Homélie des Rameaux : une voie royale et salutaire !

donnée au couvent de Paris

Dimanche 29 mars 2015 - Rameaux

Textes liturgiques : Is 50,4-7 ; Ps 21 ; Ph 2,6-11 ; Mc 14,1 - 15,47

Il aura suffi de quelques jours seulement, quelques jours pour que les paroles de l’ange du Seigneur s’accomplissent pleinement. Cette année, en effet, nous entrons dans la semaine sainte juste après avoir écouté les 25 et 19 mars les promesses de l’ange à Marie mais aussi à Joseph. Ces promesses, nous allons célébrer ensemble leur accomplissement au cours de la Passion et de la Résurrection de Jésus. Elles tiennent en deux mots : le règne et le salut. En Jésus, Dieu nous ouvre une voie royale et salutaire !

« Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donnera le nom de Jésus. (…) Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il règnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. (…) Celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu.  » (Lc 1,28s) Telles sont les paroles de l’ange Gabriel à Marie de Nazareth : l’annonce d’un règne éternel, de celui qui ne sera plus simplement Fils de David mais aussi Fils de Dieu. Fils de David est un titre que Jésus reçoit dans l’évangile de Marc de la part de l’aveugle de Jéricho, juste avant son entrée à Jérusalem. Aussi la foule s’exclame : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. » Elle reconnaît par-là la filiation davidique de Jésus : Jésus est bien le Messie, Fils de David, en qui s’accomplit la prophétie de Natan. Et pourtant, le véritable accomplissement des Ecritures se réalisera par un chemin que nul ne pouvait imaginer, dont nul n’avait jamais entendu parler et qui nous laissera tous bouche bée : un chemin de croix. La croix sera en effet le nouveau trône du Fils de David par lequel le Christ inaugurera son Règne éternel. Jésus a consenti à monter passivement sur ce trône afin d’accomplir les Ecritures. Et c’est pourquoi chez saint Marc ce n’est que sur ce trône que la filiation divine de Jésus est proclamée par un être de chair : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » déclare le centurion. Ainsi s’accomplissent les Ecritures, par la croix.

« Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse ; l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (Mt 1,20-21) Telles sont les paroles de l’ange du Seigneur à Joseph : l’annonce non pas d’un règne comme à Marie mais d’un salut pour le peuple. Jésus est le Sauveur du peuple. Et en effet à l’aveugle de Jéricho qui l’a reconnu comme Fils de David, Jésus dit : « ta foi t’a sauvé. » Mais le salut donné par Jésus, c’est en fait sa propre vie livrée pour son peuple. Jésus sait que le salut est un don et non pas quelque chose que l’on prendrait ou que l’on pourrait se donner à soi-même. La tentation est pourtant présentée à ses oreilles sur le trône de la croix : « sauve-toi toi-même, descends de la croix ! (…) Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! » Non Jésus ne peut pas se sauver lui-même car il a choisi de tout recevoir de Dieu jusqu’au bout. Sa voie est celle de l’obéissance assumée, son chemin est celui de l’abaissement par amour. Et c’est pour cela qu’il sera élevé et exalté dans la résurrection : il deviendra le Sauveur en ayant renoncé à échapper à la mort. Ainsi s’accomplissent les Ecritures, par la croix.

Aussi frères et sœurs, ne soyons pas surpris d’entendre Jésus dire à ses disciples et donc à nous : « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera. » (Mc 8, 35) Le chemin de salut et le règne ouverts par le Christ nous concernent puisque c’est pour nous que Jésus a inauguré cette voie royale et salutaire. «  C’est le chemin royal qui conduit au ciel » (Chemin 21,1) dirait sainte Thérèse d’Avila ! Elle l’avait bien compris, elle qui a laissé ‘Sa Majesté’ faire Son œuvre de salut dans sa vie. Thérèse a découvert peu à peu que Jésus avait vécu sa Passion d’amour pour elle et qu’elle devait le laisser revivre cette pâque en elle pour recevoir une vie nouvelle. Jésus veut nous donner part à son règne et à son salut mais cela passe par la croix, c’est-à-dire par la mort de notre vieil homme, de notre moi égocentrique. Thérèse l’exprime clairement en priant ainsi : « Qu’il meure, ce moi, et qu’un autre, plus grand que moi et meilleur pour moi que moi-même, vive désormais en moi, afin que je puisse le servir ! Qu’il vive et me donne la vie ! Qu’il règne et que je sois sa captive ! Mon âme ne veut pas d’autre liberté. » (Exclamation 17,3)

Le chemin de la croix est donc une voie royale et salutaire mais il peut parfois nous sembler rude car il ne nous est en rien naturel. Sainte Thérèse en avait conscience : aussi a-t-elle pris soin de laisser à ses filles et à ses fils deux compagnons de choix, saint Joseph et Notre-Dame qui veillent sur chacune des portes des Carmels déchaussés. Voilà une piste pour vivre avec amour et confiance la semaine sainte : prenons le temps de méditer intérieurement la pâque de Jésus avec les yeux de Marie et de Joseph, nous souvenant des paroles de l’ange. Alors nous pourrons comprendre de l’intérieur comment Jésus devient notre Roi et notre Sauveur ; alors nous pourrons laisser son salut passer dans notre vie et devenir rois avec lui. Ainsi doivent s’accomplir les Ecritures pour nous : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. » (1Tm 2,4) « Dieu a fait de nous un royaume et des prêtres et nous règnerons sur la terre. » (Ap 1,5) Oui, « que tout se passe pour [nous] selon Ta parole. » (Lc 1,38). Amen

fr. Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd (Couvent de Paris)
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