Homélie 15° Dim. TO : envoyés pour délivrer

donnée au couvent de Paris

Dimanche 12 juillet 2015 - 15° dimanche du Temps ordinaire

Textes liturgiques : Am 7,12-15 ; Ps 84 ; Ep 1,3-14 ; Mc 6,7-15

L’évangile et la première lecture de ce dimanche parlent d’un envoi en mission par le Seigneur. Voilà qui peut retenir notre attention, spécialement en ce temps de vacances où il nous est donné de rencontrer des visages nouveaux. Sans doute, le Seigneur attend-il de nous que nous soyons ses témoins auprès d’eux. Nous savons aussi que de nombreux jeunes acceptent des missions d’évangélisation dans les lieux de vacances, sur les plages.

Le texte du prophète Amos nous emmène au 8e siècle avant Jésus-Christ. Il nous faut faire un peu d’histoire. Après la mort de Salomon, le royaume a été divisé en deux, au sud, le Royaume de Juda avec Jérusalem et au nord le Royaume d’Israël. Dans ce dernier, pour éviter que les habitants ne soient attirés par le temple de Jérusalem, les rois ont fait élever deux temples : l’un à Dan, tout au Nord, près des sources du Jourdain, et à l’autre Béthel, tout au Sud. Et ils ont fait ériger des veaux d’or sur les autels de ces temples. Le Seigneur a envoyé un prophète pour dénoncer l’idolâtrie dans lequel le peuple est entrainé et les injustices sociales commises par les rois. Il a choisi Amos, un propriétaire terrien, éleveur de troupeau, vivant tout proche de Jérusalem, dans le Royaume de Juda.

Quand Amos se présente à Béthel, il est en position de faiblesse. Venant du Royaume de Juda, il est un étranger en ce Royaume du nord. De plus comme il a quitté ses biens, il se retrouve sans appui, pauvre de tout. Par contre la précarité de sa situation le rend totalement libre pour parler au nom de Dieu, ce qui est précisément le rôle du prophète. On ne peut le soupçonner de défendre ses intérêts ; s’il parle, c’est parce que le Seigneur l’a envoyé. Il s’oppose donc à Amazias, prêtre du sanctuaire de Béthel et dénonce l’idolâtrie du culte de sanctuaire. Nous avons entendu Amazias lui répondre : « Toi, le voyant, va-t-en d’ici, fuis au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici à Béthel, arrête de prophétiser ; car c’est un sanctuaire royal, un temple du Royaume. ». « Temple royal » ? Non, Béthel est un nom qui signifie « maison de Dieu »… et non « maison du roi. » Amos poursuit : « le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël ». J’ai obéi, je suis parti, sans savoir où cela allait me mener. De fait, après qu’il eut délivré la parole de vérité, le prêtre Amazias ne l’écouta pas et le chassa de Béthel.

8 siècles plus tard, nous assistons dans l’évangile à un autre envoi en mission. Jésus appelle les douze apôtres et les envoie deux par deux. Le Christ les oblige à un état de pauvreté réel. Pas de besace qui contienne un morceau de pain pour le lendemain, ni une pièce d’argent pour la route. Pas de tunique de rechange. Ils doivent partir sans aucun avoir, sans moyen de puissance, comme Amos a du quitter son village. Jésus tient manifestement à cette pauvreté, à cet abandon dans la main de Dieu. Par contre Il « leur donne autorité sur les esprits impurs  ». L’expression est difficile pour nous. Dans le langage de l’époque, nous pouvons comprendre que, pour cette première mission, Jésus donne capacité à ses apôtres de libérer de tout ce qui peut empêcher d’accueillir le Royaume, cause physique, psychique ou spirituelle. Il leur confère un pouvoir de libération. Telle est la bonne nouvelle dont ils ont à se faire les témoins, en actes.

De nos jours, on fait bien des procès d’intention aux chrétiens dès qu’ils annoncent le nom de Jésus, on dénonce vite leur manque de respect et leur prétention à détenir la vérité. En fait, la véritable évangélisation n’est pas un endoctrinement, mais une délivrance. Annoncer l’Évangile, c’est permettre d’accéder à la vérité qui rendra libres pour écouter Jésus et le suivre sur le chemin de la charité. C’est en partie pour cela que Jésus envoie les disciples deux par deux. La loi mosaïque spécifie qu’un témoignage n’est valide qu’attesté par deux témoins. Ceux que Jésus envoie sont donc des témoins. Mais témoins de quoi ? Du cœur de l’évangile, de l’amour. En les envoyant deux par deux, Jésus enseigne à ses disciples que leur façon de vivre doit être la première à parler de l’évangile. Ils doivent être reconnus pour ce qu’ils sont, les disciples de Jésus-Christ, à la façon dont ils s’aiment, comme des frères en Christ.

Ils partirent et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Nous ne sommes pas libérés de ce qui nous emprisonne, nous ne devenons pas libres pour aimer, sans renoncer à notre moi, à cet égocentrisme qui nous colle à la peau, bref sans nous convertir. Si à travers ses témoins, toujours faibles et fragiles, Jésus appelle et offre la vie, si son message trouve dans le cœur humain de profondes résonances et suscite un désir, il reste à préférer cette vie à d’autres biens enviables et à dire non à d’autres sollicitations. Encore faut-il choisir, encore faut-il se convertir.

L’évangile continue :"Ils expulsèrent beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades et les guérissaient." Cette toute première mission connut donc un franc succès, de par la grâce du Seigneur. Mais en d’autres passages l’évangile nous montre que l’envoi en mission par le Seigneur n’est pas assuré de succès, du moins de résultat dans l’immédiat. Jésus lui-même, l’envoyé du Père pour le salut du monde, connut l’échec dans sa prédication dans les villes de Bethsaïde et de Chorazaïn autour du lac de Tibériade.

L’important n’est pas de réussir mais d’entendre la parole de Dieu qui appelle tous les chrétiens à témoigner de Jésus, d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que par la prière, dans une chambre de malade. Entendre la Parole, consignée dans l’Écriture, lui obéir et croire que le Seigneur ne nous demande que de faire ce que nous pouvons faire, d’oser le faire. Lui, il est capable de se servir du petit peu que nous lui aurons offert pour, à son heure, se faire reconnaitre et aimer. Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus-Christ !

fr. Dominique Sterckx, ocd (Couvent de Paris)
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