Trinité 2009

Dans la 1re lecture, Moïse nous interrogeait : « depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? » Oui, depuis les premiers temps de l’humanité, l’Amour de Dieu emplit la terre et veut se donner aux hommes. Cette révélation de l’Amour de Dieu parcourt toute la Bible et aboutit à l’affirmation de Jean dans sa 1re épître : « Dieu est Amour ». Dieu est amour non seulement parce qu’il agit envers l’humanité avec sollicitude, tendresse et miséricorde comme nous le fait découvrir déjà l’Ancien Testament. La révélation du Nouveau Testament porte avant tout sur l’être et la vie intime de Dieu. Notre Dieu est en lui-même Amour parce qu’il est communion entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint, Dieu vit d’amour car il vit en lui-même le don de soi et l’accueil de l’autre.

Cette révélation du mystère de Dieu dans son intimité est une révolution pour les premières communautés chrétienne qui doivent abandonner la croyance en un Dieu unique et solitaire pour celle d’un Dieu unique qui est communion. Dieu est amour car Il vit lui-même d’amour, cet amour qui est la source de toute son œuvre pour nous depuis la création ! Dieu nous aime parce que, pour ainsi dire, Il s’aime ! Dieu est amour car il est Trinité, communion dans le don et l’accueil, mouvement perpétuel du don du Père au Fils, accueil et réponse du Fils, don et réponse qui sont l’Esprit Saint. Le Seigneur ne peut s’arrêter de nous aimer, ou bien Il cesserait d’être ce qu’il est. Son amour pour nous est tout simplement le don de l’amour qui constitue son être, son amour est une communion, un partage, une mise en commun du Père et du Fils dans l’Esprit saint.

Il y a là le fondement théologique le plus fiable pour la petite voix de sainte Thérèse de l’enfant Jésus, cette voie de confiance envers la miséricorde divine qui ne nous manquera jamais. Nous craignons quelquefois de perdre de l’amour de Dieu du fait de nos infidélités, de nos faiblesses ou de notre péché. Mais cela est en quelque sorte impossible car l’amour miséricordieux est l’être même de Dieu. Il ne peut qu’aimer et nous partager son amour, non pas comme nous qui devons faire des efforts pour aimer, mais parce qu’il est lui-même l’Amour. Oui, pour nous Dieu a un visage, c’est celui de la communion entre le Père et le Fils dans la puissance de l’Esprit Saint qui est cette communion de l’amour trinitaire. Au lieu d’une force obscure, ou d’une énergie cosmique sans visage, nous découvrons à l’origine de notre vie un amour créateur et sauveur.

Depuis le jour de notre baptême, nous sommes marqués par ces trois noms et encore aujourd’hui, ils témoignent pour nous, comme nous le dit saint Paul, « L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur, c’est un Esprit qui fait de vous des fils, poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant « Abba ! » C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Nous sommes donc spirituellement saisis par cette présence d’amour trinitaire qui est devenu depuis notre baptême la vie de notre cœur profond. Baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, nous sommes marqués de cette présence, et l’Amour trinitaire nous habite déjà comme en germe. C’est pourquoi Jésus peut lier dans l’évangile que nous avons entendu le fait de baptiser et d’apprendre à pratiquer des commandements. Car désormais marqué par l’amour trinitaire, le chrétien doit accueillir cette présence et laisser transformer son cœur pour apprendre à aimer en acte et en vérité.

Car l’amour ne se divise pas, on ne peut vivre de l’amour de Dieu dans notre relation avec Lui sans tâcher de vivre dans le concret de nos relations humaines cet amour que nous avons découvert. À l’inverse, s’il nous arrive de ne pas aimer, en plus de rendre notre existence plus difficile, nous oublions que l’amour trinitaire fait de nous des frères. La charité fraternelle n’est pas d’abord un effort solitaire de l’homme, mais l’expérience de l’amour trinitaire qui le devance, qui lui a été donné, et lui apprend à aimer comme le Père et de Fils s’aiment, et cet amour répandu dans nos cœurs, c’est l’Esprit Saint. Alors rempli de l’Esprit Saint, le chrétien peut accomplir parfaitement le commandement de l’amour qui est l’expression de la volonté de Dieu pour l’homme. Ainsi l’exercice concret de la charité est la preuve extérieure de la présence agissante de l’Esprit au cœur de l’homme. Mais cet accomplissement de la loi d’amour n’est pas la condition de la présence de Dieu au cœur de l’homme, présence qui est un don.

Ainsi en célébrant aujourd’hui la fête de la Trinité, nous ne nous émerveillions pas seulement devant le prodigieux mystère de Dieu, de sa communion d’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint. En nous révélant qui il est, le Seigneur nous révèle aussi notre vocation humaine à l’amour. Marqués du sceau de l’amour trinitaire à notre baptême, nous sommes appelés à vivre et à rayonner de cet amour, et nous trouvons là notre bonheur véritable. « Depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? »

Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.

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