Homélie de Ste Marie, Mère de Dieu : être libre

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année A) : Nb 6, 22-27 ; Ps 66 (67) ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2,16-21

Il y a le temps de la nature et le temps de la grâce. Il y a le cycle des astres, des jours, des mois et des années et le temps de Dieu qui en brise la tranquille évidence. Il y a le temps de la naissance, de la croissance et de la mort et aussi celui de l’éternité jaillissant du sein de la terre. Il y a le temps des hommes et le temps de Dieu assumant en notre histoire toute vie humaine.

Huit jours après Noël, nous célébrons avec Marie, Mère de Dieu, l’entrée dans une année nouvelle. La foi en la naissance du Verbe de Dieu en notre chair inscrit ce temps qui vient dans l’histoire du salut. Auprès de cette mère contemplant l’enfant de la crèche aux côtés de Joseph, nous méditons et gardons en notre cœur le témoignage des bergers. Notre vie ne cesse ainsi d’être renouvelée par la naissance de Dieu en notre humanité. Le temps poursuit son cours, mais vécu dans la foi, il porte notre existence entière vers son accomplissement en Dieu. Aucun de nos commencements n’est perdu. Dieu vient éclairer notre mémoire de sa grâce, de son pardon, de sa confiance pour conduire notre aujourd’hui vers de nouveaux commencements.

A la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils afin que nous puissions accueillir d’un cœur libre le don de sa vie divine. Il fait de nous ses héritiers pour accomplir notre existence dans la liberté des enfants de Dieu. Être libre, c’est pouvoir s’engager tout entier dans la vie en choisissant de la vivre. Être libre, c’est être capable d’une totale confiance en la bonté de Dieu qui nous appelle à vivre. Être libre, c’est orienter résolument notre existence passée vers l’avenir promis par l’espérance. Être libre, c’est pouvoir aimer de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces et de tout son esprit en celui qui nous aime ainsi depuis toujours et pour toujours. « Que le Seigneur te bénisse et te garde, lui qui t’aime et que tu veux aimer. Que le Seigneur te montre son sourire, qu’il te prenne en sa grâce, lui qui t’est plus intime que l’intime de toi-même. Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! »

Ainsi Dieu nous adresse-t-il lui-même ses vœux à travers cette Parole venue de la profondeur des âges, accomplie à la plénitude des temps et ouverte à l’avenir de la promesse. La bénédiction divine nous est adressée aujourd’hui par la naissance du Fils en notre humanité : un Sauveur nous est né dans la ville de David ! Dieu nous adresse ses vœux, non par des mots, mais en nous confiant son Fils. La naissance historique de Jésus dans le sein de la Vierge réalise en notre chair son engendrement éternel dans le sein du Père. La filiation humaine de Jésus est l’expression dans le temps de son engendrement en Dieu. Méditer cet événement avec Marie, c’est entrer dans le mystère de la Vie que Dieu nous offre.

Ainsi, comme le déclare Saint Paul dans l’épître aux Galates, être sauvé par Dieu, c’est bien plus que d’être protégé de quelque danger mortel ou même libéré de l’esclavage du péché. Être sauvé par Dieu, c’est pouvoir devenir son fils, sa fille en Jésus-Christ. C’est être libre de croire, d’aimer et d’espérer dans l’aujourd’hui de la vie éternelle commencée en chacun de nos ’oui’. Être libre, voilà le plus important ! Que nous soyons heureux ou malheureux, dans la réussite ou l’échec, la bonne santé ou la maladie, que nous puissions parcourir le monde ou que nous soyons immobilisés par un handicap, il nous est toujours offert d’être libres comme Jésus-Christ le fut tout au long de sa vie et jusque sur la Croix ! Nous sommes créés à l’image de Dieu en ce qu’il nous donne d’être libres. La peine et la souffrance n’ont pas d’autre sens possible que de devenir chemin de liberté. Dieu nous appelle à être libres quoiqu’il nous en coûte pour accomplir ce dessein de son amour.

Être libre, c’est être porteur de libération pour son prochain. C’est le laisser aller afin qu’il vive sans dette et sans entrave. C’est le vouloir pour Dieu plus que pour soi. C’est ne faire peser sur lui aucune attente, aucun désir qui l’enfermerait de quelque manière dans notre propre espace. C’est ne retenir contre lui aucun grief qui nous lierait à lui par la chaîne de la rancœur, de l’amertume ou de la désillusion. C’est louer Dieu plus grand que notre propre cœur en reconnaissant en lui, en elle, ce Frère, cette Sœur pour qui le Christ est mort.

Être libre, c’est être disponible à l’Esprit de communion et d’amour que Dieu nous communique. C’est découvrir notre vocation à être fondamentalement frères et sœurs les uns des autres parce que nous le sommes d’abord de Jésus-Christ. C’est vivre la communion de l’Église en vue d’une fraternité universelle comme signe du salut de Dieu. Dieu nous adresse en ce début d’année un vœu de liberté. Puissions-nous, Frères et sœurs, l’accueillir à l’exemple de Marie méditant toutes ces choses en son cœur. Nous pourrons ainsi chaque jour de cette année nouvelle être les témoins de cette paix que Dieu désire pour tout homme en son Fils, l’Emmanuel, jusqu’à la fin des temps.

fr. Olivier Rousseau - (Couvent de Paris)
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