Homélie d’Avon : Sainte Thérèse d’Avila

THÉRÈSE D’AVILA ET LES PRÊTRES

Frères et sœurs,

En cette “année sacerdotale”, je vous propose de regarder la vie et l’enseignement de Notre Mère Sainte Thérèse de Jésus sous l’angle du ministère sacerdotal.

Par l’histoire, nous savons que Teresa de Cepeda y Ahumada avait un oncle prêtre, bien qu’elle n’en parle jamais dans ses écrits. Nous ne savons pas si des prêtres fréquentaient habituellement la maison de don Alonso et de doña Beatriz.

Elle a lu ce que nous pourrions appeler un “traité de spiritualité sacerdotale”. En effet, en 1533, de passage chez son oncle Pedro, à Hortigosa, elle lit les épîtres de saint Jérôme. (V 3, 7) Or, le traducteur, Juan de Molina, a organisé les lettres de Jérôme en diverses catégories : état érémitique, état virginal, état ecclésiastique… Les idées de Thérèse sur les prêtres s’enracinent en partie dans ces lettres de Jérôme et dans le texte de saint Augustin qui était inclus dans cette section des “lettres à l’état ecclésiastique”.

Je ne vais pas évoquer les divers prêtres séculiers ou réguliers que Thérèse a rencontrés dans sa vie. Il faudrait y consacrer un cycle de conférences. Mais nous pouvons tout de même noter qu’elle a toujours eu le souci de s’en remettre à des prêtres pour savoir si le chemin qu’elle suivait était bien sous l’inspiration de l’Esprit Saint, si cela venait de Dieu. « Elle désira donc s’entretenir avec quelques grands théologiens, même s’ils ne pratiquaient pas beaucoup l’oraison. Tout son désir étant de savoir si les choses qui se passaient en elle étaient conformes à l’Écriture Sainte. » (R 4, 7)

Le premier prêtre évoqué de manière anonyme dans ses écrits est le prêtre de Becedas., lieu où Thérèse est allée se faire soigner. Il mène une double vie et entretient des relations coupables avec une femme du village. Thérèse écrit : « il m’inspira une pitié profonde. » (V 5, 4) Grâce à l’amitié que lui témoigne Thérèse, il peut rompre cette relation. Il meurt un an plus tard et Thérèse écrit : « Dans cet intervalle, il s’était beaucoup donné au service de Dieu. » (V 5, 6) D’ailleurs, aujourd’hui encore, dans le village de Becedas, il y a une fête particulière, appelé “Thérèse d’Août” au cours de laquelle on vénère en Thérèse, celle qui “rend saint les prêtres”. Nous verrons que cette expression populaire fait écho à l’enseignement de la Madre.

À la fin de la Vida, Thérèse évoque un prêtre qui est en état de péché mortel. Elle voit les démons tenir sa gorge entre leurs cornes durant la célébration de l’Eucharistie et elle conclut en disant : « Notre Seigneur me dit de prier pour elle (l’âme de ce prêtre) » (V 38, 23)

Thérèse se fait une certaine idée du prêtre. Il appartient à ses yeux à une “classe sociale” qui le place au-dessus du peuple et de la noblesse.

Le prêtre pour Thérèse doit d’abord être un lettré, un homme instruit. Sinon, il peut faire plus de mal que de bien. À propos du prêtre de Becedas, elle indique : « Je le choisis pour confesseur, car j’ai toujours aimé les gens instruits. Et cependant des confesseurs d’un médiocre savoir m’ont fait bien du tort. Par la suite l’expérience m’a montré que lorsque les confesseurs sont vertueux et de bonne vie, il vaut mieux encore qu’ils n’aient aucune instruction que d’en avoir une médiocre, parce qu’alors ils s’informent auprès des hommes de doctrine et ne se fient pas à leurs propres lumières. » (V 5, 3)

Elle fera allusion à l’instruction ou à la science de Jean de la Croix : « J’apprécierais beaucoup d’avoir ici mon père, le frère Jean de la Croix […] c’est un grand spirituel, un homme de grande science et de grande expérience. » (LT 277, de décembre 1578, à Anne de Jésus)

Ou à celle de Jérôme Gratien : « Je reçus la visite d’un de nos pères carmes déchaussés. C’est un homme de grand savoir, intelligent et modeste, dont toute la vie a été ornée de rares vertus. » (F 23, 1)

Elle souhaite que les implantations des frères se fassent dans les villes universitaires. Elle écrit : « Mon désir en effet était qu’il entre des hommes de talent… » (LT 161, 5) Elle souhaite que ses filles puissent s’entretenir avec des prêtres instruits : « Qu’elles puissent s’entretenir de temps en temps avec des hommes instruits et traiter avec eux des choses de leur âme, surtout si leurs confesseurs ont peu de savoir, si vertueux soient-ils d’ailleurs. Le savoir est précieux pour donner la lumière en tout. Aussi bien n’est-il pas impossible de trouver chez quelques-uns la science et la vertu réunies. » (C 5, 2)

Toutefois, à ses yeux, l’instruction ne fait pas tout, il faut aussi acquérir une expérience : « En effet pour instruit qu’il puisse être, s’il n’a pas l’expérience de ces sortes de choses, il ne sera pas à même d’en faire le discernement. » (F 8, 8)

A propos du Père Pedro Ibañez, elle écrit : « S’il me rassurait et me consolait auparavant par les lumières de la science, dans la suite, il le fit en outre par l’expérience des voies de l’esprit. » (V 33, 6)

Aux yeux de Thérèse, le prêtre est responsable de la Parole de Dieu. Il est responsable d’une certaine manière des âmes dont il reçoit la charge. Et cela l’oblige à la sainteté. Elle écrit, après cette terrible vision d’un prêtre sacrilège : « Je compris combien les prêtres sont plus contraints que les autres à la vertu, à quel point il est terrible de recevoir indignement ce sacrement très saint. » (V 38, 23)

Dans l’image guerrière du château assiégé, que Thérèse utilise au début de Chemin de perfection, les prêtres ont la responsabilité de l’exemplarité et du commandement : « La demande que nous devons adresser à Dieu, c’est qu’il rende éminents dans son service les capitaines de cette citadelle, je veux dire les prédicateurs et les théologiens et qu’il leur fasse atteindre la perfection propre à leur état. » (C 3, 2)

Elles exhortent ses filles à prier pour les prêtres et se faisant, elle établit une physionomie du prêtre apôtre : « C’est à eux de fortifier les faibles et d’encourager les forts. La belle situation que celle de soldats sans capitaines. » (C 3, 3) Elle poursuit quelques lignes plus loin : « Il faut qu’ils vivent parmi les hommes, qu’ils conversent avec les hommes, que parfois même, extérieurement, ils prennent leurs façons de faire. Pensez-vous, mes filles, qu’il faille peu de vertu pour traiter avec le monde, pour vivre dans le monde, pour s’occuper des affaires du monde, pour se prêter comme je viens de le dire aux usages du monde et pour être, en même temps, intérieurement étranger au monde, pour vivre ici-bas en exilé, en un mot, pour être non des hommes mais des anges ? En effet, s’ils ne sont pas ainsi, ils ne méritent pas le nom de capitaines. » (C 3, 3)

Pour Thérèse, le ministère des prêtres n’aura de l’efficacité que s’ils ont au cœur « l’inébranlable conviction qu’il leur importe souverainement de fouler aux pieds tout ce qui est de la terre, de vivre détachés des choses périssables pour ne s’attacher qu’aux choses éternelles. » (C 3, 4) Thérèse exige du prêtre cette qualité particulière de la sainteté car elle est convaincue : « qu’un seul homme parfait fera plus qu’un grand nombre d’autres qui ne le seront pas. » (C 3, 5)

Dans une Relation, de 1563, elle avait déjà écrit : « Je désire avec une ardeur plus grande encore qu’à l’ordinaire voir au service de Dieu des personnes dégagées de tout et qui ne s’arrêtent à rien des choses d’ici-bas, puisque tout y est comédie, et ce désir regarde surtout les hommes doctes. Quant aux grandes nécessités de l’Église, elles me causent une telle douleur, que s’affliger d’autre chose, à mes yeux, c’est se moquer. Aussi, je ne cesse de recommander à Dieu ces hommes de grand savoir, car je vois très bien qu’un seul d’entre eux, entièrement parfait et embrasé de l’amour divin, fera plus de bien qu’un grand nombre d’autres vivant dans la tiédeur. » (R 3, 7)

Que par la grâce de Dieu et l’intercession de Notre Mère Sainte Thérèse de Jésus, il nous soit donné d’être comme elle embrasés de cet amour divin. Rendons grâce avec elle, pour le ministère des prêtres, qui nous donne, par les sacrements, la vie divine en partage. Prions pour les prêtres, afin qu’ils deviennent des Saints.

Amen.

Fr. Didier-Marie Golay, ocd

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