Jésus donne de regarder le monde à la lumière de l’amour (Homélie dim 11e TO)

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année B) : Ez 17, 22-24 ; Ps 91 (92) ; 2 Co 5, 6-10 ; Mc 4, 26-34

Comment regardons-nous l’évolution du monde ? Nous nous lamentons face à la déchristianisation de notre société, au privilège donné à la liberté individuelle par rapport à des valeurs morales, à l’accélération mal contrôlée de la technologie. Nous assistons à la crise de nombreuses institutions à commencer par celle de la famille. Nous nous inquiétons d’un avenir plus que jamais incertain au regard de l’instabilité internationale. Nous avons bien des raisons de nous lamenter ! Mais Jésus n’en avait-il pas tout autant ? Il accomplit sa mission dans son pays qu’un pouvoir païen dirige avec une main de fer. La population est écrasée par le poids des impôts. Les élites jouent le jeu du clientélisme avec Rome et exercent un pouvoir arbitraire. Des luttes internes opposent la classe des Sadducéens liée à l’occupant au courant pharisien réformateur, mais aussi à des courants messianiques à visée politique ou aux Esséniens retirés dans le désert pour contester une religion corrompue. Jésus surgit au milieu de tout cela et annonce la venue du Règne de Dieu. S’il soulève une espérance chez beaucoup, il suscite aussi la virulente opposition des autorités religieuses.

Jésus parle avec la conviction que sa mission est avant tout l’œuvre de Dieu. Rien ne saurait en empêcher l’accomplissement. Il n’a pas à se soucier du résultat comme cet homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi jusqu’au temps où viendra le moment de la moisson. Dans le chaos du monde, Jésus annonce la Parole qui ne manquera pas de se réaliser dans le cœur de quiconque la reçoit. La Parole de Dieu est en effet libératrice pour celui qui l’accueille, au point qu’il est possible de dormir avec une confiance d’enfant en la laissant produire ses fruits. Il suffit de recevoir avec foi la Parole de Jésus pour que le Règne de Dieu déploie son dynamisme, non pas d’abord dans le monde, mais à l’intime du cœur. Cette croissance du Règne de Dieu et sa fructification en nos vies ne dépendent pas de nous, mais nous sommes en revanche responsables de la qualité de notre écoute de la Parole.

Mais si le Règne de Dieu est d’abord une réalité intérieure et non pas politique, il a aussi une efficience extérieure. La parabole de la graine de moutarde témoigne de la fécondité extraordinaire de son accueil par la foi : la plus petite des graines devient le plus grand arbre. La graine unique annonce le Règne de Dieu advenant par la mort et la résurrection de Jésus, Parole de Dieu semée en terre pour le salut du monde. Dans la Résurrection du Christ et par le don de l’Esprit Saint, cette Parole fait lever l’Eglise, Corps du Christ en qui une multitude de croyants trouve refuge. Dans la parabole du semeur qui précède notre texte, les oiseaux étaient identifiés à Satan : ils se nourrissaient de la Parole avant qu’elle ait pu pénétrer dans le cœur. A présent, ces mêmes oiseaux bénéficient de l’hospitalité de la graine qui a échappé à leur gloutonnerie sauvage une fois que celle-ci est devenue un grand arbre ! Non seulement ils n’ont pas réussi à empêcher la fructification surabondante du grain semé par le semeur, mais ils deviennent les bénéficiaires inattendus de celui qui offre la vie envers et contre tout.

Comme une semence semée en terre s’active et se développe sans que l’on sache comment, comme un graine insignifiante déploie une énergie considérable jusqu’à devenir un grand arbre, ainsi en va-t-il du Règne de Dieu. Le discours en paraboles suscite alors un clivage parmi les auditeurs entre ceux dont l’intelligence ne saisit pas ce langage imagé et ceux dont le cœur se laisse toucher. Tous entendent les paraboles, mais seuls ceux qui mettent leur confiance dans le Christ, peuvent expérimenter la fécondité d’une Parole qui touche notre liberté en sa racine. Le Règne de Dieu ne se développe pas avec puissance, mais il fait déjà communiquer le Ciel et la terre comme l’exprime la symbolique du grand arbre. Alors de quoi nous inquiétons-nous ? Le Règne de Dieu s’accomplit toujours dans le cœur de ceux qui entendent la Parole, mais il échappe aux analyses humaines. Ce qui dépend de nous, c’est d’accueillir Jésus en notre cœur pour discerner le Règne qui vient plus sûrement que l’aurore, car Jésus seul donne de regarder le monde à la lumière de l’amour vainqueur de la mort.

fr. Olivier-Marie Rousseau, ocd - (Couvent de Paris)
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