Homélie dim.30° TO : Aimer son prochain ? Aimer Dieu ?

Textes liturgiques (année A) : Ex 22, 20-26 ; Ps 17, 2a ; 1 Th 1, 5c-10 ; Mt 22, 34-40

Qu’avons-nous à faire de cette discussion entre Jésus et les pharisiens ? Ils n’interviennent que pour montrer leur supériorité sur leur rivaux, les sadducéens, et pour tendre un piège à Jésus en lui posant une question très discutée à l’époque entre les juifs. « Dans la loi, quel est le grand commandement ? » Certes la loi comprenant plusieurs centaines de commandements, il pouvait être important pour les juifs de mettre de l’ordre dans toutes ces prescriptions. Mais que nous importe cette mise en ordre à notre époque ?

A vrai dire, la question pouvait être entendue avec la signification suivante : quel est l’essentiel dans la loi de Moïse, quelle est l’exigence capitale ? La réponse de Jésus prend alors de l’importance. Il ne se réfère pas au grand texte du Décalogue qui rapporte les dix paroles données par Dieu à Moïse, comme autant de commandements. Il choisit deux versets de l’Ecriture, pris dans deux livres différents de la loi, l’un dans le Deutéronome, l’autre dans le livre du Lévitique. Ils n’ont qu’un seul mot commun : tu aimeras. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit », cette énumération signifie simplement « de tout ton être ». L’amour du Seigneur doit être total et mobiliser toute ta personne. « Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable », c’est-à-dire, il a la même valeur : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », l’expression « comme toi-même est pratiquement équivalente à celle du commandement de l’amour de Dieu : l’amour du prochain doit mobiliser toute la personne.

Ainsi aimer le prochain est aussi important qu’aimer Dieu, pourvu que ce soit de tout son être. Jésus ajoute : « De ces deux commandements dépend toute la loi ainsi que les prophètes. » Jésus n’invente rien mais il donne une interprétation personnelle essentielle en déclarant que c’est l’amour de Dieu et des hommes qui donne sens à toutes les ordonnances de la loi, y compris aux commandements du Décalogue.

Aimer Dieu et aimer le prochain, dans le meilleur de nous-mêmes, n’est-ce pas ce que nous désirons ? Nous pressentons que la vie est là, tant l’amour évoque pour nous joie et bonheur. A cette conviction innée se joint toutefois une question : « Qu’est-ce que c’est qu’aimer ? » Et j’hésite : est-ce que j’aime Dieu, au moins est-ce que je veux l’aimer, et c’est déjà bien, mais est-ce que je l’aime vraiment ? Qu’est-ce qu’aimer Dieu, et qu’est-ce qu’aimer le prochain ? La question est complexe et peut donner lieu à de nombreuses réflexions. Que mettre sous le mot amour ? Dans le Nouveau testament, trois mots grecs différents peuvent être traduits par amour, avec des sens différents. Pourtant, en tant que disciples de Jésus, nous disposons d’une lumière pour nous orienter. Si nous voulons savoir ce que c’est qu’aimer Dieu et le prochain, regardons le Christ. Il a aimé parfaitement, son Père et nous, les humains. En lui est révélé l’amour auquel il nous appelle. Pour Jésus, aimer Dieu c’est très clair : c’est vouloir ce que veut le Père, c’est conformer sa volonté à celle du Père et agir en ce sens. Il l’a dit une fois : il faut que le monde sache que j’aime le Père et que je fais tout ce qu’il me commande. Ce qui est frappant dans cette déclaration, c’est que Jésus ne se réfère pas au sentiment, à l’affection qu’ll ne récuse pas pour autant. Il désigne ce qui est la racine de l’amour : le décentrement de soi pour se tourner vers l’autre et le préférer à soi. En Jésus tout se résume en quelques affirmations : le Père lui-même m’aime, j’aime le Père ; ma nourriture c’est de faire sa volonté. Tel est le visage du véritable amour.

Comment ne pas ne pas marquer une distance par rapport à ce visage ? Le Christ a aimé ainsi, en tant que Fils de Dieu fait homme, sur lequel reposait la puissance de l’Esprit Saint, mais nous, qui sommes certes aimés de Dieu mais aussi êtres faibles et pécheurs, comme nous l’expérimentons chaque jour, pouvons-nous aimer vraiment ?

Prêtons attention à ce que nous avons entendu dans la première lecture. Saint Paul déclarait à la jeune communauté de Thessalonique : « vous nous avez imités, nous et le Seigneur en accueillant la parole au milieu de bien des épreuves, avec la joie de l’Esprit Saint… Et la nouvelle de votre foi en Dieu s’est répandue ». Foi en Dieu et joie de l’Esprit Saint. Croyants, baptisés, l’Esprit Saint nous a été donné, il est l’Esprit d’amour qui verse en nos cœurs une capacité d’aimer, une capacité divine.

Plus nous choisissons de croire en Jésus, qui habite notre cœur, plus nous croyons en sa présence et au don de l’Esprit, plus nous pouvons grandir dans l’amour de Dieu et des êtres humains, à commencer par les plus défavorisés : la veuve, l’orphelin, l’étranger. Nous sommes équipés pour aimer de plus en plus avec Jésus et en Lui. Que le Seigneur soit béni. Faisons tout ce que nous pouvons, en persévérant dans l’effort pour faire avec amour la volonté du Père et pour nous donner aux autres. Et comme des pauvres qui font confiance, présentons au Seigneur cette prière que l’Eglise a mise sur nos lèvres au début de cette Eucharistie. « Seigneur augmente en nous la foi, l’espérance et la charité. »

fr. Dominique Sterckx - (Couvent de Paris)
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