Homélie d’Avon : Christ-Roi 2006

Frères et Sœurs,

La fête du Christ-Roi vient clore notre année liturgique. Durant un an, au rythme de la liturgie nous avons été invité à approfondir notre connaissance du Christ Jésus et notre relation avec lui. De son attente à sa Nativité, de son Baptême à la Transfiguration, de sa Passion et de sa Mort à sa Résurrection, de sa glorieuse Ascension jusqu’à son retour dans la Gloire.

Les textes de notre liturgie nous tournent vers cette attente, que nous proclamons à chaque anamnèse : Nous attendons ta venue dans la gloire. Venue que le livre de Daniel présente de manière grandiose : il lui est donné « domination, gloire et royauté », « une domination éternelle » et « une royauté qui ne sera pas détruite »…

Le livre de l’Apocalypse présente cette même réalité glorieuse : « gloire » et puissance » ; « il vient parmi les nuées »… mais il ajoute « les hommes le verront même ceux qu’ils ont transpercés. » Nous rappelant de cette manière que le Roi glorieux dont nous attendons le retour est marqué pour l’éternité des plaies du Crucifié… Le chemin de sa gloire, le trône de sa Royauté, c’est le Croix. L’Évangile de Saint Jean nous le manifeste clairement en nous donnant à entendre le récit du procès romain de Jésus, le dialogue avec Pilate sur la royauté. Jésus rappelle qu’il est venu « rendre témoignage à la Vérité, tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. »

En écoutant cette phrase et en la laissant résonner en moi, une prière est venue lui faire écho. La prière composée le 21 novembre 1904 par la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité, dont nous fêtions il y a quinze jours, le centenaire de son entrée dans la vie. Dans sa prière Elisabeth écrit : « Ô mon Christ aimé crucifié par amour, je voudrais être une épouse pour votre Cœur, je voudrais vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer jusqu’à en mourir… Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter, je veux me faire tout enseignable afin d’apprendre tout de vous. » (Notes Intimes n° 15)

Elisabeth se met à l’écoute, à l’école du Verbe de Dieu, du Christ Jésus, elle contemple le Crucifié, et elle veut le couvrir de gloire. Savons-nous, frères et sœur, nous mettre à l’écoute profonde du Verbe de Dieu, pour nous laisser enseigner par Lui, pour mieux le connaître, mieux l’aimer et mieux le servir ?

Dans une lettre, à Mme Angles du 5 janvier 1905, Elisabeth écrit des paroles qui me semblent tout adaptées à la liturgie que nous vivons en ce dernier dimanche de l’année liturgique : « “Sanctifiez le Seigneur dans votre cœur.” Pour cela il faut réaliser cette autre parole de saint Jean-Baptiste : “Il faut qu’Il croisse et que je diminue.” Chère Madame, en cette nouvelle année que Dieu nous donne pour nous sanctifier et nous unir davantage à Lui, faisons-Le grandir en nos âmes. […] Qu’il soit vraiment le Roi. Et puis, disparaissons, oublions-nous, soyons seulement la “louange de sa gloire”. » (L 220)

Nous avons chanté, au début de notre célébration : « Jésus Seigneur, soit le Roi de notre cœur ». Elisabeth de la Trinité, nous entraîne dans cette intériorité. Le Seigneur sera Roi de gloire et Roi de l’univers dans la mesure où nous le laisserons régner sur notre cœur, sur notre être. C’est ainsi que nous le glorifions et que nous le couvrons de gloire.

A la fin de sa vie, Elisabeth écrit à son amie, Madame de Bobet : « L’heure approche où je vais passer de ce monde à mon Père, et avant de partir je veux vous envoyer un mot de mon cœur, un testament de mon âme. Jamais le Cœur du Maître ne fut si débordant d’amour qu’à l’instant suprême où il allait quitter les siens. [« Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, Il les aima jusqu’au bout »] Il me semble qu’il se passe quelque chose d’analogue en sa petite épouse au soir de sa vie. » Elisabeth s’est tellement mise à l’écoute du Verbe éternel, elle a tellement contemplé le Christ Aimé crucifié par amour, qu’elle s’est laissée revêtir de lui-même, lui devenant conforme, les sentiments du Christ devenant les siens. Pleine de cet amour, puisé à la source, elle poursuit : « à la lumière de l’éternité, l’âme voit les choses au vrai point ; oh ! comme tout ce qui n’a pas été fait pour Dieu et avec Dieu est vide ! Je vous en prie, oh ! marquez tout avec le sceau de l’amour, il n’y a que cela qui demeure. » (L 333)

A la fin de cette année liturgique, frères et sœurs, faisons le point ! Laissons interroger : est-ce que nous avons vécu en intimité avec le Christ de manière à ce que toutes nos paroles, tous nos gestes, tous nos actes soient marqués du sceau de l’amour ?

Pour ma part, je suis bien obligé de reconnaître, que mon intimité avec le Christ n’est pas suffisamment forte et que tous mes agissements n’ont pas été marqués par ce sceau de l’amour. Mais loin de me replier sur mon être pêcheur, je reprends force et confiance en entendant Elisabeth me dire, comme elle l’écrivait à Mme Angles : « Ne vous découragez pas, allez par la foi et l’amour à celui qui a dit : “Venez à moi et je vous soulagerai.” Lui, Il est toujours là, encore que vous ne le sentiez pas ; il vous attend et veut établir avec vous un admirable commerce. […] Vous possédez au centre de vous-même un Sauveur qui veut à toute minute vous purifier. » (Lettre 249 du 26 novembre 1905)

Elisabeth nous renvoie à cette vérité de foi. Notre Sauveur, notre Dieu a fait sa demeure au plus intime de notre être au jour de notre baptême. Il est « plus intime à nous-même que nous-même » dira saint Augustin. Il est là prêt à tout instant à nous purifier, à nous diviniser, à nous couvrir de sa gloire, pour que nous le glorifions. Le Christ-Roi, ce n’est pas d’abord sur les nuées du ciel qu’il règne mais au plus secret, à l’intérieur de notre cœur. Elisabeth avoue son secret à Mme de Bobet : « Voici le secret : s’oublier, se quitter, ne pas tenir compte de soi, regarder au Maître, ne regarder qu’à Lui. […] Je vous laisse ma foi en la présence de Dieu, du Dieu tout Amour habitant en nos âmes. Je vous le confie : c’est intimité avec lui “au-dedans” qui a été le beau soleil irradiant ma vie, en faisant déjà comme un ciel anticipé. » (Lettre 333)

Nous voilà, frères et sœurs, détenteurs du secret d’Elisabeth. Nous pouvons à notre tour être attentif à cette présence mystérieuse, cachée et agissante du Dieu Sauveur eu plus intime de notre être. Nous sommes invités à vivre un “commerce d’amitié” avec Lui. Ainsi nous le couvrons de gloire, ainsi nous lui donnons de régner sur nos cœurs, sur notre être et d’être vraiment le Roi de gloire que nous chantons dans cette liturgie du Christ-Roi.

Il est d’usage, en fin d’année de présenter des vœux. Alors en cette fin d’année liturgique et pour nous aider à vivre celle qui s’ouvrira dimanche prochain, pour nous enraciner en Dieu et nous unir davantage à lui, je demande au Seigneur la grâce pour chacun et chacune d’entre vous, et pour moi également, de vivre ces paroles d’Elisabeth de la Trinité. Il s’agit de sa lettre posthume. Je précise : c’est une lettre qu’elle a écrit à sa prieure, en notant sur l’enveloppe « secrets pour notre révérende Mère », puis solennellement, elle a cacheté l’enveloppe de cire rouge. C’est donc après sa mort que Mère Germaine la lira. En ce dernier dimanche de l’année liturgique, je crois que chacun d’entre nous peut recevoir ce message de vie pour lui-même.

« La fidélité que le Maître vous demande, c’est de vous tenir en société avec l’Amour. C’est de vous écouler, de vous enraciner en cet Amour qui veut marquer votre âme du sceau de sa puissance, de sa grandeur. Vous ne serez jamais banale, si vous êtes éveillée dans l’Amour. » (Laisse-toi Aimer, n°6)

Amen

fr. Didier-Marie Golay, ocd

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