En ce moment, le Pape François canonise un couple, Louis et Zélie Martin, les parents de St Thérèse de l’Enfant Jésus, premier couple à être reconnu saint ensemble. Mais que de souffrances dans cette famille : la mort de 4 enfants, la maladie de l’épouse, le problème psychique de M. Martin à la fin de sa vie. Si l’argent ne manquait pas, les épreuves non plus. Et cette famille sainte vient redire haut et fort à toutes les familles : « Familles, Dieu vous aime. Il en a choisi une pour son Fils Bien-Aimé ».

C’est ce que le synode veut redire à tous. Malgré les épreuves, les tentations du monde, les lois qui mettent en péril la famille, cette fête d’Eglise nous invite à ne jamais désespérer de la famille, de nos familles. Elles sont lieu d’Eglise, de vie donnée et offerte à travers joies et souffrances. Accueillons la question de Jésus adressée aux disciples : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? ». Qu’allons-nous demander ? Un succès facile ou la joie de vivre à la lumière de l’Evangile. A chacun d’oser sa demande. Jésus écoute, et même si notre demande est maladroite, Il saura la corriger, car sa miséricorde et son amour n’ont pas de limites.

fr. Didier-Joseph, ocd (Couvent d’Avon)
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