Homélie 1er dimanche de Carême : La Parole libre, vraie et aimante.

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année A) : Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7a ; Ps 50 (51) ; Rm 5, 12-19 ; Mt 4, 1-11

La tentation, c’est la parole pervertie, mensongère, la déconstruction de l’humain. La menace du non-sens et de la mort fait suite immédiatement au baptême de Jésus. Cela a lieu dans le désert où Jésus est conduit par l’Esprit. Pour comprendre cette étrange initiative de l’Esprit, il faut nous rappeler le verset qui précède immédiatement notre texte : « Et des cieux une voix disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui, j’ai mis tout mon amour. » Jésus, rempli de l’Esprit Saint, a entendu son Père lui dire l’amour infini qu’il lui porte. Mais Jésus ne répond rien à la communication de cet amour unique du Père, comme s’il devait laisser cette parole descendre dans les profondeurs de son être. Parole divine si radicale qu’elle plonge dans le silence, silence où s’invitent d’autres paroles contraires…

Ce seraient des paroles du type : ‘si je suis Fils de Dieu, qui m’empêche de changer ces pierres en pain et d’assurer ma sécurité matérielle ?’ ; ‘si je suis Fils de Dieu, qui m’empêche de braver une mort qui n’aura sur moi aucun pouvoir ?’ ; ‘si je suis Fils de Dieu qui m’empêche de saisir la toute-puissance terrestre qui s’offre à mon regard ?’ Moment d’angoisse et de tentation bien humain… Il fallait que Jésus assume notre humanité jusque-là. Il fallait que ces tentations surgissent pour que Jésus réponde au Père en pleine liberté.

Le Christ ouvre pour nous le chemin de la liberté filiale en se fondant sur la Parole du Père. A trois reprises, il traverse la tentation en proclamant un verset du livre du Deutéronome, car la Parole divine est véridique et sans mensonge. Avec ces trois citations de la Parole, Jésus se fonde sur la Loi de vie et la promesse de salut transmises à Israël. Ainsi, au désert, Jésus a assumé son humanité à travers une parole libre, vraie et aimante  : parole libre en présence de Dieu parce qu’il a refusé l’idolâtrie ; parole vraie au regard de lui-même, car il assumé la précarité de sa condition humaine ; parole aimante envers autrui, car il a renoncé à toute forme de relation fondée sur le pouvoir. Jésus peut à présent annoncer la parole qui libère et humanise, l’Evangile !

Nous aussi, l’Esprit nous pousse au désert afin que nous naissions à la Parole pure de toute idolâtrie, de tout mensonge et de toute volonté de puissance. En ce temps de conversion, interrogeons-nous sur la qualité de notre parole. Que la grâce de ce temps de pénitence nous convertisse à une parole libre, vraie et aimante, c’est-à-dire humaine à l’image de Jésus, Parole éternelle du Père.

fr. Olivier-Marie Rousseau - (Couvent de Paris)
Revenir en haut