Homélie 7e dim. de Pâques : Se préparer à accueillir l’Esprit Saint

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques 7e dimanche de Pâques : Ac 1, 12-14 ; Ps 26 (27) ; 1 P 4, 13-16 ; Jn 17, 1b-11a

Nous sommes dans ce temps situé par les Actes des Apôtres entre l’Ascension de Jésus célébrée jeudi dernier et la Pentecôte que nous célébrerons dimanche prochain. Comment l’Eglise universelle, en chacune de ses communautés et chacun de ses membres, est-elle appelée à vivre ce temps particulier ? La question est d’importance ; chaque temps liturgique est l’occasion d’un appel à grandir en Eglise et d’une grâce à recevoir.

La première lecture de cette messe offre une réponse. Quittant le Mont des Oliviers, les apôtres sont retournés à Jérusalem pour se rassembler dans la salle où ils avaient coutume de se tenir. En cela ils n’ont fait qu’obéir à Jésus : lors d’un dernier repas il leur avait commandé de rester à Jérusalem, au lieu de repartir chez eux en Galilée, pour y attendre l’accomplissement de la promesse du Père. « C’est dans l’Esprit saint que vous serez baptisés dans quelques jours » leur avait-il dit. Ils sont donc là, avec un groupe nombreux de femmes venues de Galilée, dont Marie la mère de Jésus, d’autres membres de sa famille et d’autres disciples encore. Et toutes les personnes de ce groupe varié, d’un même cœur, persévèrent dans la prière. C’est ainsi qu’ils attendent l’Esprit Saint promis. Ce comportement de foi vaut pour nous, aujourd’hui.

La persévérance dans la prière, chez st Luc, marque le plus souvent la disponibilité des croyants avant les interventions majeures de Dieu, ici ils attendent l’Esprit promis. Car l’Esprit saint n’est pas une chose, un objet qu’on recevrait et dont on pourrait disposer pour faire le bien. Dans l’Ecriture, il est représenté par le feu, le vent, l’eau courante, autant de réalités qui échappent à une saisie et à une maitrise. On ne met pas la main sur le vent. On ne l’accueille qu’en se mettant dans son sens. On ne reçoit l’Esprit qu’en se rendant disponible à son action. Les apôtres étaient-ils disponibles au don de l’Esprit promis ? Paradoxalement, on peut sans doute répondre « non », ou pas vraiment.

En effet, lors du repas où Jésus leur avait annoncé la venue prochaine de l’Esprit, ils lui avaient posé une question : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Ils voyaient dans le royaume dont Jésus avait tant parlé la réalisation de l’espérance juive, en termes de restauration nationale tournée vers une réalisation immédiate. Ce n’était pas étonnant. Dans les prières juives quotidiennes, celles-là même que Jésus avait récitées, les croyants suppliaient le Dieu d’Israël de rétablir sans tarder le trône de David » et « d’établir son règne bientôt, dans un temps proche ». La force associée à l’Esprit promis était à leurs yeux celle d’un Dieu qui viendrait rétablir ce royaume d’Israël comme d’anciennes prophéties l’avaient annoncé. La déception de Cléopas sur le chemin d’Emmaüs dénotait qu’une semblable attente animait la première chrétienté. Jésus n’a pas récusé la question des apôtres mais il a corrigé radicalement la signification de cette venue de l’Esprit à partir de l’évènement capital de la Résurrection. Il a remplacé l’attente d’un retour au passé par une mise en marche. « Oui, vous allez recevoir une force quand l’esprit saint viendra sur vous, vous serez alors mes témoins à Jérusalem et jusqu’aux extrémités de la terre ». Les apôtres étaient encore bien loin de cette vision. Il leur fallait passer d’une vision où l’Esprit était attendu pour réaliser leurs bons désirs d’un royaume terrestre à un accueil de l’Esprit qui les conduirait à quitter tout ce qui leur était familier pour partir témoigner de Jésus Christ dans le monde entier.

Il fallait qu’ils se convertissent et c’est bien ce qui s’est opéré durant ces jours de prière. Selon les formes de la prière juive, ils ont relu les Ecritures, ils ont entendu à nouveau la prophétie d’Ezéchiel : « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés de toutes vos souillures, je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous. » Ils ont prié avec les psaumes et ils ont aussi médité les paroles de Jésus entendues durant le temps où il avait été avec eux. A suivre le récit de st Luc, ils ont vécu ainsi dix jours de retraite dans la prière avec Marie. Il n’en fallait pas moins pour se convertir d’une attente de l’Esprit de puissance au service de leur générosité à une ouverture à la puissance d’un Esprit qui les décentrerait d’eux-mêmes pour faire d’eux dans le monde les témoins du Ressuscité. La fête juive de la pentecôte était la fête du renouvellement de l’Alliance au Sinaï entre Dieu et Israël, il s’agissait maintenant de fêter la nouvelle alliance entre Dieu et l’humanité entière sauvée par le sang de Jésus.

Dix jours sont donnés à l’Eglise d’aujourd’hui pour se convertir à l’accueil de l’Esprit. Spontanément, nous sommes enclins à demander la force de l’Esprit pour la mettre au service de nos bons désirs. « Esprit saint, donne-moi d’être plus patient, plus charitable, donne-moi de mieux prier, donne-moi la force pour faire ce que j’ai à faire chaque jour etc. » Ce n’est pas mal et de nombreuses formules de prière vont dans ce sens. Mais le « moi » est au centre. A prier ainsi on risque d’être plus attentif à soi-même qu’à la volonté de Dieu et à son amour sauveur pour toute l’humanité. Les prières des messes de ces jours peuvent nous aider. Prières d’Eglise on demande pour « nous », et non pour soi seul. Ainsi celle de la messe d’aujourd’hui : « Entends notre prière : nous croyons que le sauveur des hommes est auprès de toi dans la gloire, fais-nous croire aussi qu’il est encore avec nous jusqu’à la fin des temps, comme il nous l’a promis ». Et celle de la messe de demain : « Que descende sur nous la force de l’Esprit Saint, pour que nous puissions discerner ta volonté et l’accomplir tout au long de notre vie » ou encore celle de jeudi prochain : « Seigneur, pour nous ouvrir la vie éternelle, tu as exalté ton Christ dans la gloire et tu nous as envoyé ton Esprit de lumière, fais qu’en participant à une telle grâce nous soyons plus dévoués à te servir et obtenions une plus grande foi. »

« Tu nous as envoyé ton Esprit de lumière ». Effectivement nous avons déjà reçu l’Esprit au baptême et à la confirmation. Il nous reste durant cette semaine à prier avec toute l’Eglise pour demander pour nous-mêmes et pour chaque membre de l’Eglise de nous ouvrir davantage à la force de l’Esprit pour mieux accomplir la volonté du Père pour le salut du monde entier.

Prions ainsi dans la joie, en nous unissant à la prière du Christ ressuscité qui ne cesse d’intercéder pour nous comme il nous l’a rappelé dans l’évangile : « Père, moi, je prie pour eux, pour ceux que tu m’as donné ». Et la Vierge Marie s’offre aussi à nous accompagner en ces jours de prière comme elle le fit auprès des apôtres.

fr.Dominique Sterckx - (Couvent de Paris)
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