Homélie 13° dim. TO : Accueillir Dieu

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année A) : 2 R 4, 8-11.14-16a ; Ps 88 (89) ;Rm 6, 3-4.8-11 ; Mt 10, 37-42

Les textes de ce dimanche nous invitent à porter notre méditation sur la thématique de l’accueil. On peut, à ce titre, noter trois niveaux d’accueil. Nous avons, en premier lieu, l’accueil de l’humain par Dieu. Cet accueil est fortement souligné par Saint Paul dans la deuxième lecture. Il s’agit d’un accueil qui s’exprime dans l’acte du baptême. Le baptême, en tant que don d’une vie nouvelle, est un lieu d’excellence où l’hospitalité de Dieu à notre endroit se rend manifeste. C’est le lieu où la parabole du Père miséricordieux prend un sens particulier (Lc 15, 11-32). Comme le Père miséricordieux, Dieu accueille chacun de nous sans être intimidé par l’état dans lequel nous nous trouvons. Il exprime son accueil par cette purification qu’opère en nous l’eau baptismale en nous faisant entrer dans l’intimité de son être afin de nous permettre d’avoir un regard nouveau sur le monde, sur les réalités qui nous entourent et surtout afin d’être, à notre tour, disposés à accueillir Dieu.

En nous accueillant, Dieu voudrait aussi se laisser accueillir. C’est en cela que réside le deuxième niveau d’accueil : l’accueil de Dieu par les humains que nous sommes. La grâce baptismale est telle que, dans le Christ, nous pouvons nous aussi, dans notre fragilité, accueillir Dieu. Mais accueillir Dieu fait appel à un choix, à une détermination de la volonté qui se veut radicale : «  Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10,37). Nous sommes tous d’accord que la radicalité dont il est ici question doit être comprise dans un sens positif. En effet, c’est en Dieu que l’amour est non seulement possible, mais prend aussi son sens le plus significatif. Est-il véritablement possible d’aimer jusqu’au bout si l’amour ne puise ses racines en Dieu ?

«  Comme je vous ai aimé, aimez-vous les uns les autres » (Jn 15,12). Forts de cette parole, nous comprenons que la capacité humaine à accueillir doit rester consciente qu’en dehors de Dieu, la volonté humaine, tout en étant déterminée, reste limitée. «  Je suis la vigne et vous les sarments, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire  » (Jn 15,5). Aimer Dieu plus que toute chose, c’est donc tout simplement accueillir Dieu dans notre vie afin que, de cet accueil, s’organisent les actions et les pensées de nos cœurs. Une telle manière d’accueillir Dieu, en même temps qu’elle est radicale, passe aussi par une ouverture à la Croix. Si la Croix du Christ s’est révélée à nous comme le lieu par excellence de son obéissance à Dieu, nos différentes croix quotidiennes loin de creuser un écart entre Dieu et nous, peuvent être pour nous le lieu d’un abandon et d’une disposition d’accueil à ce Dieu qui, en chaque situation que nous vivons, a toujours quelque chose à nous dire. Dans la personne de Jésus, les évènements qui souvent nous crucifient peuvent aussi nous disposer à un accueil qui se manifeste par l’écoute de cette voix divine qui murmure au-dedans de nous.

Cette disposition de l’homme à accueillir Dieu dans toutes les circonstances de la vie ne peut que nous ouvrir au troisième niveau d’accueil sur lequel les textes nous invitent à porter notre méditation ; il s’agit de l’accueil de nos semblables. Accueillir Dieu, c’est nécessairement s’ouvrir à accueillir les autres. Qui sont ces autres ? L’Évangile souligne trois catégories de personnes : le prophète, le juste et le petit. Il s’agit d’accueillir le prophète en sa qualité de serviteur de la Parole, le juste en sa qualité d’homme de bonne volonté et le petit qu’il est possible de comprendre comme tout être humain du fait de sa qualité d’être créé à l’image de Dieu. La multitude des hommes est ici représentée par ces trois catégories. C’est donc tout homme qu’il faut accueillir au nom de Dieu. Ce qui est important dans ces textes, c’est que cet accueil biblique n’est pas d’abord de l’ordre de l’avoir, mais de l’ordre de l’être. Comme on le voit dans la première lecture, la volonté du couple d’accueillir le prophète Élisée s’exprime d’abord dans la disposition de ce couple à percevoir et à écouter. «  Écoute, dit la femme à son mari, je sais que celui qui s’arrête chez nous est un saint homme » (2R 4,9). Percevoir et écouter ! Ce sont là les deux premières dispositions dans l’accueil de l’autre. Ces deux dispositions nous ouvrent à l’autre et à l’accueillir même si son histoire paraît ennuyeuse aux premiers abords. C’est certainement de la disposition à le percevoir et de la détermination à l’écouter que jailliront, pour chacun des protagonistes, les lumières jusque-là restées cachées.

Cette écoute qui jaillit du fond de l’être peut aussi se conjuguer avec l’avoir. À ce titre, ce qu’il faut remarquer, c’est qu’en ce qui concerne l’aide matérielle, Jésus ne demande pas grande chose pour s’ouvrir à l’accueil. « Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits… ne perdra pas sa récompense  » (Mt 10,42). Un simple verre d’eau. L’accueil trouve son sens tout simplement dans la joie de partager. C’est la joie de partager qui donne toute sa valeur au simple verre d’eau que nous offrons aux autres. C’est cette joie qui confère à nos dons, aussi minimes soient-ils, leur qualité et leur beauté. Nous sommes par ce fait invités à ne jamais sous-estimer notre capacité à offrir notre accueil et à contribuer à rendre de plus en plus merveilleuses nos relations. Disons merci à Dieu pour toutes ces personnes qui, en nous ouvrant la porte de leur cœur, ont contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui et ce que nous sommes appelés à être demain, et demandons à Dieu la grâce d’être, nous aussi, des foyers d’accueil et une chance pour les cœurs assoiffés d’amour. Amen.

fr. Elisé Alloko - (Couvent de Paris)
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