Homélie d’Avon : 4e Dimanche TO

Promesse de bonheur

Les Béatitudes, la fameuse charte des béatitudes, un texte universellement connu, bien au-delà du christianisme ! Que peuvent-elles, ces béatitudes, nous dire ce matin à nous qui venons rencontrer le Christ dans l’Eucharistie ? Comme Jésus enseignait à ses disciples, « ouvrant la bouche, il se mit à les instruire », tirons trois enseignements de cet Évangile :

  • Le bon usage du paradoxe
  • Assumer librement la réalité quelle qu’elle soit
  • Avancer sur le chemin de la vie à la suite du Christ

Le paradoxe, nous le savons, est présent tout au long de l’Évangile ! Pas seulement dans notre texte. « Heureux les pauvres » « Heureux ceux qui pleurent » « Heureux ceux qui sont persécutés » Le paradoxe présente l’avantage de dire quelque chose d’important en prenant un détour, une médiation, il ne fait pas perdre la route, il donne le temps nécessaire pour l’accueil d’une vérité, par chacun à son rythme, selon ses possibilités.

Accueillir une vérité existentielle en profondeur, c’est-à-dire dire pas seulement au niveau cérébral, n’est pas une petite affaire ! Cela prend du temps, plus qu’on ne le croit. Souvent, nous pensons avoir franchi un cap dans tel ou tel domaine, et c’est alors que des événements surviennent et se chargent de nous montrer que nous étions dans l’illusion… Cela veut dire que nous n’avons pas encore réellement accueilli, en nous, telle ou telle vérité existentielle.

Que de choses dans la vie, dans notre vie intime et dans nos relations, que nous connaissons, que nous comprenons, plus ou moins, mais que nous n’acceptons pas vraiment, de front, parce que cela nous heurte et produit en nous un certain malaise.

L’usage du paradoxe peut nous aider à avancer, à franchir l’obstacle, à nous déplacer mentalement, psychologiquement et spirituellement. Si Jésus l’emploie c’est qu’il est utile.

Jésus nous dit qu’il est possible d’être heureux tout en vivant dans des conditions objectivement malheureuses : être persécutés, être confrontés à des situations qui nous révèlent nos limites, nos pauvretés. Comment arriver à vivre ce bonheur que nous décrit le texte des béatitudes ? Nous sommes ici au point central. Jésus énonce les béatitudes. C’est très bien, c’est magnifique, Il ne dit pas n’importe quoi Jésus ! On pourrait dire qu’il parle d’abord de Lui et pour Lui, qu’il décrit son expérience ! On pourrait dire, les béatitudes, c’est bon pour Lui, cela lui est facile, Lui le Saint, Lui qui acceptera de se laisser mettre sur une croix pour y mourir ! Mais pour nous ? Ce n’est pas raisonnable !… C’est ici que le paradoxe peut nous aider.

Jésus a connu la persécution, l’insulte, la calomnie, la dérision, le mépris. Il a fait l’expérience de la pauvreté et des larmes. On peut croire qu’Il a fait aussi l’expérience des béatitudes à travers cela. Il a tout assumé dans sa liberté de Fils de Dieu. Jésus ne se moque pas de nous, il nous dit que nous pouvons nous-aussi assumer, par un libre choix, la réalité quelle qu’elle soit. Le bonheur est, non pas à prendre, mais à recevoir de Lui par la confiance et l’espérance. Si la plupart des béatitudes sont au futur (ils obtiendront la terre ; ils seront consolés ; ils seront rassasiés ; etc.), notez, et c’est très important, que la première des béatitudes ainsi que la huitième sont au présent : le Royaume des cieux est à eux !

Ces deux béatitudes contiennent toutes les autres. Ce jeu du présent et du futur est paradoxal, bien sûr. C’est la loi de la vie, du développement, de la graine qui meurt pour donner son fruit, le futur est dans le présent. Assumer librement la réalité, je dis bien librement, car toute la différence est là ! Il y a bien des choses dans la vie que nous sommes obligés d’accepter (peu importe ici si l’obligation est réelle ou non), et notre liberté n’est pas alors activement engagée, elle l’est seulement passivement, c’est comme si nous consentions à contrecœur, cela ne peut pas nous rendre heureux.

Le bonheur qui nous est promis dans l’Évangile est le fruit d’un libre assentiment au réel, un assentiment qui se fait en avançant dans la vie, en passant par des caps, en franchissant des seuils de vérité. C’est le travail d’une vie en marche.

En effet, les béatitudes sont pour ceux qui se mettent en route, à la suite du Christ ! Car c’est à cause de Lui, à travers les épreuves subies pour sa cause, la justice, la miséricorde, la pureté, la paix que le vrai bonheur est promis. Il s’agit pour nous d’entrer dans une saine activité, comprendre activité dans le sens où nous sommes pleinement consentants à la vie qui nous est donnée, cherchant par tout ce que nous faisons, même les échecs, à devenir ce que nous sommes en vérité aux yeux du Créateur.

Jésus nous ouvre la route avec les béatitudes, Il nous apprend à reconnaître le Royaume des cieux déjà-là et il nous invite à nous réjouir, à être dans l’allégresse, ici et maintenant, dans l’espérance d’une grande récompense dans les cieux !

Amen

Fr. Robert Arcas, ocd

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