3e Dimanche de Carême -B- (Avon)

Le temple de Jérusalem était au centre de la vie religieuse du peuple juif au temps de Jésus. C’était le lieu sacré par excellence, grand, majestueux, où les prêtres célébraient l’alliance avec Dieu en accomplissant les rites et les sacrifices prescrits par la Loi. Le temple était divisé en différentes parties avec des accès réservés selon la sacralité des lieux. Au centre du temple se situait le Saint des Saints où résidait la présence de Dieu, seul le grand-prêtre n’y entrait une fois par an pour le jour du Grand pardon. Puis il y avait le Saint, lieu habituel des sacrifices offerts par les prêtres. On trouvait aussi un parvis réservé aux femmes et aux jeunes enfants et enfin un parvis dit des gentils, c’est-à-dire le parvis où pouvaient accéder les non juifs et où se faisait le commerce des changeurs et la vente des bestiaux pour les sacrifices. En effet, les Juifs qui venaient de loin ne pouvaient amener leurs propres bétails et devaient changer leurs monnaies étrangères pour effectuer leurs achats.

C’est sur ce parvis des gentils que Jésus se met en colère contre ce commerce qui dénature le lieu sacré, le temple devait être avant tout le lieu de la rencontre avec Dieu, de la prière et de la célébration, même pour les païens. En voulant préserver la valeur spirituelle du temple, en soulignant sa vocation d’être le lieu de la rencontre, Jésus nous engage à respecter la présence de Dieu. Et l’évangéliste précise le sens de l’intervention en spécifiant que le temple dont il parlait c’était son corps. Tel est bien, en effet, le mystère central de cet épisode. Le corps de Jésus, c’est-à-dire non pas seulement sa chair, mais sa personne vivante et bien concrète est désormais le lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes, ce corps est le lieu où Dieu se fait proche et où l’homme s’approche de Dieu. L’humanité de Jésus est le lieu privilégié de la présence divine, comme le Temple était le lieu de la présence de Dieu. Paul pourra donc faire un parallèle entre Jésus et le Temple dans l’épître aux Colossiens : « En lui habite et s’incorpore toute la plénitude de la divinité. » (Col 2,9).

Ce temple là, ce lieu où Dieu rencontre l’homme, personne ne pouvait et personne ne pourra jamais le détruire, et Dieu le Père l’a signifié publiquement au monde en ressuscitant son Fils le troisième jour. Aussi, ajoute l’évangéliste, lorsque Jésus se releva d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait parlé ainsi, et ils crurent à l’Écriture ainsi qu’à la parole qu’il avait dite. La résurrection, en effet, authentifiera les actions du Christ et son message, elle proclamera que Jésus était vraiment l’Envoyé du Père, et que Dieu était bien présent et agissant dans la personne du Christ, se réconciliant ainsi le monde.

Ainsi, dans le culte de nouveau, la maison véritable de Dieu sera le corps ressuscité du Christ, grâce auquel désormais habite parmi nous la gloire de Dieu. Avec la personne de Jésus, l’évolution de la compréhension de la présence de Dieu d’un lieu géographique vers le cœur de l’homme trouve son achèvement théologique du fait de l’incarnation. C’est ainsi que nous pouvons comprendre le passage de l’épître aux Éphésiens : « Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu. En Jésus toute construction s’ajuste et grandit en un Temple saint, dans le Seigneur ; en lui, vous aussi, vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu, dans l’Esprit. » Cette nouvelle compréhension de l’alliance et de la présence de Dieu ouvre finalement une nouvelle dynamique, celle de la construction spirituelle du Temple. En effet, pour le chrétien, si la question n’est plus où chercher Dieu, elle devient celle de l’accueil de cette présence de Dieu dans le cœur de l’homme.

C’est pourquoi chez Saint-Paul la question du Temple, si elle permet de reconnaître la présence divine chez l’homme, est d’abord perçue comme un appel à œuvrer pour la construction spirituelle de ce Temple. « Nous sommes les coopérateurs de Dieu, et vous êtes la plantation de Dieu, l’édifice de Dieu » (1 Co 3, 9-17) Paul est l’architecte de cette construction, et les chrétiens sont les matériaux, le Christ étant à la pierre d’angle. D’une certaine manière, la dynamique de la construction est inversée par rapport au Temple de la première alliance. Il ne s’agit pas de construire un Temple comme l’a fait Salomon dans lequel la présence de Dieu va descendre, mais de partir du donné de la présence de Dieu au cœur du croyant pour bâtir une vie qui devienne Temple de Dieu.

Il s’agit donc de s’ajuster à la grâce de Dieu et de grandir spirituellement pour que notre vie, notre être et toute notre personne correspondent au don que Dieu nous a été fait. Nous construisons ainsi le Temple spirituel qui permet de refléter la grandeur de la dignité de la personne humaine. Ainsi, St Pierre en écho à cette doctrine du Temple spirituel appelle à rendre dans ce Temple un culte qui soit véritablement spirituel. « Approchez-vous de lui, la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ » (1P 2).

C’est pour cela qu’en ce temps de carême Jésus adresse à chacun de nous cette invitation pressante : « Ne faites pas de la maison de mon Père, c’est-à-dire de votre cœur et de toute votre vie, une maison de trafic ». Car, Jésus connaît par lui-même ce qu’il y a dans l’homme ! Pour notre conversion, Jésus nous adresse donc cette question : comment je respecte la présence de Dieu dans mon cœur ? Comment fais-je de ma vie un culte de louange à la gloire de Dieu ? Comment je respecte toute vie humaine comme le lieu sacré de la présence de Dieu ?

Fr. Antoine-Marie, o.c.d.

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