4e Dimanche de Pâques ; Jean 10,11-18

En ce quatrième dimanche de Pâques, nous sommes appelés à prier pour les vocations sacerdotales et religieuses. Le thème cette année de notre réflexion et de notre prière est « Confiance, lève-toi, il t’appelle ». Toute vocation est une suite du Christ, celui qui entend l’appelle est invité à prendre courageusement le chemin derrière Jésus et mettre nos pas dans les siens. Le service apostolique est une continuation de l’œuvre du Christ, toute vocation est une imitation de Jésus dans le don de sa vie.

Dans la première lecture, Pierre est sommé de s’expliquer devant le grand-conseil à propos de la guérison d’un infirme, mais loin d’en revendiquer l’origine, l’apôtre renvoie d’emblée ces interlocuteurs à l’unique source de la grâce que Dieu a donnée aux hommes à savoir notre Seigneur Jésus-Christ. « Son nom donné aux hommes est le seul qui puisse nous sauver ». S’il est vrai que c’est le Seigneur seul qui sauve, le service accompli en son nom nous associe en réalité à la puissance de ce nom de Jésus. Choisi et envoyé par Jésus, l’apôtre est fait coopérateur du salut accordé par Dieu. Le Seigneur compte en quelque sorte sur chacun de nous pour continuer de fonder son œuvre, en prenant appui sur le nom de Jésus. À la suite de Pierre, qui s’est fait serviteur du relèvement de l’infirme dans la puissance du nom de Jésus, l’Esprit veut nous rendre sensible à toutes les infirmités de l’homme contemporain pour nous donner de participer concrètement à la grâce de son relèvement. C’est la vie même du ressuscité qui se penche ainsi sur notre humanité quand nous consentons à lui prêter nos mains, notre bouche, notre cœur et nos capacités humaines afin que s’accomplisse aujourd’hui encore la merveille du salut de nos frères.

La lecture de l’Évangile selon St Jean nous a donné de réentendre les paroles fortes de Jésus aux juifs : « moi, je suis le bon Pasteur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis ». Jésus donne sa vie, l’affirmation revient à trois reprises dans ce même passage. Cette affirmation trouve tout son sens en songeant à ce que dit Jésus dans l’évangile de Mathieu ou de Marc : « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28). Dans la bouche de Jésus, servir et donner sa vie sont des expressions équivalentes. L’une et l’autre traduisent, non pas une modalité du don de soi parmi d’autres, mais la manière d’être du Christ sauveur et son amour infini à l’égard de la multitude des hommes. Cette réalité éclaire sur le sens de la vie de ceux qui souhaitent suivre le Christ dans la vocation religieuse ou sacerdotale. Le religieux et le prêtre, comme disciple de Jésus, entre dans cette dynamique du service pour accomplir sa vocation.

Pour le dire autrement, le service à la suite du Christ est ce qui fait entrer de manière pratique dans l’accomplissement de notre vocation religieuse ou sacerdotale. La logique du don de soi par amour des hommes et de Dieu ne se réalise pas de manière théorique, mais dans le fidèle accomplissement de la mission confiée. Tout homme est appelé à s’humaniser et à se réaliser pleinement en empruntant le chemin du service, qui est le don libre et désintéressé de sa vie à la suite du Christ. Le service, le don de soi, est humanisant pour celui qui accomplit ce service, car le cœur de l’homme est fait pour apprendre à donner et à recevoir. En refusant ce don de soi, qui comporte, certes, un côté crucifiant, le prêtre ou le religieux refuse en fait d’entrer dans la voie qui le rendra heureux. Apprendre à se donner sans réserve est la clef pour entrer dans l’intelligence du mystère de toute vocation, quelle qu’elle soit. Ce qui faisait dire à Jean-Paul II « l’homme ne peut pleinement se trouver que dans le don désintéressé de lui-même. »

Ce lien nécessaire et intrinsèque qui unit le service à l’amour s’approfondit à la lumière de la deuxième lecture. En contemplant le chemin d’abaissement du fils de Dieu, qui s’est fait serviteur de l’homme jusqu’au don de sa propre vie, nous pouvons dire avec le disciple bien-aimé : « voyez comme il est grand l’amour dont le père nous a comblé ! » Connaître l’amour de Dieu ne pourra jamais être théorique, c’est une grâce immédiatement attachée à notre propre capacité d’entrer dans la logique du service et du don de soi. Plus on se donne sans compter, plus on consent à servir joyeusement son prochain et notre Seigneur, et plus on mesure alors, dans une jubilante action de grâces, à quel point l’amour de Dieu est grand pour chacun de nous. En ce sens, le service est ce qui nous préserve d’un amour simplement déclaratif, c’est-à-dire d’un amour qu’il ne s’exprimerait que par des intentions ou par des mots, sans jamais se traduire en actes. En communiant à l’amour de Dieu pour moi, j’apprends à aimer mes frères en acte et en vérité, dans ce mouvement de don et d’accueil qui caractérise la Sainte Trinité.

Servir, c’est par conséquent travailler à faire l’unité de sa propre vie par une cohérence de chaque jour plus effective entre ce qui est cru et ce qui est vécu, entre le registre des intentions et celui des actes. « Le service est donc le meilleur antidote à l’hypocrisie », pour reprendre ici encore une expression de Jean-Paul II. On ne doit pas craindre de dire que le service est ce qui garantit la crédibilité de l’Église aux yeux du monde, et de la vocation personnelle de chaque prêtre et religieux aux yeux de sa communauté. Pour au Carmel, Sainte Thérèse de Jésus ne dit-elle pas au livre des demeures : « Tel est le but de l’oraison, voilà à quoi sert ce mariage spirituel : donner toujours naissance à des œuvres, des œuvres. »

Le service est donc constitutif de la nature même de l’Église, et il est une dimension intérieure au christianisme lui-même. Et c’est précisément parce que le service est une dimension essentielle du mystère de l’église qu’il existe en son sein une vocation pour la signifier aux yeux de tous : le diaconat. Mais cette dimension du service se retrouve dans chaque vocation chrétienne. « En tout, servir et aimer ! » Cette devise de la spiritualité ignatienne peut devenir celle de tout baptisé, et particulièrement des prêtres et des religieux. En cette journée mondiale de prière pour les vocations, que nous puissions réaliser à quel point est grand l’appel que Dieu nous adresse à être aujourd’hui, dans la puissance du nom de Jésus, les serviteurs du relèvement et de la transfiguration des hommes.

Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.

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