Homélie dim.22e TO : S’offrir à Dieu

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année A) : Jr 20, 7-9 ; Ps 62 (63 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27

“« Pensées de Pascal : « Il faut n’aimer que Dieu et ne haïr que soi. » (Sellier 405). « Le moi est haïssable. … Il est injuste en soi en ce qu’il se fait le centre de tout. Il est incommode aux autres en ce qu’il veut les asservir, car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. » (Sellier 494) »”

Jésus vient nous libérer de ce moi haïssable selon la formule choc de Pascal. Cela suppose une métamorphose totale de notre existence. En annonçant sa Passion, Jésus décrit le chemin qu’il va suivre pour transformer radicalement notre condition mortelle par sa résurrection d’entre les morts. Celui qui veut bénéficier de cette transformation, doit suivre Jésus sur le chemin du renoncement à lui-même. Certes, une telle métamorphose est l’œuvre de Dieu. Cependant, elle engage notre liberté moyennant une remise inconditionnelle de nous-même entre ses mains. Cet acte de confiance absolue exige une véritable mort à soi-même tant notre égo est jaloux de tout ce qui ne vient pas de lui.

Paul, dans l’épître aux Romains nous exhorte à présenter notre « corps » en «  sacrifice vivant » pour accomplir le « culte (qui est) de l’ordre du logos ». Nous avons ici une succession d’expressions originales liées au corps, au sacrifice et au culte : le croyant doit devenir en sa personne un culte offert à Dieu moyennant la présentation de son corps. Notre liturgie, c’est notre présence offerte pour devenir un sacrifice vivant. C’est une formule étrange puisque ce qui est sacrifié est mort. Pourtant ce sacrifice est la condition de notre acceptation par Dieu, car il nous rend saints et capables de lui plaire. Il s’agit de vivre dès ici-bas une existence offerte à Dieu.

Le corps inscrit notre existence en ce monde et nous permet de percevoir notre environnement. Voyant ainsi le monde à partir de nous, nous croyons facilement en être le centre. Cette illusion est aggravée par le péché qui nous porte à vouloir être comme des dieux. Le drame de l’être humain est alors de s’identifier à cet « égo » qui se fait centre. Présenter son corps à Dieu, c’est renoncer à être le centre du monde pour trouver en Dieu notre centre. C’est un sacrifice véritable, car en présence de Dieu, je ne m’appartiens plus ; je ne suis plus le maître de mon existence ; pour le moi orgueilleux, il s’agit d’une véritable mort. Mais ce sacrifice est vivant, car il engage ma liberté, ma foi, mon espérance en vue d’un amour plénier de Dieu. Ce culte véritable est de l’ordre du logos compris comme parole, sagesse universelle. Chez Paul, c’est le logos de la Croix qui révèle de manière paradoxale la sagesse de Dieu. Il s’agit donc d’un culte fondé sur la sagesse divine manifestée en Christ. Là où l’amour idolâtre de soi conduit à maintes formes d’aliénation, à des luttes fratricides et à une détérioration de la création, ce culte du logos consiste à aimer Dieu plus que soi. Là est la source de la véritable la libération de nous-même, seule capable de nous faire entrer en communion avec les autres au sein d’une création réconciliée.

Pour vivre ce don de soi à Dieu, il ne s’agit pas de se présenter à lui comme des êtres parfaits, mais de s’en remettre à sa tendresse dans la vérité de notre existence encore marquée par le péché. Dieu peut réaliser en nous cette transformation dès lors que nous croyons en son amour en attendant tout de lui. Ce qui dépend de nous, c’est de nous décentrer de nous-mêmes pour lui abandonner notre vie. Chaque fois que nous parvenons à un tel dessaisissement, nous éprouvons une liberté qui nous rend capables de discerner la volonté de Dieu. Cette métamorphose nous introduit dans l’intimité de Dieu, dans l’intelligence de son amour. Il est alors possible d’accomplir ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. Ainsi, le corps mort en raison du péché, lorsqu’il devient un « corps sacrifice », est vivant pour Dieu en accomplissant par amour sa volonté de communion entre les hommes.

Cela ne vient pas de nous, mais de la Parole de Dieu vivante et agissante comme en témoigne le prophète Jérémie. La Parole était en son cœur comme un feu brûlant : « enfermée en mes os, je m’épuisais à la maîtriser sans y réussir » déclare-t-il. (Jr 20,9) Que la Parole du Christ saisisse ainsi notre existence pour en faire un sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu !

fr. Olivier-Marie - (Couvent de Paris)
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