Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole (Homélie 6° dim. Pâques)

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année C) : Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 (67) ; Ap 21, 10-14.22-23 ; JJn 14, 23-29

« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ». La parole de celui qui est le chemin, la vérité et la vie est toujours actuelle. Prononcée à Jérusalem « en ce temps-là » où il s’adressait à ses disciples elle nous concerne aujourd’hui en ce dimanche matin. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole… » Comment entendre cette parole ? comme la concrétisation du visage de l’amour de Jésus : l’aimer c’est écouter sa parole et s’efforcer de la mettre en pratique. Il n’est pas question de sentiment mais de décision et d’acte. Ou bien allons-nous d’abord y percevoir une question de la part de Jésus : « toi, ici présent, m’aimes-tu » ? Et si c’était l’un et l’autre.

L’évangile qui nous a transmis les paroles prononcées « en ce temps-là », permet-il de préciser les sens de ces quelques mots à l’origine. Ils sont inscrits dans le premier petit discours par lequel Jésus s’est adressé à ses disciples lors du dernier repas pris avec eux, avant d’entrer dans les évènements de sa passion. « Dès que Juda fut sorti, jésus dit : « Petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Là où je vais, vous ne pouvez venir ». il est clair qu’il va se séparer d’eux. Il les avait appelés, et entrainés à sa suite dans une aventure qui rencontrait de plus en plus d’opposition, d’hostilité même de la part des gens au pouvoir. Lui qui était leur sécurité de par sa présence physique, l’autorité de sa parole, la bonté de son regard, il allait disparaitre et eux allaient se retrouver seuls dans un environnement de plus en plus menaçant, sans support pour leur faiblesse, quand il était là, ils avaient expérimenté qu’il n’y avait pas lieu de craindre, y compris lorsqu’ils étaient assaillis par une tempête au milieu du lac. Maintenant il allait les quitter et cette annonce en clair provoquait en eux un trouble qu’il voyait bien : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé » Nous avons connu ou nous connaitrons ces situations où une absence succède à une présence vitale, sentie, expérimentée, nous laissant sans point d’appui, seul avec nous-mêmes, dans un sentiment d’abandon. Ce peut être l’éloignement ou la disparition d’un être cher, ou une souffrance qui nous coupe de toute relation et nous laisse seul avec elle, ou encore un temps d’effroi dans notre relation avec Dieu : à une expérience de lumière et la joie avec lui fait suite le sentiment du vide, de son absence, et l’impossibilité à retrouver celui qui nous faisait vivre. Ou encore tout autre situation qui nous laisse totalement désemparés, sans appui. Au moment où Jésus annonce en clair son départ, lors du dernier repas, que Jésus va-t-il dire à ses disciples, qu’il appelle affectueusement, « petits enfants ». En résumé, il commence par une invitation ferme à ne pas se laisser bouleverser, et il y joint un appel à croire en lui. Puis, par trois fois il les a renvoie à leur amour pour lui, comme nous l’avons entendu. « Si quelqu’un m’aime.

Il commence donc : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé. Ne vous laissez pas envahir par la crainte. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi  ». Et il leur annonce qu’il va leur préparer une place auprès du Père. A cette heure où ils ne sont plus portés par la confiance, Jésus s’adressant à leur liberté leurs demande choisir de faire confiance en ses paroles, si énigmatiques soient-elles. Qui peut les empêcher de faire un tel choix si ce n’est eux-mêmes, et leur peur.

Ensuite, en faisant appel à leur amour pour lui, il leur présente le vrai visage de cet amour et de tout amour et y joint la promesse de la présence agissante du Père et de l’Esprit. Il ouvre les cœurs à une autre présence que celle qu’il a avec eux en ce moment de présence physique.

Une première fois : Si vous m’aimez vous garderez mes commandements, et en tout premier celui qu’il venait de leur donner comme le commandement nouveau : aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Alors le Père vous donnera un autre défenseur que moi-même, l’Esprit de vérité qui restera avec vous pour toujours. Vous ne serez pas seuls. Une deuxième fois, si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, mon Père l’aimera, nous viendrons à lui et chez lui nous nous ferons une demeure. Nous, le père et moi-même, nous déplacerons jusqu’à vous, là où vous serez pour être avec vous. Vous ne serez pas seuls. Une troisième fois, si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de mon bonheur, de ce que je vais vers le Père, qui est plus grand que moi. Le véritable amour nous décentre de nous-mêmes pour prêter attention à l’autre et chercher sa joie, et ce qui est bon pour lui. On peut entendre ici en écho la parole de Thérèse de l’enfant Jésus : « Beaucoup servent Jésus quand il les console mais peu consentent à tenir compagnie à Jésus souffrant au jardin de Gethsémani ». Comprenne qui pourra.

Tel est le message de Jésus à tous ceux qui sont affrontés à la solitude douloureuse après avoir connu des moments où se faisait sentir sensiblement sa présence. C’est un appel à croire en ses paroles, ensemble, en église, et à aimer, d’un amour qui se concrétise en premier auprès de ceux qui sont proches de nous, à nous aimer les uns les autres. Jésus désire tellement nous faire expérimenter la présence agissante de son Père et de l’Esprit qui nous accompagnent toujours et partout. Car avant d’entrer dans son mystère pascal, seuls ceux qui étaient avec lui, physiquement, et à ce moment de l’histoire, expérimentaient sa présence et son amour sensible. Sa résurrection a fait sauter les limites de l’espace et du temps. Désormais, à quiconque choisit de croire en ses paroles, en quelque lieu qu’il soit, et quel que soit le moment de l’histoire ou il se trouve, Dieu se rend présent, intimement et donne des frères et des sœurs à aimer.

Voilà des paroles un peu folles au regard humain mais ce sont des paroles de vérité. L’Esprit saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix.

Fr. Dominique Sterckx, ocd - ([https://www.carmes-paris.org/un-couvent-a-paris/])
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