Homélie d’Avon : Sainte Thérèse d’Avila 15 octobre

REGARDS D’ÉDITH STEIN SUR THÉRÈSE D’AVILA

Frères et sœurs,

Il y a 77 ans, Édith Stein entrait au carmel de Cologne. Peu avant, elle écrivait à une amie : « Je serai autorisée à vivre la fête de Sainte Thérèse comme son enfant. » Quelques jours plus tard, elle écrit à un ami : « Je suis entrée au couvent des carmélites déchaussées samedi dernier, et je suis ainsi devenue fille de sainte Thérèse qui avait précédemment inspiré ma conversion. » C’est après la lecture de la Vida qu’elle a décidé de recevoir le baptême dans l’Église catholique. Elle précise dans le Mémoire de sa vocation : « Le Carmel était mon but depuis près de douze ans, depuis que la “Vie” de notre Mère sainte Thérèse m’était tombée entre les mains en l’été 1921 et avais mis fin à ma longue quête de la vraie foi. » A la lecture de la “Vida”, Édith a été illuminée, elle fait désormais partie, selon sa propre expression, de « ceux qui lui [sainte Thérèse] doivent d’avoir trouvé le chemin de la lumière » « et dont le nombre ne sera connu qu’au jugement dernier. »

À travers les mots de Thérèse, Édith se trouve face à une expérience, un itinéraire personnel, un chemin de vérité et d’intériorité, et non pas face à une théorie. En dévoilant son monde intérieur avec simplicité et vérité, Thérèse permet à Édith de comprendre ce qui se passe en elle et de découvrir la vérité de son être : être créé qui n’est en vérité que lorsqu’il se situe humblement devant son Dieu. Elle voit que cette vérité qu’elle cherche passionnément c’est Quelqu’un : le Christ Jésus.

Édith a été impressionnée, tant au niveau affectif qu’au niveau cognitif par l’authenticité et la simplicité de Thérèse de Jésus. Si elle n’a rien voulu dire sur ce qui s’est passé cette nuit-là, les sentiments qui l’ont alors animée transparaissent dans ses écrits : « la force de son langage, la sincérité et la simplicité du style de ses écrits ouvrent les cœurs et déposent en eux la vie divine. » Présentant le livre de la “Vida”, elle écrit : « Avec les Confessions de saint Augustin, aucun livre de la littérature universelle n’est marqué comme la Vie de Thérèse du sceau de la vérité, aucun livre n’éclaire d’une lumière aussi pénétrante les plis secrets de notre âme, ni ne livre un témoignage aussi émouvant des “miséricordes de Dieu”. »

Elle ne cesse de lire Thérèse d’Avila et d’approfondir sa pensée et son témoignage. « Je crois que l’on peut et que l’on doit parler d’expérience religieuse ; mais ce faisant, il ne s’agit pas d’une « intuition immédiate » de Dieu. […] Là où l’expérience personnelle fait défaut, il faut s’en tenir aux témoignages d’homines religiosi. Ceux-ci au moins, ne manquent pas. Les plus impressionnants sont à mon sens, les mystiques espagnols Thérèse et Jean de la Croix. »

La présence de Thérèse d’Avila est très forte dans le corpus des écrits de sœur Thérèse Bénédicte de la Croix. Nous pouvons en citer au moins cinq : Amour pour amour , Un maître dans l’art d’éduquer : Thérèse de Jésus , Le château de l’âme , La prière de l’Église et Histoire et esprit du Carmel . Dans ces divers écrits, nous recueillons un beau portrait de notre Mère Sainte Thérèse de Jésus.

Ainsi dans sa présentation biographique Amour pour Amour, elle présente les traits saillants de l’être de la Madre : « délicatesse de sa conscience qui s’accuse avec un vif remords quand nul autre ne peut découvrir en elle une faute ; ardeur de son amour qui la rend prête à n’importe quel sacrifice pour l’honneur de Dieu ; souci des âmes qu’elle désire de toutes ses forces arracher à leur perte et conduire dans la paix du Seigneur. »

Dans la Prière de l’Église, elle s’interroge : « Qu’est-ce qui donna donc à cette religieuse, qui consacra à la prière des décennies de sa vie dans la cellule d’un monastère, le désir ardent d’œuvrer pour la cause de l’Église et la lucidité pour discerner la détresse et les besoins de son temps ? »

Elle donne elle-même la réponse : « elle vivait dans la prière et se laissait toujours plus profondément attirer par le Seigneur à l’intérieur du “château” de son âme, jusqu’à cet appartement secret où il put lui dire “qu’il était temps qu’elle se charge désormais de ses intérêts à lui comme des siens propres, et qu’il prendrait soin de ses intérêts à elle.” C’est pourquoi elle ne put faire autrement que de “…brûler d’un zèle ardent pour le Seigneur, le Dieu des armées” (Paroles de notre saint père Elie, qui ont été retenues comme devise dans le blason de notre ordre). Celui qui se donne sans réserve au Seigneur est choisi comme instrument pour construire son royaume. L’histoire officielle ne dit rien de ces forces invisibles et inestimables. Mais la confiance du peuple croyant et le jugement de l’Église, qui examine longuement et pèse avec prudence, les connaissent. Et notre temps se voit de plus en plus contraint, quand tout le reste a échoué, à placer son dernier espoir de salut en ces sources cachées. »

Dans son article Histoire et esprit du Carmel, elle écrit : « Durant plusieurs dizaines d’années, elle souffrit de se sentir tiraillée entre les relations mondaines qui la retenaient prisonnière et le don sans réserve à Dieu qui l’attirait. Mais le Seigneur ne lui laissa pas de répit tant qu’elle n’eut pas tranché tous les liens qui l’entravaient et qu’elle n’eut vraiment rendu sa vie cohérente avec cette vérité : Dieu seul suffit. » Dans cet article, elle expose ce qui pour elle constitue le cœur du charisme carmélitain. Elle en montre la continuité à travers trois expressions : « se tenir devant Dieu », « Méditer jour et nuit la loi du Seigneur », Dieu seul suffit ».

Elle poursuit comme une confidence – mais aussi pour nous une invitation – : « Ses écrits sur la prière, la description la plus complète et la plus vivante qui soit de la vie intérieure, sont le précieux héritage par lequel son esprit continue d’agir en nous. »

Dans une recension sur la nouvelle publication des écrits de la Madre, en 1938, nous pouvons lire : « Le Chemin de perfection constitue le sixième et dernier volume des Œuvres. Il s’agit du manuel de vie spirituel que la Sainte Mère a écrit pour ses filles et fils spirituels. »

Vous le savez bien, durant cette année 2010-2011, tout l’Ordre du Carmel est invité à écouter dans le Chemin de perfection ce que Thérèse veut nous dire pour aujourd’hui.

Édith, postulante carmélite, concluait sa biographie de Thérèse par ses mots : « Dans la grande famille religieuse qu’elle a fondée, tous ceux à qui fut accordée cette grâce immense d’être appelés ses fils et ses filles lèvent leur regard vers leur sainte Mère avec un amour plein de reconnaissance et ne connaissent nul autre désir que celui d’être remplis de son esprit et de parcourir en lui tenant la main le chemin de la perfection jusqu’à atteindre le but. »

Fils et filles du Carmel, nous qui célébrons en ce jour notre Mère sainte Thérèse de Jésus, puissions-nous recevoir double part de son esprit. Amen.

Fr. Didier-Marie Golay, ocd

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