Homélie d’Avon : Bienheureuses Carmélites de Compiègne

Le martyre des bienheureuses Carmélites de Compiègne doit sa force à divers éléments. Je voudrais en méditer trois.

Premièrement, on connaît peut-être Thérèse de saint Augustin mais avant tout « les Carmélites de Compiègne » : le martyre de ces sœurs est le témoignage d’une communauté. Cela signifie que le martyre n’est pas tant affaire d’héroïsme que de communion, communion avec le Seigneur (celle du serviteur avec son maître), communion fraternelle dans la diversité, le soutien mutuel, le pardon, un projet commun. La vie extraordinaire de certains martyrs (Laurent sur son gril, Maximilien Kolbe et son geste grandiose) ne doivent pas nous faire oublier que le martyre est celui de la faiblesse livrée qui manifeste à la fois la folie de l’homme (la Terreur, celle de 1794 et celle de tous les temps) et la force de Dieu.

Je parlais de projet commun. Le martyre des carmélites de Compiègne a été en effet vécu dans la logique même de leur vie à la suite de sainte Thérèse. Cela a été souligné à propos de leur prière de consécration que la communauté prononça chaque jour à partir de 1792, à l’initiative de la prieure qui a su centrer la communauté sur l’essentiel du Carmel Réformé : vivre le don de soi au service de l’Eglise : « ne dormons pas », « le monde est en feu ». Communauté de martyres, témoignage d’une communauté, voilà ce premier élément.

Deuxièmement, la communauté, dans son acte de consécration, s’était offerte pour la paix. La paix est le fruit du salut : « c’est lui [le Christ] notre Paix qui a supprimé en sa chair la haine ». La paix sera toujours l’authentique signature évangélique : « heureux les artisans de paix ». Face à la « haine du monde », les carmélites ont vécu de cette paix (le témoignage de leur sérénité a beaucoup impressionné) et l’ont espérée pour leur pays dans leur prière quotidienne. Cela aussi fait partie de leur témoignage.

Troisièmement, « mourir en chantant ». Laissons nous interpeller par ce qui a beaucoup marqué la foule qui, pourtant encline aux injures et remarques graveleuses s’est tue, lorsque les Carmélites, en arrivant place du Trône renversé pour être guillotinées, ont entonné le Miserere, le Salve, c’était l’heure des complies – « Si l’on a observé ma parole, on observera aussi la vôtre » avait dit Jésus. Au moment de mourir, chaque sœur renouvela sa promesse de baptême, sa profession religieuse et entonna le psaume 116. « Mourir en chantant », voilà bien l’expression ultime que rien ne pouvait les détourner de leur espérance ni de leur projet d’une vie donnée à Dieu, ni même de l’heure des complies ! Au passage, Bernanos écrivait ainsi, dans une phrase plus profonde qu’amusante : « la vie et la mort d’une religieuse ne devraient jamais se marquer que par un léger changement d’horaire des travaux et des offices du jour ».

Oui, « l’amour à la suite de Jésus sera toujours vainqueur », voilà le grand message que nous donne aujourd’hui encore les bienheureuses carmélites de Compiègne. Amen

Fr. Guillaume Dehorter, ocd

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