Homélie 3e dim. Avent (B) : reconnaître le Christ

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques : Is 61, 1-2a.10-11 |1 Th 5, 16-24 | Jn 1, 6-8.19-28

"Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas " Oui, au milieu de nous se tient celui que nous ne connaissons pas … Et si ce quelqu’un était déjà mystérieusement à l’origine de la joie de la communauté dont parle le livre du prophète Isaïe et de celle à laquelle nous convoque st Paul aujourd’hui : « Frères, sœurs, soyez toujours dans la joie » ?

Au livre d’Isaïe nous avons entendu la voix du prophète : « l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur Dieu m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé… » A cette annonce qui ouvre un avenir prometteur, la communauté répond en jubilant : « Je tressaille de joie dans le Seigneur ». Joie paradoxale. C’était au retour de l’exil, la situation était loin d’être idéale, nombreuses étaient les déceptions. Israël savait néanmoins reconnaitre que Dieu lui avait prodigué ses bienfaits, non pas la vie rêvée qu’elle aurait volontiers imaginée et la résolution de tous ses problèmes, mais l’essentiel lui était offert : le renouvellement de son Alliance avec le Seigneur, dans une relation d’amour et de fidélité symbolisée dans l’image des épousailles : « Il m’a vêtu des vêtements du salut, il m’a couvert du manteau de la justice comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses bijoux. » La communauté pouvait se réjouir, car l’exil lui avait appauvri le cœur. Elle avait déposé ses exigences envers le Seigneur, ces exigences humaines qui sont aussi les nôtres lorsque nous considérons que le Seigneur doit répondre à nos désirs d’avoir ou de paraitre. La pauvreté du cœur dans la conscience de nos infidélités envers le Seigneur offre une joie paradoxale ; elle ne nie pas nos souffrances et ne nous rend pas indifférents à nos frères et sœurs ; mais elle fleurit dans une communauté qui sait reconnaitre et accueillir la présence aimante d’un Dieu qui la rejoint la où elle est, telle qu’elle est, dans le présent. Elle ouvre ainsi à une grande espérance.

"Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas" … Tel est le témoignage de Jean Baptiste « venu comme témoin pour rendre témoignage à Celui qui est la Lumière afin que tous croient par lui. » L’attente était vive alors en Israël. Tant d’injustice dans le pays, tant d’infidélité à la loi de Dieu, faisant plus de bruit que l’humble service du Seigneur vécu par les petits. Cette attente se cristallisait sur quelques figures annoncées par les Écritures. Le Messie, le Christ, Elie ou ce prophète évoqué lointainement par Moïse. Dans ce contexte le comportement étrange de Jean-Baptiste sur les bords du Jourdain intriguait. Les autorités juives voulaient y voir clair. « Qui es-tu ? » envoient-ils lui demander. Et Jean de dire « non », non, je ne suis pas l’un de ceux que vous nommez. Mais «  je suis la voix qui crie dans le désert : redressez le chemin du Seigneur », la voix annoncée par le prophète. Oui, « je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas et je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa sandale. »

Étrange situation : les juifs attendent ardemment quelqu’un annoncé par les Écritures. Or ce quelqu’un promis par Dieu, le seul à pouvoir répondre à leur attente la plus profonde, est là au milieu d’eux, et ils sont incapables de le reconnaitre. Il leur faudrait venir en pauvres, en humbles et non comme des ayant droit. Il leur faudrait accueillir la parole de ce Jean Baptiste déroutant, déstabilisant et quitter leur sécurité bien gardée. Oui, il est là celui que vous attendez, mais vous ne pouvez le reconnaitre sans une conversion intérieure, un choix d’humble confiance.

Frères et sœurs, vous l’avez compris. Au milieu de nous se tient celui que nous ne connaissons pas … la parole de Jean-Baptiste vaut pour nous aujourd’hui, en ce temps proche de Noël. Nous pouvons certes la récuser en protestant : « si, nous connaissons Jésus, le Christ, nous l’avons accueilli et nous croyons en lui. » Et c’est un fait. Pourtant, si les textes de l’Écriture disent que le Christ est venu, ils disent aussi qu’il vient aujourd’hui, dans nos vies. Il est donc encore à reconnaitre et à accueillir vivant, à découvrir toujours nouveau, pour entrer davantage dans la vie qu’il nous offre avec lui et en lui.

Et nous sommes aussi toujours appelés à témoigner de lui auprès de ceux qui ne le connaissent pas, à être d’humbles Jean-Baptiste pour tant d’hommes et de femmes qui désirent secrètement ce Jésus, seul à même de combler leur cœur. A nous de prier et de les aider à reconnaitre Celui qui est déjà secrètement présent dans leur vie. Alors que le ciel de décembre est gris et que le monde gémit, le Seigneur nous provoque par sa parole : il désire nous voir nous étonner joyeusement de sa promesse de venir habiter davantage notre cœur et notre vie, et de son appel à témoigner de lui en vivant tout simplement de lui.

Au milieu de vous se tient quelqu’un… Nous le connaissons ce Christ. Le reconnaissons-nous pour autant, présent ici, au milieu de notre assemblée ? « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux ». C’est sa parole qui nous interpelle, c’est lui-même qui vient en cette Eucharistie, vivant, ressuscité, pour s’offrir au Père et nous entrainer avec lui dans son action de grâce et son intercession pour l’humanité. Frères, sœurs, soyons toujours dans la joie, prions sans relâche, rendons grâce en toute circonstance.

fr. Dominique Sterckx, ocd (Paris)
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