Homélie du St Sacrement : 22 juin 2014

Fr. Jean-Alexandre ordonné le 7 juin 2014 à Paris est venu célébrer une première messe au Couvent d’Avon, en la solennité du Saint Sacrement.

Textes : Dt 8, 2-3.14-16 ; Ps 147 ; 1Co 10, 16-17 ; Jn 6, 51-58)

"L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu." Frères et sœurs, de quoi avons-nous faim ? Quel est donc la nourriture qui nous alimente vraiment et nous donne la croissance ? Les textes de la solennité du Saint Sacrement nous interrogent en profondeur sur ce qui nous fait vivre. Car parler de pain et de boisson, parler de nourriture, c’est parler de la vie même, sur le plan le plus matériel comme le plus spirituel. Qu’est-ce qui nous fait vivre ? A quelle table vais-je donc recevoir ma nourriture ? Aujourd’hui, c’est vers la table du Seigneur que nous avons tous convergé, avec la conviction que Lui seul peut être à la hauteur de notre aspiration à une vie grande et belle.

Et de fait, le Christ ne nous décevra pas : il n’est venu que pour nous donner la vie. Mais pas une petite vie rangée. La vraie vie, celle de Dieu. Celle qui commence aujourd’hui et a déjà le goût de l’éternité ; la seule qui correspond à notre faim profonde de justice, de paix, de plénitude. Or tout l’évangile de saint Jean ne cesse d’affirmer ce désir de Dieu de nous donner la vie par Jésus et ce désir est celui du Fils : « Moi je suis venu pour que l’on ait la vie et qu’on l’ait en abondance. » (Jn 10,10) Oui Jésus nous apporte la vie avec un grand V, celle de Dieu. Mais qu’est-ce que c’est que la vie de Dieu ? Qu’est-ce donc que la vie éternelle ?

Par les paroles de Jésus, nous savons que ce n’est pas la manne, ce premier pain du ciel donné par Dieu mais qui ne donne pas la vie d’éternité. Jésus l’affirme dans l’évangile : le peuple d’Israël a mangé de cette nourriture dans le désert sans accéder à la vie de Dieu, à la vie éternelle. En revanche, Jésus nous parle d’un autre pain du ciel qui donne la vie : « celui qui mange ce pain vivra éternellement. » Quelle est donc la nouveauté essentielle de ce pain ou qu’est-ce qui fait que ce pain donne la vie ? La nouveauté absolue, c’est que ce pain est une personne, en chair et en os, avec son corps et son sang. Ce pain, et donc cette vie que Jésus donne, ce n’est pas une chose, une réalité extérieure mais c’est Lui-même : « Moi je suis le pain vivant venu du ciel. » Car la vie éternelle n’est pas d’abord une chose ou un état, c’est une relation, c’est une présence. La vie éternelle, c’est la vie de Dieu que nous partageons. Il n’y a que ce type de pain qui peut combler notre attente la plus profonde, une faim de relation, une soif de communion, d’un amour qui dure pour toujours.

Cette vie, nous en savons aussi le prix. Pour nous donner la vie, Jésus nous a donné sa vie : le Seigneur n’est pas un magicien qui nous apporterait la vie sur un plateau ou hors d’un chapeau magique. Le Christ a assumé pleinement notre humanité : pour donner la Vie, il a livré la sienne. « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » Ainsi dans son offrande pour toute l’humanité, Jésus livre sa vie qui est la vie de Dieu même, l’Esprit Saint. C’est exactement ce que nous recevons dans le saint Sacrement de l’Eucharistie : par le don du Fils, nous recevons l’Esprit Saint qui nous fait entrer dans la vie du Père. Nous sommes rendus participants de la vie de la Trinité.

Voilà quelle est cette vie donnée par l’Eucharistie que nous pouvons appeler avec Jésus la vraie nourriture et la vraie boisson. Toute autre nourriture est fausse au regard de l’Eucharistie car elle produit tôt ou tard deux attitudes : la frustration ou l’ingratitude. La frustration car nous ne trouverons jamais d’autre nourriture qui nous aille vraiment. Nous irons peut-être de banquet en banquet, de table en table mais nous ne serons jamais rassasiés … après le temps de digestion, nous nous sentirons vides, vides et seuls … et nous chercherons de nouveau de quoi rassasier notre solitude et notre vide existentiel. Mais sans l’Eucharistie, nous sommes aussi menacés par l’ingratitude  : combien de fois nous recevons un repas sans dire merci ou bien nous oublions si rapidement qui nous l’a donné. Nous devenons alors des gens ingrats oubliant que tout don vient ultimement de Dieu. C’est l’expérience d’Israël au désert : le don de la manne a été bien vite oublié, et Dieu, son donateur avec ! Une fois installés en terre promise avec l’autonomie de l’agriculture, plus besoin de Dieu !

Heureux sommes-nous d’avoir part à l’Eucharistie : le pain de vie ne peut pas nous frustrer car il nous offre une présence intérieure. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.  » Par l’Eucharistie, nous avons la vie en nous, c’est-à-dire Celui qui nous a dit, « Moi je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jn 14,6) La présence intérieure de Jésus, Dieu vivant demeure en nous ; elle ne nous quitte pas. Comme cette présence demeure, il est plus difficile d’oublier Celui qui nous a donné : il est là en nous qui nous rappelle que sans Lui, nous ne pouvons rien faire. Il suscite en nous l’action de grâce, un merci incessant. Plénitude et gratitude accompagnent donc l’Eucharistie, vraie nourriture, vraie boisson.

Une question se pose alors : Comment faut-il donc accueillir cette nourriture unique, celle qui nous donne la vie ? L’Eucharistie ne se reçoit vraiment que dans un cœur ouvert et disponible, un cœur qui entre dans le mystère au lieu d’opposer tout de suite un soupçon : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Le mystère eucharistique ne doit pas faire taire notre intelligence bien sûr ; elle doit l’ouvrir. Et notre intelligence ne s’ouvre au mystère qu’en écoutant la Parole de Dieu. La Vierge Marie est pour nous ici un modèle. Quand l’ange lui annonce qu’elle deviendra la Mère du Messie, elle demande : « comment cela va-t-il se faire ? ». Mais ce comment est prononcé par une intelligence qui écoute et qui s’ouvre. Dans notre évangile, les interlocuteurs soupçonnent, ferment leur cœur et quittent ensuite Jésus, pleins de scepticisme ; ils n’accueillent pas la Parole de Dieu.

Comment frères et sœurs, venons-nous à l’Eucharistie aujourd’hui et chaque dimanche ? Ouvrons-nous notre cœur pour être modelés par la Parole de Dieu et recevoir le Corps et le Sang du Seigneur ? Demandons aujourd’hui la grâce d’être renouvelés dans notre foi au Saint Sacrement de l’Eucharistie afin de le recevoir et de l’adorer dans un cœur ouvert. Alors nous goûterons cette vie de Dieu, nous connaîtrons cet amour qui seul peut rassasier notre existence. Amen.

fr. Jean-Alexandre ocd
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