Homélie du St Sacrement : « la foi nous dit qu’Il est bien là »

donnée au Carmel de Lisieux

Dimanche 7 juin 2015 - Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur

Textes liturgiques : Ex 24,3-8 ; He 9,11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26

Frères et sœurs : bonne fête à chacune et à chacun d’entre vous ; en effet, nous fêtons aujourd’hui le Corps et le Sang du Christ. Rassemblés dans cette chapelle, dans notre diversité, nous sommes le Corps du Christ. Cette fête et donc, d’une manière toute spéciale notre fête, mais elle est surtout la fête Dieu. Et elle vient à la fois nous dynamiser et nous questionner dans notre vie de foi. Nous l’avons entendu dans l’Évangile : « Pendant le repas, Jésus ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna et dit : “Prenez, ceci est mon corps” » (Mc 14,22).

En cette année où nous célébrons le 500e anniversaire de la naissance de notre Mère sainte Thérèse de Jésus, sainte Thérèse d’Avila, je vous propose de nous mettre à son écoute à son école…

Pour Teresa, ce sacrement est celui de la foi et de la présence de Jésus, fils de Dieu, qui prend ses délices aux milieux des hommes, elle chante sa reconnaissance dans une prière : « Ô mon Maître ! ô mon Bien ! Je ne peux m’exprimer comme je viens de le faire sans verser des larmes et sentir la joie inonder mon cœur. Quoi, Seigneur, tu daignes vivre avec nous ? Dès lors que tu résides au très saint sacrement, nous pouvons croire fermement à la réalité de ta présence. » (Livre de la vie 14,10).

Mais pourquoi cette présence a-t-elle autant d’importance ? Teresa sait bien que le plus important pour le chrétien, c’est d’unir sa volonté à celle de Dieu, c’est de « faire la volonté de Dieu » comme nous le demandons dans la prière dominicale du « Notre Père ».

Comme nous, Teresa expérimente que cela est difficile. Et dans le commentaire qu’elle fait du « Notre Père », dans le Chemin de perfection, elle a l’intuition géniale d’unir la troisième demande : « Que ta volonté soit faite », avec la quatrième : « donne-nous notre pain de ce jour ». Pour elle, le pain que nous demandons est le pain eucharistique, le corps du Seigneur ; et c’est la réception du corps du Christ qui va nous aider à unir notre volonté à la sienne pour accomplir celle du Père. «  Le bon Jésus, je vous l’ai dit, comprenait combien il nous était difficile de faire ce qu’il promettait en notre nom. Il savait quelle est notre misère et comme souvent nous feignons de ne pas connaître la volonté de Dieu, afin de nous y soustraire. Pesant notre faiblesse, il vit dans sa bonté, qu’un secours nous était nécessaire. » (Chemin de perfection 33,1).

Elle insiste au chapitre suivant : « En effet, il ne reste avec nous que pour nous aider, nous animer, nous encourager à faire cette divine volonté, dont nous avons demandé l’accomplissement en nous. » (Chemin de perfection 34,1). Pour Teresa, l’Eucharistie nous est donnée pour que notre volonté soit fortifiée et que nous puissions l’unir à celle de Dieu.

Elle indique également que Jésus, qui s’est fait notre compagnon de route par son incarnation rédemptrice, le demeure par la présence eucharistique : «  Donné et envoyé au monde par la seule volonté de son Père, il veut à présent, par la sienne propre, ne pas nous abandonner, mais demeurer avec nous en ce monde, pour le plus grand bonheur de ses amis […] Avec notre divin Maître, demandez, mes filles, au Père céleste qu’il vous laisse aujourd’hui votre Époux, et que jamais vous ne soyez privées de lui en ce monde. Pour modérer un si grand bonheur, il suffit qu’il se dissimule sous les accidents du pain et du vin ; pour qui n’a d’autre amour et d’autre consolation que lui, c’est un bien grand tourment. Suppliez-le du moins qu’il ne vous manque jamais, et qu’il vous donne les dispositions nécessaires pour le recevoir dignement » (Chemin de perfection 34,2-3).

Cette présence du Christ, Jésus dans le saint Sacrement fait naître chez Teresa l’admiration devant la gratuité et la liberté de l’amour divin ainsi manifestée. Pour elle, c’est bien la personne de Jésus, dans son humanité et dans sa divinité, qui est ainsi présente : « Qui nous empêche de nous tenir auprès de Jésus-Christ ressuscité, puisque nous l’avons si près de nous dans le saint sacrement, où sa chair est déjà glorifiée ? […] Le voici enfin devenu notre compagnon au très saint sacrement, car, en vérité, il semble n’avoir pu se résoudre à s’éloigner de nous un seul instant. » (Livre de la vie 22,6).

Elle a même l’audace d’affirmer, parlant d’elle à la troisième personne : « Le Seigneur, il est vrai, lui avait donné une foi si vive, que lorsqu’elle entendait dire à quelques-uns qu’ils auraient bien désiré vivre au temps où Jésus-Christ, notre Bien, était sur la terre, elle riait à part soi, se disant : “Puisqu’il est aussi réellement présent au très saint sacrement qu’il l’était alors au milieu des hommes, que veulent-ils de plus ?” » (Chemin de perfection 34,6).

Face à cette présence, à la manifestation d’un tel amour, Teresa nous invite au recueillement après la communion : « Alors donc que vous venez de recevoir Notre-Seigneur et que vous avez sa personne même présente en vous, fermez les yeux du corps, ouvrez ceux de l’âme, et regardez dans votre cœur » (Chemin de perfection 34,12). Parlant d’elle-même, elle précise : « Je sais en outre que pendant bien des années cette même personne, sans être très parfaite, ranimait tellement sa foi au moment de la communion, qu’elle croyait voir avec les yeux du corps Notre-Seigneur entrer dans l’hôtellerie de son âme. Certaine que ce divin Maître franchissait alors le seuil de cette pauvre demeure, elle congédiait autant qu’il lui était possible toutes les choses extérieures, pour se retirer là avec lui, et s’efforçait de recueillir tous ses sens afin de leur faire connaître le bien précieux qu’elle possédait : je veux dire, afin qu’ils n’empêchent pas son âme de le connaître. Elle se voyait aux pieds de Notre-Seigneur, et elle y pleurait avec Madeleine, tout comme si elle l’avait contemplé avec les yeux du corps dans la maison du pharisien. Alors même qu’elle ne sentait pas de dévotion, la foi lui disait qu’il était bien là » (Chemin de perfection 34,7).

Notons, cette dernière incise, si importante, « la foi lui disait qu’il était bien là  ». Ce n’est pas une question de senti ou de ressenti, mais l’exercice de la vertu de foi.

Auprès du Saint Sacrement, Teresa vient rechercher la paix, elle écrit : « Quelquefois et presque toujours - ou du moins habituellement - je me trouvais soulagée dès que j’avais communié. Parfois même, à l’instant où je recevais l’Eucharistie, je me sentais si bien pour l’âme et pour le corps, que j’en étais dans l’étonnement ? On aurait dit qu’en un instant toutes les ténèbres de mon âme se dissipaient ; et une fois le soleil levé, je découvrais à quelles sottises j’avais été livrée » (Livre de la vie 14,30).

Elle nous exhorte : « Quant à moi, je suis persuadée que si nous nous approchions une seule fois du très saint sacrement avec une foi vive et un grand amour, ce serait assez pour nous enrichir : que dire d’un grand nombre de fois ! Mais il semble que nous ne nous approchions de Notre-Seigneur que par cérémonie. C’est pour cela que nous en retirons si peu de fruit. O misérable monde, qui mets un bandeau sur les yeux de ceux qui vivent au milieu de toi, pour les empêcher de voir les trésors qui les mettraient à même d’amasser d’éternelles richesses ! » (Pensées sur l’Amour de Dieu 3,13).

Elle ne cesse de nous redire que la réception de l’Eucharistie dans un esprit de foi contribue à notre croissance spirituelle et nous fait advenir à notre être véritable de fils et de filles de Dieu dans le Fils unique : « Un autre jour, comme je venais de communier, mon âme me parut réellement ne faire qu’un avec le corps sacré de Notre-Seigneur, dont la présence se fit sentir à moi avec de très grands effets et un notable profit spirituel » (Relation 49).

Alors frères et sœurs, que par l’intercession de sainte Thérèse d’Avila, nous soyons « tout éveillé dans notre foi » pour vivre cette fête Dieu, cette fête du Corps et du Sang du Christ. Devenons ce que nous recevons : le Corps du Christ. Amen.

fr. Didier-Marie de la Trinité, ocd (Couvent de Lisieux)
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