Vers l’avant (Homélie vigile pascale)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Gn 1, 1 – 2, 2 ; Ps 103 (104) ; Ps 32 (33) ; Gn 22, 1–18 ; Ps 15 (16) ; Ex 14, 15 – 15, 1a ; Ex 15, 1b, 2, 3-4, 5-6, 17-18 ; Is 54, 5-14 ; Is 55, 1-11 ; Ba 3, 9-15.32 – 4, 4 ; Ez 36, 16-17a.18-28 ; Rm 6, 3b-11 ; Lc 24,1-12

Nos 40 jours de pénitence sont terminés, les jours de la Passion sont désormais derrière nous. Ce temps du Carême fut éprouvant notamment avec l’actualité religieuse et les abus qui se font jour dans l’Église qu’ils soient sexuels, de conscience ou de pouvoir. Au début de la Semaine Sainte, nous avons été meurtris à la vue de la cathédrale Notre Dame de Paris en feu, un lieu fort de la foi et de l’histoire de notre pays gravement endommagé par cet incendie. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là, notre regard ne peut pas se figer en arrière, il doit regarder vers l’avant. En effet, l’espérance se fait jour comme la lumière de l’aurore point pour nous indiquer le jour qui naît. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette bonne nouvelle qui surgit à l’orée du jour.

Cette Croix, elle demeure, elle est toujours présente, elle a laissé ses traces sur le Christ, elle a inscrit dans sa chair les stigmates de sa Passion. C’est une Croix douloureuse mais aussi désormais une Croix glorieuse. Cet instrument d’ignominie devient par la Résurrection du Christ un instrument de salut, cette Croix honnie devient l’emblème, l’étendard des chrétiens, le signe de ralliement, celui qui ouvre et clôt toutes nos célébrations. Ave Crux, spes unica  : salut ô Croix, notre unique espérance. Car la Croix n’est plus la fin ultime, n’est pas le point d’orgue ni le bout du chemin sinon nous ne nous serions pas levés si tôt ce matin.

Marco Basaiti - Resurrection du Christ

Si nous sommes là en ce jour, si nous sommes venus ici dans cette chapelle, c’est bien que de la Croix et par la Croix s’est ouvert un passage, que du tombeau du Christ, l’inouï est survenu. Un inouï qui n’arrête pas de nous surprendre, qui dépasse notre entendement, qui surpasse notre compréhension. Regardez les Apôtres, ils ne les croient pas ces femmes, ces saintes femmes, Marie-Madeleine, Jeanne et Marie mère de Jacques, premières messagères de la Résurrection. Ils croient même qu’elles délirent ! L’événement est tellement hors de nos catégories humaines, comment est-ce possible, est-ce bien vrai ? L’Évangile nous montre saint Pierre qui est étonné, à deux doigts de croire mais encore sur le seuil, il ne semble pas encore avoir fait le saut de la foi. Il n’en est plus très loin mais il lui faudra la visite du Ressuscité avec les autres Apôtres pour croire, enfin !

Nous n’aurons pas cette chance comme saint Pierre. Mais nous, dans cette nuit très sainte, nous avons vu tout à l’heure, le feu a brulé, la lumière du Cierge Pascal s’est allumée et nos cierges ont illuminé la nuit. La nuit n’a pas eu le dernier mot, la lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée (Jn 1,5), elles ne le pouvaient pas, la lumière du Christ est plus forte que tout, est plus forte que la mort, elle vient chasser les ténèbres de nos vies.

Si hier, au 7e jour de la Création, dans le sabbat, le grand repos, le monde s’est arrêté, tout s’est tu, un grand silence régnait sur la terre, aujourd’hui, c’est la nouvelle Création, un nouveau monde vient au jour, un monde que les prophètes ont annoncé et attendu, un monde nouveau qu’il s’agit d’accueillir et d’accompagner dans sa croissance.

Il est temps pour nous de nous mettre en route, non pas comme le peuple juif lors de la sortie d’Égypte poursuivi par l’armée de pharaon, peuple pour qui Moïse fait un passage dans la mer rouge, il s’agit pour nous de mettre nos pas dans les pas de ces saintes femmes et d’aller à la rencontre du ressuscité. Ne faisons pas comme les Apôtres qui vont s’enfermer, se claquemurer, dans la peur et le souvenir du jour funeste de la Croix mais, au contraire, sortons et avançons à la rencontre du Christ ressuscité. Prenons les devants pour aller au tombeau et découvrir qu’il est désormais vide, que désormais le Christ nous attend dans nos vies, qu’il est même la Vie de nos vies, qu’il est notre compagnon de route comme pour les pèlerins d’Emmaüs, qu’il nous livre son Eucharistie pour nous assurer de sa présence toujours à l’œuvre dans notre monde, qu’il ne nous quittera jamais.

Oui, le Christ est ressuscité, frères et sœurs, c’est le plus grand cadeau, le plus grand bonheur que Dieu pouvait nous offrir. Dieu nous donne sa vie, une vie qui ne finit pas. Au jardin d’Éden, l’homme et la femme en furent chassés de peur qu’ils ne mangent aussi de l’arbre de vie. Désormais c’est Dieu lui-même qui nous donne sa Vie, la Vie éternelle. La Résurrection c’est la réconciliation de notre monde, c’est l’avènement d’un monde nouveau qui se fait jour, qui point, qui est à l’œuvre et qu’il s’agit pour nous d’accompagner et de proclamer. Oui, notre monde doit entendre ce message : Christ est ressuscité, Christ est vivant, il a donné sa vie pour nous, pour vous, pour moi. Amen.

Fr. Christophe-Marie, ocd - (couvent d’Avon)
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